la Chambre des époux

Peinture de Mantegna (v. 1484). Détrempe a secco et a fresco sur mur. Palais ducal, Mantoue.

La décoration de la Camera Picta, connue sous le nom de Camera degli Sposi (Chambre des époux) à partir de 1648, est une œuvre majeure de Mantegna.

La salle, d'environ 8 m de côté, est située dans une tour du château San Giorgio du palais ducal des Gonzague à Mantoue. Malgré son nom, elle n'a jamais servi de chambre à coucher. Elle a sans doute eu une fonction de salle d'apparat, avant de servir de dépôt d'objets d'art. Elle finit par abriter des archives notariales. Le décor a subi plusieurs transformations. La Rencontre est probablement postérieure à la Cour assemblée. Les techniques utilisées sont d'ailleurs différentes : les lunettes, la guirlande et la Cour assemblée ont été exécutées à la détrempe a secco. Le reste du décor est a fresco.

L'organisation du décor

Le décor en trompe l'œil ouvre la pièce sur un paysage rural où sont disséminés châteaux et villes. Au centre du plafond, un oculo di cielo, entouré d'une guirlande de feuillages et de rubans, simule une balustrade sur laquelle s'appuient des personnages qui regardent, amusés, ce qui se passe dans la pièce.

Cette trouée de ciel bleu et de nuages repose sur un encadrement de stuc composé de huit caissons. Chacun de ces caissons contient un médaillon soutenu par un putto. La partie supérieure de la salle est ainsi divisée en douze pendentifs ornés de scènes mythologiques. Chaque paroi, partagée en trois compartiments par des pilastres figurés, est surmontée d'une lunette. La plinthe est également décorée.

À l'origine, les piédouches soutenaient des tringles et des rideaux de cuir à doublure bleue – le tout en trompe l'il – qui laissaient voir un décor de faux marbre. Cette première décoration, conservée sur les murs est et sud, a été modifiée. Sur les murs ouest et nord, les rideaux relevés découvrent des scènes de la vie de la famille Gonzague : la Cour assemblée, le Retour de la chasse et la Rencontre du marquis Ludovico et de son fils, le cardinal Francesco.

Un décor d'inspiration humaniste

La Cour assemblée, dont plusieurs détails de composition laissent penser qu'elle a été intégrée à l'ensemble postérieurement, serait un portrait de la famille Gonzague. On a vu dans la couleur des bas – rouge et blanc – des valets, un signe plaidant pour cette interprétation. Le regard de Mantegna sur les membres de cette famille est impitoyable : il rend avec un réalisme cruel les fronts proéminents, les prognatismes, l'épaisseur des mentons, les malformations, les disproportions.

La Rencontre témoigne d'une tout autre approche. Outre sa parfaite intégration dans le décor global, elle renvoie, dans sa composition, aux préoccupations esthétiques diffusées par un Brunelleschi ou un Alberti. L'emploi de la section d'or pour construire les éléments picturaux en harmonie avec l'architecture en est le principal élément. Les monuments visibles dans le paysage de l'arrière-plan confortent ce sentiment : le mur d'Aurélien, le Colisée, parfaitement identifiables, font référence à Rome, la ville humaniste par excellence.

Quant au décor des pendentifs et des compartiments, il suggère une destination possible de cette pièce comme salle de musique : la série consacrée à Orphée inciterait à le penser et l'hypothèse en a été avancée. Toutefois, la signification générale de cette décoration n'est pas totalement expliquée : les scènes mythologiques, les portraits des empereurs romains orientent vers des messages divers difficiles à relier entre eux.

La grandeur de ces figures brossées avec un modelé dur et vigoureux, l'accentuation des effets plastiques, l'illusionnisme appuyé de l'ensemble, les allusions à la philosophie humaniste et à la grandeur de l'Antique font de ces peintures un moment particulièrement significatif de l'œuvre de Mantegna.