Maître E. S. ou Maître E. S. de 1466

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Orfèvre, graveur au burin et dessinateur suisse ou allemand (actif dans le Rhin supérieur, à Strasbourg ?, v. 1450/1467).

Cet artiste est le premier à avoir utilisé un monogramme (E., E. S. et S.) pour signer ses gravures. Une vingtaine d'estampes portant cette signature forment le noyau autour duquel M. Geisberg et M. Lehrs réunirent au début de notre siècle plus de 300 pièces. Mais l'œuvre du maître devait être à l'origine bien plus considérable : on l'estime à près de 500 gravures. Parmi les quelque huit dessins qui lui ont été attribués, la critique retient actuellement la Jeune Fille tenant une bague (sainte Catherine ?) [Berlin, Kupferstichkabinett] et le Baptême du Christ (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques).

À la tête d'un atelier, le Maître E. S. se chargeait vraisemblablement aussi de l'édition d'une production variée destinée à satisfaire la clientèle nombreuse des villes rhénanes. À la faveur de la crise religieuse, la demande en images de dévotion s'était considérablement accrue : les images religieuses du Maître E. S. (Ancien Testament, Vie et Passion du Christ, Vie de la Vierge, Légendes de saints) dominent au sein de son œuvre. La Grande Madone (1466) qu'il grava pour le pèlerinage très fréquenté d'Einsiedeln en Suisse, en s'inspirant d'une fresque de la cathédrale de Constance, est sans doute son morceau le plus célèbre.

Ses gravures satiriques où l'idéal courtois, à l'honneur dans les milieux nobiliaires, est tourné en dérision, et son alphabet figuré étaient davantage destinés à l'élite bourgeoise.

L'œuvre gravé du Maître E. S. est caractérisé par une grande hétérogénéité technique et stylistique, ce qui rend difficile l'établissement d'une chronologie. On s'accorde cependant pour situer le groupe des quatorze burins, datés 1466 et 1467, à la fin de sa carrière. Un ensemble aussi varié reflète une personnalité artistique originale assimilant consciemment les influences les plus diverses pour les interpréter de manière très personnelle. Parmi les multiples sources du Maître E. S., l'œuvre de K. Witz et les nouveautés picturales des Pays-Bas méridionaux (R. Campin, R. Van der Weyden et D. Bouts) retiennent particulièrement l'attention.

En retour, l'influence exercée par le Maître E. S. dans le Rhin supérieur au cours de la seconde moitié du xve s. — notamment sur la sculpture strasbourgeoise — fut considérable, au point de contribuer à la formation d'un style régional. Avant M. Schongauer, le Maître E. S. fut sans conteste le graveur du xve s. dont l'œuvre exerça le plus grand rayonnement.