kannara

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Le kannara est une langue dravidienne, parlée en Inde par plus de 20 millions de personnes dans l'État de Karna-taka. Outre de nombreux dialectes régionaux, il existe trois dialectes sociaux bien distincts : la langue des brahmanes, celle des non-brahmanes et celle des intouchables. Les textes littéraires ne sont pas antérieurs au ixe s. : le Kavirajamarga (Voie royale des poètes), traité de poétique attribué au roi Nripatunga Amoghavarsa, confirme, à cette date, l'existence d'une tradition littéraire unissant la rhétorique sanskrite au répertoire indigène. Le xe s. voit s'épanouir une littérature guerrière et religieuse fortement teintée de jaïnisme, avec trois écrivains : Pampa, auteur, en 941, de l'Adi purana et du Vikramarjuna Vijaya dit Pampa Bharata ; Ranna (né en 949), « prince des poètes », auteur d'un Ajitpurana (993) et du Gadayuddha ; Ponna, auteur du Santi purana. À la fin du xe s., Nagavarma compose le premier poème d'amour de la littérature kannara, le Chandombudhi (Océan de prosodie). C'est en 1031 que la version kannara du Pañcatantra voit le jour. Le visnuisme s'exprime principalement en sanskrit, tandis que le mouvement virasaiva bouleverse la vie religieuse et fait du xiie s. l'âge de la révolte, illustré par Basava. La littérature virasaiva emploie le langage du peuple et use d'aphorismes (vacana) en prose rythmée. Le grammairien Kesiraja plaide dans le Sabdamanidarpana (seconde moitié du xiiie s.) pour la survie du vieux kannara aux côtés des formes métriques populaires (ragale, tripadi). Nayasena et Andayya (Kabbigara Kava, v. 1235) s'insurgent contre un style et un vocabulaire trop tributaires du sanskrit. D'autres auteurs se distinguent : Harihara (Girija Kabyana), Nagacandra (Pampa-Ramayana), Kanti, première d'une longue série de femmes de lettres, Nemiccandra (Lilavati) et Janna (Yasodhara Carite).

À partir du xive s., débute, avec le royaume Vijayanagar, une période de réflexion : récits édifiants, vies de saints, évocation des grands ancêtres comme Basava et Allama Prabhu, de Bhimakavi (vers 1369) à Laksmisa (Jaimini Bharata, xvie s.). Au début du xviie s., Bhatta-kalanka donnera une monumentale grammaire du kannara, le Sabdanusasana, tandis que vers 1680, Singararya écrit le premier drame de la littérature kannara (Mitravinda Govinda), à un moment où le théâtre populaire (Yaksagana) est lui-même en plein essor.

Avec la fin du xviiie s., sous l'influence musulmane, le kannara subit une éclipse pour resurgir au début du xxe s. avec Srikanthayya Belluru Mailara, dit « Sri » (1884-1946), M. Govind Pai (1883-1963), V. K. Gokak (« Chant de la mer », 1940) ; Kempu Narayana (Mudra Manjusa, 1823) et Muddana (1870-1901) sont les pionniers d'une littérature moderne, libérée du sanskrit, et A. R. Krisna Sastri et D. V. Gundappa cherchent la synthèse de la tradition orientale et des systèmes de pensée occidentaux. La littérature kannara se développe alors avec des romanciers comme Masti Venkatesa Iyengar, dit Srinivasa (né en 1891), Karanth (né en 1902), Mugali (né en 1906) et des auteurs dramatiques comme T. P. Kailasam (1884-1945) ou Sriranga (né en 1904). Une attention particulière aux problèmes sociaux contemporains se manifeste avec P. Lankés, romancier de la « prise de conscience », et surtout A. N. Krisna Rao (1908-1971), écrivain naturaliste et traducteur de D. H. Lawrence.