Jean Le Gac

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Artiste français (Tamaris, près d'Alès, Gard, 1936).

S'étant engagé dans la carrière de professeur de dessin, qu'il poursuit encore, et peu satisfait de ses propres créations, Jean Le Gac abandonne en 1968 l'idée de devenir artiste. Dans le même temps, il commence l'élaboration d'une forme d'expression différente qui va bientôt se révéler en réaction contre les tendances qui se manifestent en France à cette époque : Lumino-Cinétisme et art technologique, peinture abstraite, figuration narrative ou Nouveau Réalisme. Jean Le Gac va chercher davantage ses modèles dans le domaine des sciences humaines, être marqué par la littérature, celle de Raymond Roussel et du roman-photo, de Harry Dickson et de Henry James et puiser son inspiration dans sa vie personnelle. Sa démarche peut être rapprochée de celle de Christian Boltanski, qu'il connaît depuis 1966 et avec qui il a réalisé un certain nombre d'interventions (Promenades, Envois postaux, expositions en commun). Sa première création, intitulée les Cahiers (Aix-la-Chapelle, coll. Ludwig, et Dijon, F. R. A. C. de Bourgogne, 1968-1971), se présente comme une suite de 26 cahiers d'écolier, présentés ouverts et montrant en vis-à-vis un texte manuscrit et une photographie d'amateur ; le texte raconte de façon laconique de banales anecdotes qui parfois n'ont pas toujours un rapport avec la photographie, celle-ci pouvant être également difficile à déchiffrer. En choisissant de s'exprimer sous cette forme inhabituelle pour un peintre, Jean Le Gac renouvelait la création artistique en révélant une forme qui existait déjà, modeste et familière, mais qu'il donnait à voir dans un contexte nouveau. Ce travail de peintre mêlant forme non conventionnelle et vie personnelle de l'auteur a été réuni avec quelques autres par Harald Szeemann à la Documenta 5 de Kassel en 1972 sous le terme " Mythologies individuelles ".

À partir de là, l'œuvre de Le Gac, qui a pu se présenter même sous la forme d'un livre imprimé comme un roman (le Récit), va être marquée par l'apparition de plus en plus fréquente d'une figure de peintre dans les photographies (l'artiste lui-même) et le développement d'une narration dans des textes manuscrits ou dactylographiés, qui sont désormais présentés assemblés sur le mur comme un tableau ou un panneau documentaire (série d'œuvres sur le Peintre, 1973, où de nombreux pseudonymes sont utilisés pour qualifier les personnages de l'action). Ces montages vont se trouver bientôt encadrés d'une large bordure en bois verni, les photographies devenir de plus en plus grandes et souvent se présenter en couleurs et les textes dactylographiés être photographiés et agrandis. La référence au tableau redevient explicite (Une introduction aux œuvres d'un artiste dans mon genre, 1979-80). Souvent, les séries peuvent donner lieu à la publication d'un livre (le Peintre de Tamaris près d'Alès, 1979), voire des films : Jean Le Gac, artiste-peintre (1973), la Fausse Ruine et le peintre (1978), Jean Le Gac et le peintre L... (1983), qui affirment le goût de l'artiste pour la narration et la mise en scène. Depuis 1981, Jean Le Gac a réintroduit des techniques traditionnelles (support en carton, pastels et fusain) pour reproduire en dessin des images existantes, un fragment généralement emprunté aux bandes dessinées anciennes ou aux romans illustrés populaires, qui restent associés à des photographies et à des textes dactylographiés (le Délassement du peintre, 1980-1982). L'œuvre entier de Jean Le Gac est fondé sur l'illustration de la vie, des préoccupations et des sources d'inspiration d'un peintre imaginaire (mais qui est en réalité lui-même) et dont l'œuvre n'est jamais montré. Comme dans le Roman d'aventure (1972), où la figure du peintre est constamment enregistrée par un appareil photographique qui se trouve dans l'image, cette mise en abîme présente bien des points communs avec des procédés utilisés dans la littérature par les créateurs du nouveau roman. Il s'agit d'une chronique dont seuls sont livrés des fragments par le procédé du découpage. Jean Le Gac expose régulièrement à Paris chez Daniel Templon et à New York chez John Gibson. En 1978, le M. N. A. M. de Paris lui a consacré une exposition, de même que le M. A. M. de la Ville de Paris, A. R. C., en 1984. Son œuvre est représenté dans la plupart des grands musées et institutions culturelles européens. En 1988, il a reçu une importante commande publique pour la célébration du bicentenaire de la Révolution française.