Alexeï von Jawlensky

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre russe (gouvernement de Tver 1864 – Wiesbaden 1941).

Il renonça à la carrière militaire pour se consacrer à la peinture et se forma d'abord à l'Académie de Saint-Pétersbourg (1889), puis à Munich (1896) chez Anton Azbé, où il rencontra Kandinsky. En possession d'un métier solide, après des débuts réalistes, il subit l'influence de Van Gogh (Jacinthe et fruits, 1902.) et celle du Néo-Impressionnisme, découvert en France, où il se rend dès 1905 pour exposer au Salon d'automne et faire la connaissance de Matisse (Bord de la Méditerrannée, 1907). De retour à Munich en 1907, il rencontre Verkade, qui l'initie aux idées des symbolistes français. Il fonde la Nouvelle Association des artistes de Munich (1909) avec Kandinsky, et tous deux travaillent l'été (à partir de 1908) à Murnau, au pied des Alpes bavaroises. Jawlensky y découvre une expression originale, synthèse des mises en page économes du Jugendstil, des apports matissiens légèrement postérieurs au Fauvisme (Nikita, 1910 Wiesbaden, städtischess Museum) ainsi que des stylisations des peintures populaires bavaroises et de celles des icônes traditionnelles (la Russe, 1911, musée de Bielefeld ; Solitude, 1912, musée de Dortmund). Il retrouve l'esprit de celles-ci en 1912 et 1913, surtout lors de l'activité du Blaue Reiter, dans des œuvres maîtresses caractérisées par l'hératisme des attitudes et l'emploi du cerne exaltant des couleurs aux sourdes résonances (Dame au chapeau bleu, 1912-13, musée de Mönchengladbach). En 1912, il participe à l'exposition Sunderbund à Cologne et à la première exposition du Blaue Reiter à Berlin. En 1913, il est représenté à l'Erster Deutscher Herbstsalon à Berlin.

Après un séjour à Bordighera (1914), il réside à Saint-Prex, en Suisse (1914-1921), où il rencontre de nombreux artistes (Archipenko, Arp, A. Segal et Lehmbruck). Il y expérimente une expression beaucoup plus abstraite dans de petites " variations sur un thème de paysage ", " chansons sans paroles ", écrit-il (lettre au père Verkade, 12 juin 1938) [Grande Variation, matin, 1916 ; Variation, coucher de soleil, v. 1916, Berne, K. M.], qui précèdent des études analogues ayant pour thème le visage, désormais privilégié dans son œuvre et investi d'une signification éminemment religieuse (Tête de saint, 1919, Stuttgart, Kunstkabinett ; Face du Sauveur, 1920, Long Beach, Cal., Museum of Art). Installé définitivement à Wiesbaden (1921), Jawlensky forme encore avec Kandinsky, Klee et Feininger le groupe éphémère des Quatre Bleus (1924) en souvenir du Blaue Reiter. Il continue ses recherches au profit d'un art toujours plus spirituel, admet un retour à une figuration relative en 1922-23 (les Yeux ouverts, 1923, New York, M. O. M. A.) et achève son évolution par une longue suite de " méditations " d'inspiration biblique, de très petit format et d'un métier plus dru, visages aux yeux clos où de grandes barres noires enserrant des hachures verticales offrent un minimum de repères (Méditation, 1930). Les premières atteintes de la paralysie l'ont touché en 1920 et il cesse de peindre en 1938. Publié en 1959, le catalogue de Clemens Weiler comprend 789 numéros.

L'œuvre de Jawlensky, dans sa quête inlassable d'une représentation de l'invisible, sans abandonner tout à fait les allusions concrètes, est significative du conflit essentiel de l'art moderne entre Abstraction et Figuration. Il est représenté à Paris (M. N. A. M.), au musée de Lyon au Museum of Art de Long Beach, Californie, et dans la plupart des musées allemands : Dortmund, Düsseldorf (K. M.), Cologne (W. R. M.), Munich (Städtische Gal.), Stuttgart (Staatsgal.), et surtout Wiesbaden (27 toiles) et Wuppertal (Von der Heydt Museum). Une rétrospective présentant 71 œuvres a été consacrée à l'artiste (Arles, Espace Van Gogh) en 1993.