Vénus et Adonis endormi

Véronèse, Vénus et Adonis dormant
Véronèse, Vénus et Adonis dormant

Peinture de Véronèse (vers 1585). Musée du Prado, Madrid.

Cette toile, que Vélasquez avait acquise à Venise en 1641 pour le compte de Philippe IV, est passée des collections du roi d'Espagne à celles du musée du Prado. Elle aurait été peinte comme pendant à la Mort de Procris. Celle-ci, tuée par mégarde à la chasse par son époux Céphale, jette une lueur tragique sur la paisible scène où Vénus évente Adonis. La torpeur du jeune homme et la douceur champêtre de l'instant sont ainsi minées par l'annonce de la proche mort d'Adonis, déchiré par un sanglier au cours d'une chasse : d'un côté le spectacle du bonheur et de la douceur de vivre, de l'autre l'image du bonheur perdu. Mais le sommeil d'Adonis n'est pas en soi exempt de menace. Il préfigure sa mort, et, comme le rappelle Pic de La Mirandole (dont Véronèse connaît l'œuvre), sommeil, mort et amour sont liés : « Mourir c'est être aimé d'un dieu, et, à travers lui, prendre part à la félicité éternelle. » Les chiens et l'Amour, images de la modération et de la fougue des sentiments, suggèrent l'harmonie du couple. Selon un code souvent suivi par Véronèse, l'amant mortel, vêtu de rouge, couleur de la passion, pose sa tête sur les genoux de la déesse, dont la semi-nudité parée de bijoux exprime la volupté.

Cette toile, tout comme son pendant, témoigne de l'intérêt nouveau que Véronèse porte au paysage. Les personnages s'intègrent dans une nature qui semble refléter les sentiments ou la tension psychologique qui sous-tend le sujet. À l'éclairage dramatique de la Mort de Procris s'oppose la lumière solaire qui dore le corps de Vénus et fait miroiter les feuillages protecteurs sur un ciel tendre et changeant. Mêlant mythologie, érotisme et observation psychologique, Véronèse donne à cette toile une densité lumineuse où le dessin très appuyé est soutenu par une touche qui joue sur les effets d'empâtement.

Véronèse, Vénus et Adonis dormant
Véronèse, Vénus et Adonis dormant