Numa Pompilius

Numa Pompilius se disposant à pénétrer dans le bois sacré.
Numa Pompilius se disposant à pénétrer dans le bois sacré.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Successeur légendaire de Romulus.

Le Sabin Numa Pompilius (715-673 av. J.-C.), originaire de Cures, se distingue par sa grande piété et son respect des dieux, à tel point qu'il n'est pas facile de lui faire accepter la couronne de roi.

Conseillé par la nymphe Égérie, il donne à Rome des lois et de bonnes mœurs ; il est considéré comme le fondateur de la religion officielle romaine, à laquelle il fournit sa structure. On lui doit le plus ancien calendrier romain : Romulus a divisé l'année en dix mois, le premier étant celui de Mars, par référence à son père. Numa partage l'année en douze mois, ajoutant le mois de janvier (januarius, de Janus, divinité pacifique) et celui de février (februarius, parce que le peuple est purifié de toutes les fautes commises au cours de l'année, februabatur) ; la division des jours en fastes et néfastes ; la création des collèges pour les prêtres saliens et les vestales, et l'institution des flamines de Jupiter, Mars et Quirinus ; il propose à la vénération des Romains les boucliers sacrés, le Palladium, quelques autres gages secrets de la ville éternelle, le Janus au double front, pour indiquer la paix et la guerre, et surtout le feu de Vesta qu'il confie à des vierges, afin que, rappelant l'image des astres, cette flamme, gardienne de l'Empire, ne cesse de veiller. Numa fait toutes ces choses comme par l'ordre de la déesse Égérie, pour que les Romains, encore barbares, les accueillent avec plus de respect. Enfin il amène ce peuple à ce point, qu'un Empire formé par la violence et l'usurpation, est gouverné par la religion et la justice.

Le législateur

Numa organise la société : la ville est alors composée de deux nations, ou plutôt séparée en deux partis, qui ne veulent absolument ni se réunir, ni effacer les différences qui en font comme deux peuples étrangers l'un à l'autre, et enfantent chaque jour parmi eux des querelles et des débats interminables. Numa, pour faire disparaître cette grande et principale cause de division entre les deux peuples, et la disséminer en quelque sorte dans plusieurs petites parties, distribue tout le peuple en plusieurs corps, séparés chacun par des intérêts particuliers. Il le distribue donc en divers métiers, de musiciens, d'orfèvres, de charpentiers, de teinturiers, de cordonniers, de tanneurs, de forgerons et de potiers de terre. Il réunit en un seul corps tous les artisans d'un même métier, et institue des assemblées, des fêtes et des cérémonies de religion convenables à chacun de ces corps. Par là il est le premier qui bannit de Rome cet esprit de parti qui fait penser et dire aux uns qu'ils sont Sabins, aux autres qu'ils sont Romains, à ceux-ci qu'ils sont sujets de Tatius, à ceux-là qu'ils ont pour roi Romulus. Ainsi, cette nouvelle division opère réellement le mélange, et pour ainsi dire l'amalgame de tous les citoyens ensemble. Il adoucit également la loi qui autorise les pères à vendre leurs enfants. Il y met une exception en faveur de ceux qui se seraient mariés hors du consentement et de l'ordre de leurs parents ; il ne peut voir sans peine qu'une femme qui a épousé un homme libre se trouve tout à coup mariée à un esclave.

Pendant tout le règne de Numa, il n'y a ni guerre, ni sédition, ni désir de nouveauté dans le gouvernement. Il ne s'attire ni la haine ni l'envie de personne, et l'amour du trône ne fait ni conspirer, ni tramer contre lui aucun mauvais dessein. Soit crainte des dieux, qui lui donnent des preuves si sensibles de leur protection, soit respect pour sa vertu, soit enfin faveur de la fortune, qui, sous son règne, conserve la vie des hommes exempte de toute souillure et de toute corruption, il est un témoignage et un exemple frappant de cette vérité que Platon, plusieurs siècles après lui, ose dire sur le gouvernement, que les nommes ne seront enfin délivrés de leurs maux que lorsque, par une faveur particulière des dieux, la puissance souveraine et la philosophie se trouveront réunies dans une même personne, et feront triompher la vertu des attaques du vice.

Enterré avec ses livres

Sur le nombre de ses femmes et de ses enfants, les données varient. Suivant les uns, il n'épouse pas d'autre femme que Tatia, dont il a une fille unique, nommée Pompilia ; selon d'autres, il a de plus quatre fils, Pomponius, Pinus, Calpus et Mamercus. D'autres enfin, accusant les auteurs de cette dernière opinion d'avoir voulu flatter ces quatre familles en les faisant descendre de Numa par de fausses généalogies, prétendent que Pompilia n'est point la fille de Tatia, mais d'une autre femme nommée Lucrèce, qu'il épouse depuis son élévation au trône. Numa s'éteint lentement, de vieillesse, et meurt, suivant l'historien Pison, âgé d'un peu plus de quatre-vingts ans.

Les honneurs qui accompagnent ses obsèques ajoutent à l'éclat de sa vie. Tous les peuples voisins, amis et alliés de Rome, s'y rendent avec des présents et des couronnes. Les sénateurs portent sur leurs épaules le lit où l'on a placé son corps ; ils sont suivis de tous les prêtres et d'une foule innombrable de peuple ; les femmes mêmes et les enfants assistent à ses funérailles, non comme à celles d'un roi mort de vieillesse, mais comme au convoi de l'ami le plus cher trop tôt disparu ; ils fondent tous en larmes et poussent de profonds gémissements. On ne brûle pas son corps, parce qu'il l'a défendu ; mais on fait deux cercueils de pierre, qu'on enterre au pied du mont Janicule : l'un renferme son corps, et l'autre les livres sacrés qu'il a écrits lui-même.

Pendant sa vie, il a instruit les prêtres de tout ce que ces livres contiennent et, après leur en avoir exprimé la doctrine, il ordonne de les enterrer avec lui, parce qu'il ne juge pas convenable que des mystères sacrés soient confiés à des lettres mortes. Valerius Antias prétend qu'on a mis dans le cercueil douze livres latins sur des matières de religion, et douze autres écrits en grec sur la philosophie. Environ quatre cents ans après, sous le consulat de P. Cornelius et de M. Bebius, des pluies abondantes ayant fait s'entrouvrir la terre, les cercueils restent à découvert : on les ouvre ; on trouve l'un entièrement vide, sans aucun reste de corps ; les livres sacrés se sont conservés dans l'autre. Le préteur Petilius, après les avoir lus, en fait son rapport au sénat, et jure qu'il n'est ni pieux ni juste de les rendre publics. En conséquence, ils sont brûlés publiquement dans le Comice.

Les portes du temple de Janus, fermées en temps de paix, s'ouvrent après sa mort, sous le règne de Tullus Hostilius, lors de la guerre contre Albe.

Voir aussi : Mars

Hésitations de Numa avant d'accepter la couronne

Numa est dans sa quarantième année, lorsque les ambassadeurs romains viennent le prier d'accepter la couronne. Leur discours n'est pas long ; ils ne doutent pas que Numa ne regarde comme un grand bonheur la nouvelle qu'ils lui apportent. Mais ce n'est pas une chose aisée que de l'y faire consentir ; et il faut même employer la prière pour ébranler un homme qui a toujours vécu dans la paix et dans le repos, pour le persuader de prendre le gouvernement d'une ville qui est née et s'est accrue au milieu des armes.

Il répondit, en présence de son père et de Marcius, un de ses parents : « Tout changement dans la vie humaine est un péril ; mais à celui qui a le nécessaire et qui ne peut se plaindre du présent, c'est pure folie de modifier et de changer ses habitudes ; biens qui, à défaut d'autres avantages, sont du moins plus sûrs que l'incertain. Or l'incertain n'est pas le fait de la royauté : témoin le sort de Romulus : flétri par le soupçon d'avoir fait tuer Tatius, son collègue, il a fait peser, à son tour, sur le sénat, la flétrissure de l'avoir lui-même assassiné. Et cependant les sénateurs célèbrent Romulus comme un fils des dieux ; ils disent qu'une divinité l'a nourri dans son enfance et couvert d'une protection surnaturelle. Pour moi, je suis de race mortelle, j'ai été élevé et nourri par des hommes que vous connaissez. Ce qu'on loue dans ma conduite est l'inverse de ce qu'il faut à un homme qui doit régner ; c'est le calme, les longues heures consacrées à l'étude et aux loisirs, un amour profond et inné de la paix et des travaux étrangers à la guerre, les assemblées où l'on s'occupe à honorer les dieux et à se faire bon visage, puis, quand on se sépare, la culture des champs et le soin des troupeaux. Mais à vous, Romains, Romulus vous a laissé, malgré vous peut-être, des guerres nombreuses, et la ville a besoin, pour résister, d'un roi bouillant et dans la force de l'âge. Ce peuple est accoutumé aux armes et son ardeur développée par le succès ; personne n'ignore qu'il ne veut que s'agrandir et commander aux autres. Je serais donc un objet de risée, si l'on me voyait servir les dieux, honorer la justice, inspirer la haine de la violence et de la guerre, dans une cité qui a plutôt besoin d'un chef d'armée que d'un roi. »

À ces raisons, alléguées par Numa pour refuser la royauté, les Romains opposent les plus vives instances : ils le supplient de ne pas les replonger dans de nouveaux troubles et dans la guerre civile, étant le seul qui agréât aux deux partis. Quand ils se sont retirés, le père de Numa et Marcius font en particulier tous leurs efforts auprès de lui, pour le décider à accepter ce grand et divin présent : « Si ta fortune suffit à tes désirs, si tu n'ambitionnes pas la gloire attachée au commandement et à l'autorité, parce que tu en as une supérieure dans ta vertu, considère du moins que régner c'est servir dieu. C'est Dieu qui t'appelle et qui ne veut pas laisser inutile et désœuvrée la justice qui brille en toi. Ne fuis donc point, ne refuse point le pouvoir, qui est pour un homme sage un champ de grandes et nobles actions. C'est là qu'on peut honorer magnifiquement les dieux et faire pénétrer la piété au cœur des hommes par l'influence efficace et prompte du souverain. Les Romains ont aimé Tatius, un prince étranger, et ils ont consacré par des honneurs divins la mémoire de Romulus. Qui sait si ce peuple vainqueur ne va pas être pris du dégoût de la guerre, et si, rassasié de triomphes et de dépouilles, il ne désirera pas un chef doux, ami de la justice, des lois et de la paix ? Mais en le supposant toujours passionnément épris, toujours fou de la guerre, ne vaudrait-il pas mieux détourner ailleurs cette ardeur impétueuse, en prenant en main les rênes, et unir la patrie et tout le peuple sabin d'un lien de bienveillance et d'amitié avec une ville florissante et redoutée ? » À ces observations s'ajoutèrent, dit-on, des présages favorables et l'empressement affectueux des concitoyens de Numa, qui, en apprenant l'arrivée des députés, le supplièrent de partir et d'accepter une royauté destinée à resserrer l'union intime des deux peuples.

Plutarque

Numa Pompilius se disposant à pénétrer dans le bois sacré.
Numa Pompilius se disposant à pénétrer dans le bois sacré.