Luis Borrassá

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre espagnol (Gérone v.  1360  –Barcelone v.  1425).

Originaire d'une famille de modestes artistes de Gérone, il fut le premier représentant en Catalogne du Gothique international. Différents documents le mentionnent comme l'auteur de 48 retables exécutés entre 1383 et 1424 ; une douzaine subsistent en partie ou dans leur intégrité, mais de nombreuses peintures lui sont attribuées avec vraisemblance. Tout en gardant des contacts avec Gérone, l'artiste s'établit à Barcelone v. 1383 et organise un important atelier, dont les débuts sont mal connus (le grand retable qu'il exécute alors pour l'église du couvent de S. Damián n'existe plus). De cette première époque date la partie latérale d'un retable (v. 1385-1390, Paris, musée des Arts décoratifs) représentant la Nativité, l'Adoration des mages, la Résurrection et continuant la tradition italianisante de Destorrents et des frères Pedro et Jaime Serra. On attribue également à cette période le Retable de l'archange Gabriel de la cathédrale de Barcelone et celui de la Vierge et saint Georges (Villafranca del Panedès). En 1402 est documenté le Retable de la Vierge de Copons (Valence, coll. Montortal). Un caractère vigoureux anime une prédelle, la Déploration du Christ (1410), ajoutée ultérieurement au Retable du Saint-Esprit de Pedro Serra (collégiale de Manresa). Avec cette œuvre, l'artiste atteint sa pleine maturité. D'un thème alors courant en peinture comme en sculpture, Borrassá a fait un tableau tragique dans son réalisme, où la douleur de chacun s'exprime de façon différente ; les couleurs intenses s'équilibrent de part et d'autre de la Vierge. Désormais, Borrassá se rallie au style international, où interviennent des éléments flamands, parisiens, bourguignons. Les déplacements d'artistes, le mécénat des princes favorisèrent les contacts étrangers que Borrassá dut avoir à Gérone, où séjournait la cour du futur roi d'Aragon, Jean Ier, et de sa femme, Violante de Bar, nièce de Charles V.

Le Retable de saint Pierre (1411-1413, Tarrasa, église S. María), conservé partiellement, accuse un dynamisme accru. La technique de Borrassá, souple et fluide, révèle une maîtrise alors exceptionnelle en Espagne. L'apogée de sa carrière semble être marqué par le Retable de sainte Claire (1415), exécuté pour le couvent des Clarisses de Vich ; l'œuvre avait 6 m de haut et comportait 4 registres superposés de panneaux ; elle est maintenant exposée en fragments au musée de Vich.

Les œuvres suivantes sont plus discrètes : le Retable de saint Jean-Baptiste (v. 1415-1420, Paris, musée des Arts décoratifs), conservé en entier, présente l'image squelettique du Précurseur se détachant sur l'habituel fond d'or. Le Retable de saint Michel de Cruilles (1416, musée de Gérone), où se reconnaît la main d'un collaborateur, ajoute à la figure traditionnelle de l'archange combattant le démon de curieux épisodes : Messe des âmes du purgatoire et Persécution de l'Antéchrist.

Borrassá domine toute la production barcelonaise de 1390 à 1420 env. Le type de ses retables à étages superposés, son chromatisme brillant, ses procédés techniques servirent d'exemples à ses nombreux élèves et imitateurs, qui cependant ne réussirent pas toujours à retrouver la même aisance narrative, aisance qui lui faisait heureusement mêler la violence et la grâce mondaine, ni le raffinement de sa manière. Son influence s'exerça avec bonheur sur des artistes catalans tels que Juan Mates ou le Maître du Roussillon ; son successeur à la tête de l'activité picturale de Barcelone, Bernardo Martorell documenté de 1427 à 1452, lui doit également beaucoup.