Vénus

Vénus accroupie.
Vénus accroupie.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Très ancienne divinité italique de second plan, assez obscure, dédiée aux jardins et aux fleurs, et aux cultivateurs dont elle est la protectrice, plus tard identifiée à la déesse grecque Aphrodite.

Rustica Vinalia. On appelait ainsi dans le mois d'août, le 13 des calendes de septembre, un jour consacré à Jupiter, parce que les Latins, en guerre avec Mézence, vouèrent à ce dieu les libations de tout vin. Ce même jour ont été consacrés les temples de Vénus, l'un près du Grand Cirque, l'autre dans le bois sacré de Libitina, parce que les jardins sont sous la protection de cette déesse.

Sans doute le charme exercé par la nature a-t-elle favorisé son glissement vers le charme féminin. Il semble toutefois que l'identification de Vénus avec la déesse grecque Aphrodite soit antérieure au ive siècle av. J.-C., par l'intermédiaire de la déesse étrusque Turan, déjà assimilée à la divinité grecque, et dont on sait qu'elle avait un sanctuaire à Ardéa.

En 244 av. J.-C., lors de la première guerre punique, les soldats romains défendent le sanctuaire de l'Érycine, en Sicile, consacré à Aphrodite, avec une telle détermination qu'Hamilcar Barca renonce à s'emparer du lieu sacré. Ainsi, Rome acquiert la conviction que l'Aphrodite de l'Éryx est « porteuse de victoire ». En 217 av. J.-C., après la défaite de Trasimène, le dictateur romain Quintus Fabius Maximus installe l'Aphrodite d'Éryx sur le Capitole, à l'intérieur du pomoerium, sous le nom de Vénus Érycine (Erycina). Vénus est alors considérée comme la mère du Troyen Énée ; ce mythe est d'ailleurs utilisé dans la propagande progrecque et anticarthaginoise. (Dans l'Énéide, Vénus supplie Jupiter de venir en aide à son fils.) La même année, les Livres sibyllins ordonnent de vouer des temples à Vénus Érycine et à Mens ; ce qui advient en 215, sur le Capitole. La fête de Vénus Érycine est célébrée le 23 avril.

Malgré la rigueur de la morale romaine, Vénus finit par reprendre l'aspect « plaisir sexuel » attaché à l'Aphrodite d'Éryx ; preuve en est ce temple érigé en 184 av. J.-C., en dehors du pomoerium, que fréquentent les prostituées qui considèrent Vénus Érycine comme leur protectrice.

À l'opposé, Venus Verticordia (Aphrodite Apostrophia, « Qui détourne ») préserve des passions déplacées ; les femmes l'invoquent pour conserver « beauté, moralité et bonne réputation » ; à la fin du iiie siècle av. J.-C., une statue est élevée à Venus Verticordia (Obsequens, « Obéissante »), après consultation des Livres sibyllins, par Quintus Fabius Gurgès ; dans la foulée, des sanctions sont prises contre les femmes de « mauvaise vie ». Les Veneralia sont célébrées par les matrones le 1er avril.

Vénus protège le mariage en garantissant la fécondité du couple ; les amoureux peuvent se fier à Vénus : elle veille à ce que toutes les démarches nécessaires à l'amour soient parfaitement ordonnées et exécutées.

La déesse « au regard vague » a également un rôle politique. Scipion l'Africain introduit à Rome Vénus Genetrix, « Mère », sous la protection de laquelle se place Jules César, et dont il magnifie le culte puisqu'elle est à l'origine de sa gens Julia ; César, le mécréant, lui voue un temple, dans un forum somptueux, après la victoire de Pharsale, dans lequel il fait placer des perles venues de Bretagne ; et ne l'appelle-t-on pas, par dérision sans doute, le « beau fils de Vénus » ? Après la défaite de Mithridate, Pompée choisit pour patronne Vénus Victrix (« Victorieuse ») à laquelle il consacre un temple en 55 av. J.-C. ; Sylla se met sous la protection de Vénus Felix (« Féconde, Heureuse »), après avoir triomphé en Orient (82 av. J.-C.). Les Grecs ne font pas jouer un tel rôle politique à Aphrodite.

Le nom de la déesse viendrait du substantif neutre latin venus, et de venia (« faveur »), et venenum (« poison », « charme magique ») ; on cite aussi le verbe veneror, qui désigne ce que doit faire celui qui veut s'attirer les grâces divines.

Lucrèce, pour pouvoir s'adonner à son travail philosophique, invoque (symboliquement) Vénus, la mère des Romains : elle seule est capable d'apaiser les ardeurs de Mars.

Voir aussi : Aphrodite

Invocation à Vénus

Douce et sainte Vénus, mère de nos Romains,

Suprême volupté des dieux et des humains,

Qui, sous la voûte immense où tournent les étoiles,

Peuples les champs féconds, l'onde où courent les voiles,

Par toi tout vit, respire éclos sous ton amour

Et monte, heureux de naître, aux rivages du jour.

Aussi devant tes pas le vent fuit, les nuages

À ta divine approche emportent les orages,

Pour toi la terre épand ses parfums et ses fleurs,

Pour toi la mer sourit retenant ses fureurs,

Le ciel s'épanouit et se fond en lumière.

Car sitôt qu'il revêt sa splendeur printanière

Et que par les hivers le Zéphyr arrêté

Reprend enfin sa course et sa fécondité,

Les oiseaux, les premiers, frappés par ta puissance,

Ô charmante déesse, annoncent ta présence,

Le lourd troupeau bondit dans les prés renaissants

Et, plein de toi, se jette à travers les torrents ;

Sensibles à tes feux, séduites par tes grâces,

Ainsi des animaux les innombrables races,

Dans le transport errant des amoureux ébats,

Où tu veux les mener s'élancent sur tes pas.

Enfin au fond des mers, sur les rudes montagnes,

Dans les fleuves fougueux, dans les jeunes campagnes,

Dans les nids des oiseaux et leurs asiles verts,

Soumis à ton pouvoir, tous êtres divers,

Le cœur blessé d'amour, frissonnant de caresses,

Brûlent de propager leur race et leurs espèces.

Puis donc que la nature est toute sous la loi,

Qu'aux douceurs du soleil rien n'arrive sans toi,

Que sans toi rien n'est beau, rien n'est aimable, inspire,

Unie à mes travaux, les vers que je vais dire.

J'explique la nature à mon cher Memmius,

Et comme tu l'ornas de toutes tes vertus,

Répands en sa faveur, sur une oeuvre si belle,

Déesse de la grâce, une grâce immortelle.

Fais aussi que la guerre et ses affreux travaux

S'arrêtent endormis sur la terre et les flots ;

Seule tu peux fléchir par ton charme paisible

Mars le dieu des combats, puisque ce cœur terrible,

Vaincu par toi, revient sur ton sein chaque jour

Reposer sa blessure éternelle d'amour.

Ah ! lorsque renversé sur ta sainte poitrine,

Les yeux levés vers toi, de ta beauté divine

Il repaît lentement son regard éperdu,

Qu'à tes lèvres enfin l'amour l'a suspendu,

Penche sur lui ton front, et tes mains adorées

Enveloppant le dieu de caresses sacrées,

Fais couler dans son cœur de ces mots souverains

Qui demandent la paix pour tes fils les Romains :

Car je ne puis, à l'heure où souffre ma patrie,

Célébrer les douceurs de la philosophie,

Et le grand Memmius, défenseur de l'État,

Ne peut, pour m'écouter, déserter le combat.

Lucrèce

Vénus accroupie.
Vénus accroupie.