Géants

Artémis et Hécate combattent les Géants.
Artémis et Hécate combattent les Géants.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Êtres monstrueux dotés d'une force extraordinaire.

Parfois confondus avec les Titans, les Géants sont nés, selon Hésiode, de Gaia (la Terre) et du sang d'Ouranos (le Ciel) lorsque ce dernier est émasculé par son fils Cronos. Immenses guerriers cuirassés de bronze, ces fils nés de la Terre sont armés de lances interminables. Quelques-uns ont cent bras et cinquante têtes. Certaines traditions leur attribuent une queue ou des pieds de serpent, d'où l'épithète d'« anguipèdes » (mi-hommes, mi-serpents) pour les qualifier. Les principaux chefs sont Alcyonée, Chthonios, Encelade et Porphyrion. Ils sont vingt-quatre au total. Les noms suivants sont également mentionnés : Agrios, Clytios, Hippolyte, Pallas, Thoas, Tityos.

Le combat contre les dieux

Lorsque les Titans, ses fils, sont défaits par Zeus, Gaia met au monde les Géants qui naissent, selon les versions, à Phlégra (Macédoine), en Sicile, en Thessalie. Désireux de venger leur mère, ils décident de s'emparer du royaume céleste, en entassant l'Ossa sur le Pélion, et l'Olympe sur l'Ossa, pour l'atteindre. Ils bombardent les dieux avec des chênes enflammés et d'énormes blocs de pierre qui, en retombant dans l'eau forment des îles et, sur la terre, des montagnes. Mais les dieux ont eu une prophétie : aucun des Géants ne pourra être tué par les Olympiens à moins qu'un homme n'intervienne dans la bataille, aux côtés des dieux. Prévenue du danger, Gaia se met aussitôt en quête d'un médicament, afin que les Géants ne puissent être détruits par un mortel. Zeus, alors, interdit à Éos (« Aurore »), à Séléné (« Lune ») et à Hélios (« Soleil ») de faire briller leur lumière et, le premier il cueille l'herbe magique, demandant en outre à Athéna d'appeler Héraclès, né de son union avec la mortelle Alcmène.

C'est un combat mémorable (la Gigantomachie) auquel tous les dieux de l'Olympe participent, y compris les satyres et les silènes, montés sur des ânes dont le braiement, inconnu des assaillants, provoque parmi eux une grande frayeur. Héraclès commence par pousser les montagnes, qui s'écroulent sur les Géants. Athéna abat Encelade. Éphialtès est aveuglé par Apollon et Héraclès. Au moment où Porphyrion se jette sauvagement sur Héra, Zeus le rend follement amoureux de sa proie, ce qui lui ôte toute énergie ; ainsi devient-il la cible facile de la foudre divine et des flèches d'Héraclès. Pendant que le combat fait rage, Héphaïstos forge les fers, dont s'arment ses alliés. Dionysos enivre ses ennemis avec son vin, avant de les anéantir à l'aide de son thyrse. Héra transperce Rhoitos d'une lance. Le Géant Pallas est écorché vif par Athéna et sa peau sert à faire un bouclier. Mais Alcyoné, atteint par les flèches d'Héraclès, reprend vie aussitôt : il ne peut pas mourir sur la terre qui l'a vu naître. Qu'à cela ne tienne ! Héraclès, sur les conseils d'Athéna, l'expédie au-delà de Pallène, et il meurt là-bas. Arès et Hermès sont également de la partie. Quant à Aphrodite, elle vainc les Géants grâce à sa seule beauté. Polyboétès est poursuivi sur la mer par Poséidon, et il arrive à Cos ; le dieu alors brise un morceau de l'île et le jette sur lui. Hermès, avec le casque magique d'Hadès sur la tête, tue Hippolyte, et Artémis tue Gration. Les Moires éliminent Agrios et Thoas, qui combattaient avec des gourdins de bronze. Tous les autres sont anéantis par les foudres de Zeus ; et Héraclès, avec ses flèches, donne le coup de grâce à tous (Euripide, dans Ion, décrit le fronton du temple des Alcméonides, à Delphes, qui relate la légende). Les dieux sont donc vainqueurs ; Zeus, plus grandiose que jamais, plante des étoiles dans le ciel ; mais la mort des Géants donne naissance à une race humaine impie ; Zeus l'anéantira sous un déluge.

Voir aussi : Deucalion

La tradition veut que la plupart des Géants aient été enterrés vivants sous des volcans, dont les éruptions volcaniques seraient une manifestation de leur colère. Encelade est enseveli sous l'Etna, Polyboétès sous l'île de Cos, Typhon sous l'île d'Ischia et Otos sous la Crète, près de Candie (Héraklion). Certains poètes prétendent que Zeus précipite ses ennemis au fin fond du Tartare.

Le combat s'est déroulé à Phlégra (champs Phlégréens), ancien nom de la presqu'île de Pallène, en Macédoine, et où est localisée une entrée des Enfers. C'est après cette victoire que, d'après Diodore, Zeus donne aux seuls dieux qui l'ont secouru le surnom d'Olympiens, afin que les braves qui le porteront puissent être distingués des lâches. Quoique Dionysos et Héraclès soient nés de femmes mortelles, ils sont honorés de ce surnom ; et non seulement parce qu'ils sont les fils de Zeus, non seulement parce qu'ils ont combattu les Géants, mais aussi parce qu'à travers leurs bienfaits ils ont adouci la férocité des hommes.

Variantes

I. Une version localise la Gigantomachie à Bathos, en Arcadie et dans la région de Cumes, en Italie. On donne également les Géants pour les fils d'Isis, tués par Osiris.

II. Jamais les Géants n'ont voulu rivaliser avec les dieux, jamais ils n'ont voulu chasser les dieux de l'Olympe, c'est de la folie de croire cela ; tout au plus ont-ils outragé leurs temples.

Interprétations de la Gigantomachie

Elle est la victoire de l'ordre et de la civilité sur l'anarchie et la brutalité primitives.

Les Géants représentent tous les impies (athées) ; vouloir chasser les dieux du ciel ne revient-il pas à nier leur existence ?

Les hommes sans foi ni loi, les hommes entraînés par leurs passions extrêmes peuvent se reconnaître dans les Géants ; leurs efforts ne visent qu'à taire ce pouvoir qui cherche à les ramener à plus de raison et de modération.

Les Géants, ce sont toutes ces maladies, ces dérèglements du corps que seule la médecine-Zeus peut neutraliser.

Les Géants représentent ces philosophes qui s'imaginent être les seuls sages du monde et n'en sont que plus ridicules ; ils s'évertuent à percer les mystères de l'Univers ; après s'être beaucoup élevés, ils retombent dans la confusion et le désordre, punis pour leur vaine curiosité.

Mais les Géants (et les Titans) ne peuvent-ils pas aussi symboliser les angoisses, les cauchemars de chacun, que seule la raison (Zeus, Athéna...) peut maîtriser ? Pour confirmer cette hypothèse, on peut ajouter que Dionysos, avant l'affrontement des Géants avec Zeus, a déjà eu à les combattre. Dionysos ne fait que les repousser, de même que le vin (l'ivresse) n'écarte nos angoisses que pour un temps.

La Gigantomachie

Jalouse de l'empire céleste, et sensible aux fréquentes disgrâces de ses fils, les Titans, la Terre remplit l'étendue du Tartare de ses monstrueux nourrissons, race odieuse qui devait être si criminelle, fière de cette horrible vengeance, elle s'entrouvre les entrailles du Phlégra, et vomit contre le ciel de belliqueux ennemis. Un bruit terrible se fait entendre, ils s'élancent de l'abîme, et préparent, encore demi-formés, leurs bras au combat : appuyés sur deux serpents, ils se traînent en sifflant et osent déjà défier les dieux.

Soudain les étoiles pâlissent, Phébus détourne ses radieux coursiers ; l'effroi le force de remonter son cours. L'Ourse même se précipite dans les flots, et les infatigables Trions disparaissent enfin de l'horizon. La Terre irritée anime par ses paroles ses enfants au combat : « Jeunesse destinée à triompher des dieux, tout ce que tu vois sera le fruit d'une bataille : une victoire, et le monde est à toi. Que le fils de Saturne éprouve enfin mon courroux et sente ce que peut la Terre. Quoi ! Il y aura des forces supérieures aux miennes ! Cybèle aura produit des enfants plus puissants que les miens ! Et je ne recevrai plus d'hommages ! Pourquoi sans cesse m'accabler de peines amères ? Quel outrage m'a-t-elle épargné ? Ici Prométhée, enchaîné dans un vallon de la Scythie, repaît de ses entrailles renaissantes le roi des airs ; là, sur la tête d'Atlas, pèsent les sphères enflammées, et d'épais glaçons se raidissent dans sa blanche chevelure. Parlerai-je de Tityus, dont les entrailles, sous les coups d'un cruel vautour, ne renaissent que pour de nouveaux tourments ? Guerriers qu'amène enfin la vengeance, dégagez les Titans de leurs chaînes, défendez votre mère ! Il est des mers, il est des montagnes : que ce soit là vos armes. N'épargnez pas mes membres : je consens à devenir le trait qui donne la mort à Jupiter. Allez, mes fils, bouleversez le ciel, abattez ses remparts. Que Typhon lui arrache et le sceptre et la foudre ! Qu'Encelade donne des lois à la mer ! Qu'un autre, à la place du Soleil, tienne les rênes de l'Aurore ! Que le laurier de Delphes ceigne la tête de Porphyrion, et que Cirrha devienne son sanctuaire ! »

À peine-t-elle ainsi égaré leur âme présomptueuse, que déjà ils croient avoir vaincu les dieux, et tirer du sein des ondes Neptune chargé de fers. L'un pense à terrasser Mars, l'autre à dépouiller Phébus de sa brillante chevelure. Celui-ci se promet la main de Vénus, celui-là la couche de Diane ; un autre brûle d'attenter à la vertu de Minerve.

Cependant Iris, messagère fidèle, convoque les dieux qui habitent les fleuves et les lacs. Elle implore même le secours des Mânes. Toi-même, ô Proserpine ! ta sombre demeure ne peut te retenir éloignée. Le roi des Ombres s'avance sur un char ténébreux : ses coursiers sont frappés d'une lumière inconnue, et, dans leur vol mal assuré, exhalent une noire vapeur de leurs naseaux brûlants. — Tels quand le bélier ennemi a jeté l'épouvante dans une cité, les habitants accourent à la défense de la citadelle ; tels, sous des formes différentes, les dieux, rassemblés de toutes parts, volent au palais de leur père. Jupiter leur parle en ces termes : « Légions à l'abri de la mort, troupes à jamais réservées à l'Olympe et garanties des coups de la destinée, voyez la Terre, soutenue de ses nouveaux enfants, conspirer contre le Ciel, et dans l'excès de son audace, se créer d'autres défenseurs. Eh bien ! Qu'elle ait, cette mère, autant de morts à pleurer qu'elle a produit d'enfants : que les siècles soient témoins de ses éternelles douleurs, et que le nombre de tombeaux égale le nombre de ses fils. »

Déjà résonne la trompette des nuages. Le Ciel et la Terre donnent à la fois le signal : on s'élance ; la Nature confondue tremble encore une fois pour son maître : cette troupe puissante bouleverse l'harmonie des éléments. Tantôt l'île quitte la mer, tantôt la mer se cache dans les rochers. Que de rivages dépouillés de leurs digues ! que de fleuves égarés en des lits étrangers ! L'un, des bras vigoureux, a lancé l'Œta ; l'autre fait voler de ses mains le Pangée dans les airs ; l'Athos glacé sert d'arme à celui-ci ; sous les efforts de celui-là, l'Ossa roule ébranlé ; un autre arrache le Rhodope et la source de l'Hèbre, sépare des eaux jusqu'alors réunies ; et l'Énipée, soulevée avec sa robe sourcilleuse, arrose les épaules des Géants. Partagée entre ses fils, la Terre sans montagnes, s'abaisse en vaste plaine : partout retentit un horrible fracas ; l'air seul sépare les combattants.

Contre cette horde formidable, Mars, le premier, pousse avec ardeur les coursiers de la Thrace, accoutumés à porter le désordre parmi les Gélons et les Gètes. L'or de son bouclier efface les rayons de la flamme : un brillant panache rehausse son casque. De son glaive lancé avec force, il perce Pélore à l'endroit où, par un monstrueux accouplement, deux serpents s'unissent à ses flancs. Le même coup tranche à la fois trois vies. Puis, insultant à sa défaite, il écrase de son char les membres à demi morts, et fait jaillir, sous les roues, des flots de sang. Pour venger son frère, Mimas accourt, et, des ondes écumeuses, arrache la brûlante Lemnos, demeure de Vulcain : elle allait fendre l'air quand le javelot de l'Immortel ouvre la tête et répand sur la poussière la cervelle du Géant ; l'homme meurt tout entier ; mais les serpents sur lesquels il rampait lui survivent, et cette partie rebelle menace encore son vainqueur. Au combat s'élance Minerve, la poitrine couverte de sa brillante égide. Elle ne porte pas d'armes ; son aspect lui suffit ; qu'on la regarde, son triomphe est assuré. Pallas est le premier qu'elle arrête dans sa fureur ; elle le change en rocher : attaché sans blessures à la terre par des nœuds imprévus, il sent à peine son corps se durcir à ce coup d'œil mortel, et, devenu immobile : « Quel est dit-il, ce changement ? Quel froid de pierre se glisse dans tous mes membres ? Quel engourdissement me raidit et m'enchaîne captif sous le marbre ? » À peine a-t-il parlé, qu'il est déjà ce qu'il a craint ; et tandis que le cruel Damastor cherche un trait pour repousser l'ennemi, c'est le cadavre pétrifié de son frère qu'il lance, au lieu d'un rocher. Étonné de cette mort, Échion veut, d'un trait fatal, en punir l'auteur ; mais, victime de son ignorance, il te regarde, ô Minerve ! toi qu'un mortel ne vit jamais deux fois, et son audace expirante reçoit son châtiment : c'est en mourant qu'il connaît ta divinité. Emporté par la colère, Pallénée, l'œil menaçant, la rage dans l'âme, s'avance et veut porter sur la déesse une main sacrilège. La déesse, rapprochée du Géant, le frappe de sa lance : soudain le froid de la Gorgone glace les serpents ; et du même corps, une partie expire, victime du fer, l'autre d'un regard.

Voyez Porphyrion : parvenu, à l'aide de ses replis, au milieu des flots, il ébranle avec efforts Délos éperdue : l'impie veut en frapper la céleste voûte. Égée frémit ; Téthys et son vieux père s'échappent de leurs grottes humides ; et, malgré le respect des divinités de l'onde, le palais de Neptune devient un désert. Sur les sommets tranquilles du Cynthe retentissent les cris des nymphes : c'est d'elles que Phébus apprit à percer d'une main novice les habitants des bois ; c'est par leurs soins que s'éleva, pour Latone en travail, la couche où naquirent les deux nourrissons, astres lumineux dont elle embellit l'univers. Délos, dans l'effroi, implore le secours d'Apollon : « Si, dans mon sein, la belle Latone te donna le jour, daigne secourir une suppliante ; une fois encore ébranlée, je suis le jouet des eaux... [Le reste manque.]

Claudien

Artémis et Hécate combattent les Géants.
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