Giovanni da Milano

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Caversaccio, près de Côme, documenté à Florence de 1346 à 1369).

Il est considéré comme l'un des plus grands artistes italiens du trecento. Actif surtout à Florence, il y élabora une vision picturale qui, issue d'un certain " giottisme ", lui fit pourtant devancer par sa nouveauté tous les peintres florentins contemporains, Giottino seul pouvant lui être comparé.

Ses recherches centrées sur les valeurs épidermiques relèvent du réalisme le plus subtil. Ce qui, dans les dernières œuvres de Giotto, chez Maso, chez l'hypothétique Stefano ou chez Giottino, avait été une superposition " impressionniste " de glacis chromatiques se réduit méthodiquement avec Giovanni à une modulation continue et patiente de la surface picturale grâce à une trame de minces touches filiformes et curvilignes qui font " tourner " les choses représentées. Ainsi est produite la sensation d'une forme parfaitement définie, mais revêtue d'une sorte de peau frémissante. Cet accord entre structure et épiderme résulte d'une synthèse géniale des idéaux florentins et du penchant bien lombard pour une vérité aimable et savoureuse : tendance qui imprègne la production artistique de la vallée du Pô, depuis les polyptyques sculptés des maîtres de Campione jusqu'aux fresques de S. Abbondio (Côme), de Montiglio, du dôme de Bergame, depuis les miniatures du Tristan (Paris, B. N.) et du Pantheon de Goffredo da Viterbo jusqu'à l'œuvre de Vitale da Bologna et à celle de Tommaso da Modena, ce précurseur ou presque des Flamands. Cette singulière synthèse s'explique si l'on pense que, dès av. 1350, la présence d'artistes toscans est attestée en Lombardie : séjour du vieux Giotto à Milan, fresque du campanile de S. Gottardo à Milan, décoration de la coupole de Chiaravalle et du chœur de Viboldone, où la fresque avec la Vierge et des saints, datée 1349, est presque déjà un Giovanni da Milano. Mais le peintre se trouvait alors déjà à Florence, ou y avait séjourné (sa présence est attestée dans la ville en 1346) ; l'absence d'œuvres documentées permet difficilement d'imaginer la manière dont il peignait à cette époque. Les seules données certaines concernant ce qui subsiste de la production de Giovanni se rapportent : au polyptyque avec la Vierge et l'Enfant et des Saints de la Pin. de Prato, qui ne peut, en tout cas, être postérieur à 1363 ; aux fresques de la chapelle Rinuccini à l'église S. Croce (Florence), auxquelles il travaillait en 1365 ; à la Pietà de l'Accademia de Florence (1365).

Ces minces repères chronologiques sembleraient indiquer une évolution allant de formes amenuisées et gothiques à des modes plus amples et plus monumentaux. On pourrait donc rattacher aux débuts de l'artiste des œuvres comme la Pietà (Paris, coll. du Luart), le petit retable avec la Vierge et l'Enfant et des saints entourés de Scènes de la vie des saints et du Christ (Rome, G. N.), la Crucifixion (autref. à Londres, coll. Seymour-Maynard) et le Polyptyque de Prato (qui était peut-être déjà peint en 1354, puisque l'on retrouve la silhouette de la Vierge figurant dans ce polyptyque dans un tableau peint cette année-là par le Florentin Puccio di Simone). C'est le Giovanni de cette période qui influence toute la riche production lombarde entre 1360 et 1380, et donc des œuvres comme les cycles de fresques de Lentate, de Mocchirolo, de Viboldone, de l'église S. Marco à Milan ; ou les illustrations des livres des Visconti, comme ce délicat et frais témoignage de la vie courtoise que sont les pages de Guiron (Paris, B. N.), l'un des chefs-d'œuvre de la miniature.

L'activité de Giovanni dut se poursuivre en Toscane avec la Madone avec deux donateurs du Metropolitan Museum, le polyptyque peint pour l'église d'Ognissanti à Florence (dont subsistent 7 panneaux aux Offices : Saintes Catherine et Lucie, Saints Étienne et Laurent, Saints Jean-Baptiste et Luc, Saints Pierre et Benoît, Saints Jacques et Grégoire, de nombreux Saints, Patriarches et Prophètes à la prédelle), les pinacles provenant d'un retable (Londres, N. G.) jusqu'aux fresques de la chapelle Rinuccini, la Pietà de l'Accademia et le polyptyque dont devaient faire partie le Christ bénissant de la Brera et les Saints de la Gal. Sabauda de Turin. Un panneau restauré en 1981 a révélé une Vierge à l'Enfant de Giovanni à l'église de S. Bartolo in Tuto à Scandicci (Florence). Une production qui, sans être très abondante, dut agir profondément sur la formation du Gothique international en raison de l'élégance extrême de ses formes, de la recherche toute profane des costumes, de l'intimité délicate et poignante des scènes douloureuses, de la caractérisation aiguë des physionomies. Ce rendu méthodique de la vérité épidermique est la voie qui aboutira à Jan Van Eyck : la Pietà du Luart se situe à mi-chemin entre la culture d'Avignon et l'œuvre des frères Limbourg. Et, en Italie, Giovanni da Milano laisse son héritage à Gentile da Fabriano, à Masolino et à Sassetta.