Aram Illitch Khatchaturian

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur soviétique arménien (Tbilissi 1904 – Moscou 1978).

Il entra en 1922 à l'école de musique Gniessine à Moscou, puis se perfectionna, de 1929 à 1934, au conservatoire de Moscou dans les classes de Glière (instrumentation), Miaskovski (composition) et Mikhail Gniessine. Il bénéficia également des conseils de Prokofiev, au retour de celui-ci en U. R. S. S. De cette époque datent la célèbre Toccata (1932), le Trio pour piano, violon et clarinette (1932) et une Suite de danses (1933). Dès ses premières œuvres, Khatchaturian puise son inspiration dans la tradition musicale arménienne (emprunts aux danses et aux « achougs », bardes arméniens). Sa Première Symphonie, écrite en 1934 pour le quinzième anniversaire de la République soviétique d'Arménie, est un nouvel essai de cette intégration d'une culture minoritaire dans la tradition russe. Mais le vrai Khatchaturian ne s'est réellement révélé au public qu'en 1936 avec son Concerto pour piano dédié à Lev Oborine, œuvre frappante par son originalité : audaces harmoniques, rythmes à la fois complexes et expressifs, brillante couleur orchestrale. Si la facture pianistique s'apparente parfois à celle de Rachmaninov, la technique du développement marque sensiblement l'héritage de Tchaïkovski. Les qualités de verve, de virtuosité et de lyrisme se retrouvent dans le Concerto pour violon (1940) dédié à David Oïstrakh.

Khatchaturian a rapidement trouvé son langage, et sa démarche et son style ne se sont guère modifiés par la suite. Même dans le Poème à Staline (1938), il a réussi à concilier des traits du folklore arménien, géorgien et azerbaïdjanais avec un développement symphonique élaboré. C'est avec son ballet Gayaneh (1943) qu'il devait obtenir une réputation internationale, en mettant en scène le drame de la patriote Gayaneh, dont le mari est passé du côté de l'ennemi. L'œuvre reprend des fragments du premier ballet de Khatchaturian, le Bonheur, et contient un grand nombre de danses de caractères divers, dont la célèbre Danse du sabre, qui a donné lieu par la suite à de multiples arrangements. La Troisième Symphonie, ou Symphonie-Poème (1947), écrite pour le trentième anniversaire de la Révolution, fait appel à un orchestre renforcé par l'orgue et par quinze trompettes, et peut se comparer à la Bataille de Vittoria de Beethoven ou à l'Ouverture 1812 de Tchaïkovski. Elle n'échappa pas aux critiques de Jdanov en 1948 : de même que Chostakovitch, Prokofiev, Chébaline, Popov, Kabalevski, etc., Khatchaturian fut accusé de distorsions formalistes et de tendances antidémocratiques. À la suite de ces événements, il se consacra intensivement à la musique de film (Vladimir Ilitch Lénine, 1948 ; la Bataille de Stalingrad, 1949).

À partir de 1950, le compositeur étendit ses activités à deux nouveaux domaines : l'enseignement (à l'institut Gniessine et au conservatoire de Moscou) et la direction d'orchestre. En 1968, lors d'une tournée aux États-Unis, il dirigea les plus grands orchestres symphoniques dans des programmes consacrés à ses œuvres. En 1950, il séjourna en Italie, comme membre d'une délégation soviétique, et, peu après, se mit à la partition du ballet Spartacus (1952-1954), sur le sujet à la fois historique et révolutionnaire de la révolte des esclaves à Rome en 73 (av. J.-C.). L'œuvre lui valut en 1959 le prix Lénine ; en 1968, elle fut représentée dans une nouvelle version chorégraphique de Grigorovitch. Après la mort de Staline, Khatchaturian fut l'un des musiciens éminents à réclamer publiquement une plus grande liberté de création ; il publia, dans la revue Sovietskaïa Mouzyka de novembre 1953, un article intitulé Audace et imagination créatrice. Néanmoins, après la création du festival d'automne à Varsovie (1956), il devait condamner toutes les tendances en direction du dodécaphonisme ou de toute autre avant-garde occidentale.