Claude Favre de Vaugelas

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Grammairien et écrivain français (Meximieux 1585 – Paris 1650).

Vaugelas entra au service du duc de Nemours et, lors de ses séjours à Paris, fut en relation avec le cardinal du Perron, Malherbe, Faret, le salon de Mme de Rambouillet. Il se lança dans une traduction de la Vie d'Alexandre de Quinte-Curce, qui l'occupera toute sa vie et qui ne paraîtra qu'en 1653. Pensionné par Louis XIII (1618), Vaugelas obtint en 1626 la charge de gentilhomme ordinaire de Gaston d'Orléans : il suivit son protecteur dans sa rébellion contre le pouvoir royal. Rentré en France, il fut l'un des premiers membres de l'Académie française. Son rôle essentiel est d'avoir défini une éthique linguistique en rapport avec un mode de vie propre à une certaine société. Vaugelas présentait son œuvre non comme le bilan dogmatique d'un savant, mais comme le témoignage d'un « honnête homme ». Le point fondamental de sa doctrine est simple et tient dans le mot d'usage. La reconnaissance de la souveraineté de l'usage n'était pas une nouveauté : elle était déjà proclamée dans l'Art poétique d'Horace. Pourtant, on la chercherait en vain dans le principal manifeste linguistique du siècle précédent, la Défense et Illustration de la langue française : elle implique une attitude tout opposée à celle de la Pléiade, en excluant toute recherche de singularité dans l'expression. En distinguant le bon et le mauvais, définis par référence à des catégories sociales, il traduit en jugement de valeur l'ébauche d'une différenciation de systèmes linguistiques. Seul l'intéresse le « bon usage », celui de l'élite et tout ce qui s'en écarte est désigné sous le nom général de « mauvais usage » : c'est le domaine du grand nombre. Sa principale référence est la Cour, et, s'il arrive qu'elle soit partagée, « la plus saine partie de la Cour ». La caution de « la plus saine partie des auteurs du temps » est une garantie supplémentaire. Enfin, dans les cas où l'usage est malaisé à discerner, il a recours à l'opinion des doctes ou à un raisonnement fondé sur l'analogie. Mais jamais la logique ni l'analogie ne sauraient prévaloir sur l'usage déclaré, quand celui-ci ne paraît pas conforme à la « raison ». Vouloir violenter l'usage au nom de la raison, ce serait agir par esprit de système, et rien n'est plus étranger à Vaugelas. La vraie sagesse consiste à adapter son langage aux circonstances. Il y a cependant une limite à ne jamais franchir, celle d'une honnête bienséance – qu'il ne faut pas confondre avec la pruderie ou l'excès de délicatesse. L'idéal que Vaugelas entrevoit est celui d'un cercle parfaitement homogène de relations d'où toutes les variantes linguistiques auraient disparu. Sans doute, il admet que les moyens d'expression varient avec le genre littéraire adopté ; pourtant il insiste sur la nécessité de s'en tenir, dans tous les styles, aux constructions usuelles de la langue parlée, et il tient à l'unité du vocabulaire, ne reconnaissant qu'à quelques rares mots d'appartenir en propre à la poésie.