Lukas Moser

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre allemand (première moitié du xve s. ).

Il est l'auteur d'un Retable de sainte Madeleine conservé dans l'église de Tiefenbronn, près de Pforzheim (Forêt-Noire), daté de 1432 ; une inscription portée sur le cadre désigne ce retable comme œuvre de " Lucas Moser peintre de Weil " (probablement Weil der Stadt, non loin d'Ulm, où l'artiste devait avoir son atelier).

Le retable, dont la forme particulière s'explique par sa destination (il a été substitué à une fresque sur le mur du bras sud du transept, sous un arc brisé), est exécuté en bois de chêne (exceptionnel en Allemagne du Sud) recouvert de parchemin ; certaines parties ont été dorées, et d'autres, comme la mer, peintes sur feuille d'argent. Il n'a subi que deux modifications : l'une v. 1525, lorsque la statuaire du coffre fut remplacée par la Sainte Madeleine portée par les anges qui s'y trouve encore aujourd'hui, ce qui provoqua une augmentation de la hauteur du coffre et l'adjonction d'une petite frise décorative en haut des volets mobiles et des ailes fixes, et l'autre en 1891, quand la pose d'un nouveau cadre extérieur entraîna la disparition d'une partie des inscriptions. Celles qui demeurent ont été repeintes, mais sans que la forme des lettres et le sens des phrases aient été altérés.

Fermé, le retable montre plusieurs scènes de la légende de sainte Madeleine : à gauche (aile fixe), le Voyage en mer ; au centre (les 2 volets mobiles), le Sommeil des saints arrivés à Marseille et, au-dessus, à travers une fenêtre, Sainte Madeleine apparaissant à l'épouse du prince ; à droite (aile fixe), la Dernière Communion de la sainte dans la cathédrale d'Aix. Sur la face interne des volets mobiles sont représentés Sainte Marthe à gauche et Saint Lazare à droite, les 2 figures se dressant devant un fond d'or sur un sol composé de nuages, d'étoiles et d'une multitude de monstres — allusion peut-être à leur action évangélisatrice en Provence. Aucune des hypothèses concernant l'état original du coffre n'a pu être confirmée. Sur la lunette, toujours visible, la Madeleine est représentée essuyant les pieds du Christ pendant le repas chez Simon ; la prédelle montre le Christ avec les vierges sages et les vierges folles. L'œuvre est d'une haute qualité picturale, sans exemple dans l'Allemagne de l'époque. Il est difficile de déterminer où son auteur a reçu sa première formation — peut-être en Basse-Rhénanie —, mais certaines particularités de l'iconographie et du style le montrent parfaitement informé des développements les plus récents de la peinture flamande, en particulier des œuvres du Maître de Flémalle : symbolisme dans les figures du portail et dans l'état d'inachèvement de la cathédrale d'Aix ; composition architecturale unique pour 2 scènes différentes (l'Arrivée à Marseille et la Communion) ; rendu de l'eau comparable à celui que l'on trouve dans les miniatures les plus modernes à l'époque ; attention apportée aux effets de la lumière (par exemple l'ombre d'un anneau sur un mur). Cependant, le traitement des formes se ressent encore très nettement des habitudes de la génération antérieure, du " style doux " rhénan.

La célèbre inscription " Crie, art, crie et plains-toi amèrement de ce que personne désormais ne te désire plus, hélas ! ", portée sur le cadre, a suscité de nombreux commentaires. On tend à y voir non pas la protestation d'un peintre traditionnel hostile aux nouveautés, mais bien plutôt la plainte d'un artiste conscient de sa valeur et de sa modernité dans un milieu ne pouvant l'apprécier.