Janus

Janus.
Janus.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

La plus ancienne et la plus importante des divinités de la religion romaine, sans correspondant dans la religion grecque.

Scythe ou Thessalien, ce roi légendaire aborde la péninsule Italique où, à l'ouest du Tibre, il édifie sa citadelle sur une colline qui dès lors prend le nom de Janicule (Janiculum). Janus partage le pouvoir avec un certain Camèse, un indigène, qui a donné son nom au pays : la Camésine. Par la suite, Janus détient seul le pouvoir royal.

Après avoir été détrôné par son fils Jupiter, Saturne se réfugie auprès de Janus qui l'accueille avec bonté et le cache dans le Latium. Pour lui prouver sa reconnaissance, le dieu déchu dote son protecteur de grands pouvoirs et lui enseigne de grandes connaissances, notamment dans le domaine agricole, ce qui permet à Janus d'améliorer la nourriture de la population, grossière jusque-là. Et Janus ne se montre pas ingrat, puisqu'il associe Saturne à son pouvoir.

Voir aussi : Ion (Variante 1), Saturne

Janus, le premier des dieux

Étendues sont en effet les attributions de Janus. Il est supérieur à toutes les autres divinités ; Macrobe rapporte qu'il est appelé deus deorum, le « dieu des dieux ». Dans l'hymne des prêtres saliens, « bon créateur », il est le premier cité, avant même Jupiter, et le premier auquel on sacrifie ; il faut en quelque sorte « passer » par Janus pour pouvoir accéder aux autres divinités. Dans les invocations aux dieux, l'ordre est Janus, Jupiter, Mars, Quirinus. Après l'abolition de la monarchie, en 509 av. J.-C., il a son prêtre attitré, le rex sacrorum, qui est supérieur aux autres ; la fonction de paterfamilias, présidant aux actes liturgiques, est reprise par le prêtre de Janus.

Voir aussi : sacrifice

Janus et le temps qui passe

Janus ouvre l'année, et le mois de janvier (januarius) lui doit son nom : en effet, le roi Numa Pompilius a voulu que le dieu au double visage soit simultanément tourné vers l'année écoulée et vers celle qui commence. Plus largement, Janus est honoré le premier jour de chaque mois, aux calendes. À ce titre, il est également invoqué lors des naissances, au propre comme au figuré : Horace invoque Janus et place la divinité au début de son poème. Janus est le dieu qui préside non seulement à tout commencement, mais aussi à toute fermeture ; s'il ouvre les portes du ciel, introduisant le jour, il est celui qui les ferme avec la nuit. Sur terre, il est le numen (manifestation divine) des portes (janua signifie « porte » en latin) : faut-il en déduire qu'il y a un Janus par maison ? Ces portes s'ouvrent et se ferment, d'où sa représentation comme un être à deux visages regardant dans des directions opposées (Janus Bifrons). Il est aussi divinité solaire, représentant le cours de l'année, dont les deux faces symbolisent le Soleil et la Lune.

Janus, guerre et paix

Dieu de la transition, Janus inaugure le passage de l'état de paix à celui de guerre : Numa lui fait bâtir un temple sur le forum aux portes orientées à l'est, au levant, et à l'ouest au couchant (Janus Geminus) ; pendant les hostilités, ces portes sont tenues ouvertes afin que le dieu puisse assister les soldats ; en temps de paix, elles sont fermées, le dieu demeurant ainsi dans la cité pour la protéger. Depuis le règne de Numa jusqu'à la bataille d'Actium, les portes sont fermées une fois, à la fin de la première guerre punique, en 235 av. J.-C. ; sous le principat d'Octave-Auguste, elles sont fermées trois fois, en 29, en 25, en 8 av. J.-C. Virgile évoque cette cérémonie dans l'Enéide.

Les hostilités passées, les soldats romains doivent se purifier avant de retourner à leur vie privée : ils franchissent alors les portes du sanctuaire de Janus.

Pourquoi, curieusement, les portes restent-elles ouvertes lors d'hostilités ? Macrobe en fournit l'explication.

À la suite de l'enlèvement de leurs filles, les Sabins se mettent en marche contre Rome. Les Romains se précipitent pour fermer la porte qui se trouve au pied du Viminal (que plus tard, on nommera justement Janualis) qui est attaquée par l'ennemi. À peine les Romains l'ont-ils fermée que la porte se rouvre toute seule. On la referme, elle s'ouvre de nouveau. Et une troisième fois encore. Impuissants à condamner cette porte, les Romains restent alors à la garder, en grand nombre et en armes. Le bruit court soudain qu'un peu plus loin les soldats ont été mis en déroute par le Sabin Fabius. À cette nouvelle, les Romains, postés devant la porte, sont saisis d'une panique telle qu'ils s'enfuient. Profitant de l'occasion, les Sabins se précipitent ainsi vers la porte libre et ouverte. Mais c'est alors que, du temple de Janus, des torrents d'eau bouillante jaillissent puissamment, en direction de la porte, brûlant et noyant les Sabins dans leurs remous. C'est pourquoi, à la suite de ce prodige, en temps de guerre les portes du temple de Janus demeurent ouvertes, comme pour permettre à ce dieu de secourir la cité, en cas de besoin.

L'idée que Janus est une divinité infernale, présidant au passage de la vie à la mort paraît discutable. Il n'en demeure pas moins qu'Ovide justifie ses deux visages par le fait que Janus exerce ses pouvoirs sur la terre et dans le ciel ; rappelons que la prière rituelle, au début de laquelle Janus est invoqué (Vesta l'est en fin), assure en quelque sorte le passage du monde des Mortels à celui des Immortels ; Ovide ajoute que les Agonalia, fêtes célébrées le 9 janvier, le sont en son honneur.

Janus est dit Patulcus ou Patulcius, « Celui qui ouvre », et Clusius ou Clusivus, « Celui qui ferme » ; Geminus ou Bifrons, parce que bicéphale, mais aussi Quadrifrons ; Matutinus, comme protecteur du jour ; dans ce dernier cas, il est aussi nommé Iunonius, d'où des rapprochements avec Junon, mais aussi avec Diane (dies est le « jour » en latin).

Représenté avec deux visages (transition dans le temps, regardante la fois vers le passé et vers l'avenir), il a pour attributs ceux du portier, le bâton et la clé (transition dans l'espace). Les deux visages ont une autre explication : Janus a été un grand politique, ami des vertus sociales, qui a fait quitter aux hommes la vie dure et sauvage qu'ils ont menée jusque alors : ainsi ses deux visages montrent qu'il a su accommoder ses manières et sa conduite à un double genre de vie.

Par extension, Janus, en compagnie des Heures, est le portier céleste auquel Jupiter lui-même est soumis.

Après la destruction d'une escadre navale punique à Mylae, en 260 av. J.-C., le consul Caius Duilius voue un temple à Janus, à Rome. À cette occasion, des monnaies de bronze sont frappées avec Janus au droit, une proue au revers.

Une légende tardive fait de Juturne l'épouse de Janus, qui lui aurait donné un fils : Fons. Les poètes du « siècle d'Auguste » considèrent Janus comme le premier roi du Latium.

Notons, pour terminer, que le dominicain Jacques de Voragine (1228-1298) attribue à Janus la fondation de la ville de Gênes, genua signifiant le « passage ».

Voir aussi : Cardée

Fermeture des portes du temple de Janus

Il y avait, au Latium d'Hespérie, un usage que les cités albaines ont toujours tenu pour sacré, et qu'aujourd'hui, Rome, miracle du monde, respecte quand, Mars ébranlé à l'aube d'une bataille, elle se prépare à porter les armes, et leurs larmes, aux Gètes, aux Hyrcaniens ou aux Arabes, ou qu'elle se dispose à marcher contre les Indiens, à poursuivre l'Aurore ou à exiger des Parthes nos enseignes. Il est deux portes de la Guerre – c'est ainsi qu'on les appelle – que la religion et l'effroi qu'inspire le terrible Mars ont rendues sacrées. Cent verrous de bronze et des fers éternels les ferment, et Janus, leur gardien, ne s'éloigne jamais du seuil. À peine les Pères ont-ils décidé, résolument, des hostilités, que le consul en personne, paré de la trabée quirinale, et la toge ceinte à la manière des Gabiens, ouvre les portes stridentes, et proclame l'état de guerre. Alors la jeunesse le suit, et les cornes de bronze retentissent d'un rauque assentiment. Suivant ce rite, déjà, on engageait Latinus à déclarer la guerre aux Énéades, et à ouvrir les funestes portes. Mais le père vénérable s'abstint d'y toucher et, s'étant affranchi de cet office indigne, il se retira dans une solitude secrète. Alors la reine des dieux descendit du ciel et, de sa propre main, elle poussa les portes paresseuses ; et, les faisant pivoter sur leurs gonds, la Saturnienne rompit les battants de fer de la guerre.

Virgile