Christian Boltanski

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Artiste français (Paris 1944 – Paris 2021).

Christian Boltanski se reconnaît comme un autodidacte. Il raconte que c'est en 1958 qu'il voulut " faire de l'art ". Ainsi, il réalisa au milieu des années 60 de nombreux tableaux de grand format sur le thème Peinture d'histoire et d'événements dramatiques : mais déjà l'histoire que met en scène Boltanski se rattache aux livres d'écoliers.

Cette mise en scène de l'enfance le conduit à réaliser des courts métrages (la Vie impossible de Christian Boltanski, 1968), qu'il présente en même temps que des pantins grandeur nature, aujourd'hui détruits, au cinéma le Ranelagh. S'y affirme le mode corrosif et ironique d'une œuvre délibérément autobiographique où l'artiste se veut acteur et spectateur. Boltanski édite alors de nombreux fascicules (Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1969 ; Reconstitution d'un accident qui ne m'est pas encore arrivé et où j'ai trouvé la mort, 1969) ainsi qu'un disque de comptines. Suivront des envois postaux, parmi lesquels Photographie de la sœur de l'artiste en train de creuser sur la plage, Sachet de drap blanc contenant des cheveux, parodies des reliques et des souvenirs qui, au-delà des siens, sont aussi ceux de tous : Les 3 000 Boulettes de terre et les 900 couteaux et pièges qu'il confectionne en mars-avril de la même année seront exposés à l'A.R.C. en 1970. De la même époque datent les Vitrines de références, dans lesquelles Boltanski fabrique les différents objets et fragments d'une autobiographie fictive. Dans les Boîtes de biscuits (1970), Tiroirs (1970-71), il simule les objets et la panoplie de son enfance (ballons, pantoufles, bouillotte, etc.) à l'aide de pâte à modeler, redoublant ainsi la nature de l'objet représenté par la nature du matériau employé. L'Album de la famille D. (1971) marque une étape : les 140 photographies d'un album de famille seront rephotographiées et encadrées chacune puis alignées sur une ou plusieurs rangées d'un même mur. Cette reconstitution aussi méticuleuse que vaine sera en 1972 à la source d'une des rubriques que Harald Szeeman, sous le titre de Mythologies individuelles, réalisera pour la Documenta 5 de Kassel. Dans ce passage du " je " au " il ", auquel l'œuvre de Boltanski ne cesse de renvoyer, les Reconstitutions qu'il réalise à partir de 1973 prennent une signification particulière : 62 lettres seront ainsi adressées à des conservateurs de musées d'art, d'histoire et d'ethnologie pour proposer à chacun de réunir dans une salle de son musée tout ce qui aurait pu appartenir à quelqu'un, " des mouchoirs à son armoire ". L'un de ces inventaires, regroupant les Objets ayant appartenu à une femme de Bois-Colombes, sera exposé au C. N. A. C. en 1974. Boltanski se prend alors comme objet. Il crée l'image d'un fantaisiste, d'un amuseur. Il se produit avec une poupée baptisée le Petit Christian et badigeonne des toiles de fond peintes qui constitueront l'arrière-plan parfois colorié de nombreuses Saynètes comiques (1974).

Dans les " images-modèles " et autres séries de photos que l'artiste réalise à partir de 1975, l'image du clown est abandonnée pour tenter de retrouver les stéréotypes et les archétypes des " belles images ".

À partir de 1976, Boltanski commence ses premières " compositions " qu'il développe sous la forme de séries jusqu'en 1985. Aux premières Compositions photographiques succèdent les Compositions japonaises, initiatiques, grotesques, théâtrales ou architecturales (etc.), qui sont autant une mise à distance qu'une interrogation sur le statut de la peinture (Monument, 1985 musée de Grenoble). En couleurs et monumentales, les " Compositions " de Boltanski naissent soit d'objets qu'il métamorphose par l'agrandissement photographique, soit d'objets qu'il bricole. Maniant l'image à l'époque de la reproduction, Boltanski obtient du tirage — qu'il encadre dès lors dans des coffrages de bois noir — l'effet du magique et du merveilleux qu'il tentait de retrouver depuis le commencement de son œuvre. Les Théâtres d'ombres, enfin les Leçons de ténèbres, qu'il réalise pour la Biennale de Venise de 1986, allient encore le souvenir et la mort, l'artifice et la quête du fantastique. Des rétrospectives ont eu lieu en 1988-89 au Canada et aux É.-U. et, en 1990-91, à Londres, Eindhoven, Grenoble.