Francesco di Giorgio Martini

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Sienne 1439  – id. 1501).

Il fut le condisciple de Neroccio di Landi chez Vecchietta, qui lui enseigna les fondements des trois arts renouvelés à la lumière des découvertes florentines. Toutefois, dans son œuvre picturale, il demeura davantage attaché à des formules archaïsantes, alliant les élégances graphiques de Filippo Lippi et de Verrocchio à un goût du rythme qui offre un accent de maniérisme néo-gothique. En revanche, il ordonne ses architectures avec une exquise mesure ; son admiration pour Alberti ne lui fait pas oublier les principes rationalistes de Piero della Francesca ou de Brunelleschi. Enfin, dans ses rares et admirables sculptures, il unit en une remarquable synthèse un impressionnisme plastique et la tradition florentine de Donatello et de Pollaiolo.

Ses œuvres peintes et ses dessins se situent à la limite de la stylisation la plus raffinée de caractère nettement abstrait. Son grand Couronnement de la Vierge, peint pour Monteoliveto Maggiore en 1472-74 (Sienne, P. N.), présente une construction complexe, édifiée dans un espace exigu, mais où transparaît l'application des idées de miniaturiste de Liberale da Verona ou de Girolamo da Cremona, qui travaillaient alors à Sienne. Son Adoration de l'Enfant par la Sainte Famille, saint Bernard et saint Thomas d'Aquin, de 1475-76 (id.), est influencée en revanche par les idées développées dans l'entourage de Verrocchio à Florence et dénote même une connaissance des premiers exemples de Vinci et de Botticelli. La même année, sa collaboration d'atelier avec Neroccio prend fin. Sa petite Annonciation (id.), élégante et calligraphique, est probablement un peu antérieure.

Dans les années qui suivent, il voyage de ville en ville (Lucques, Naples, Capoue, Rome, Milan, Pavie), mais réside en particulier à Urbino, où, dès 1477, il est au service de Federico da Montefeltro. Son activité picturale diminue alors (en 1484, il est nommé singularis architector et, à partir de 1489, il n'est plus mentionné que comme sculpteur, architecte et ingénieur), au point qu'il manifeste sans ambiguïté un vrai changement de manière lorsqu'il revient à la peinture.

Dans Scipion l'Africain (Florence, Bargello) et dans la Nativité (Sienne, S. Domenico), peinte certainement à la fin du siècle, on discerne en effet l'influence directe d'artiste florentins, et plus particulièrement celle de Filippino Lippi et de Piero di Cosimo. On lui attribue un cycle de fresques, mis au jour récemment dans la chapelle Bichi de S. Agostino à Sienne, que l'on peut dater entre 1489 et 1493.

Si Francesco di Giorgio eut peu d'effet sur ses contemporains par son art pictural, son rôle de représentant de la culture universaliste de la Renaissance toscane ne doit pas être mésestimé, car il transmit à des artistes comme Peruzzi les secrets spirituels d'un classicisme intimement senti plutôt qu'appris par une étude rigoureuse de l'antique. Outre les œuvres citées, on peut signaler que Francesco di Giorgio a peint également des Madones à l'Enfant à mi-corps (Avignon, Petit Palais), souvent entourées de Saints (Sienne, P. N. ; Boston, M. F. A. ; Cambridge, Mass., Fogg Art Museum ; Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza ; musée de Coral Gables, fonds Kress), une Adoration de l'Enfant (Metropolitan Museum), dont la partie supérieure (Dieu le Père et des anges) est à Washington (N. G.), et une Allégorie de la Fidélité (Pasadena Norton Simon Museum). On lui doit aussi des enluminures dans des Codex (musée de l'Osservanza, près de Sienne ; cathédrale de Chiusi ; Florence, Biblioteca Nazionale centrale) et la peinture d'une tablette de la Biccherna (1467, Sienne, Archives). Il peignit quelques " cassoni " mythologiques, mais les plus célèbres de ceux qui lui étaient attribués naguère (Enlèvement d'Europe, Louvre ; Joueurs d'échecs, Metropolitan Museum) sont aujourd'hui donnés à Liberale da Verona ou à Girolamo da Cremona. La grande exposition organisée à Sienne en son honneur en 1993 a démontré la diversité de ses dons. Toutefois, L. Bellosi a émis alors l'hypothèse que la plupart des peintures conçues par l'artiste ont été exécutées en bonne partie par un collaborateur qu'il nomme le " Fiduciario di Francesco ".