David Shahar

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain israélien (Jérusalem 1926 – Paris 1997).

Né dans une famille établie en Israël depuis quatre générations, il a passé toute sa jeunesse dans ce pays, a connu la lutte pour l'indépendance et pris part à toutes les guerres, de celle de 1948 à celle de Kippour en 1973. Il ne devait quitter Israël pour la première fois qu'à l'âge de 36 ans, pour un séjour de deux ans à Paris. Si sa formation d'écrivain s'est donc faite en dehors de toute influence européenne directe, son œuvre, enracinée dans la culture juive, dépasse les limites de la stricte tradition et s'inscrit dans un large humanisme juif. C'est ainsi que le cycle romanesque (Un été rue des Prophètes, 1978 ; Un voyage à Ur de Chaldée, 1980 ; le Jour de la comtesse, 1981 ; Nin-Gal, 1983 ; l'Agent de sa Majesté, 1983, etc.) porte le titre général « le Palais des vases brisés » allusion à la kabbale. Pour Shahar comme pour Isaac Louria, le fondateur de la kabbale, le monde sensible est un monde brisé, éclaté, faussé où rien n'est à sa place, où tout est gauchi, y compris les plus grandes idées – politiques ou religieuses – qui deviennent autant de causes d'affrontement. Mais cette philosophie, ce sens partout présent du mystère, d'une autre réalité perçue derrière la réalité sensible, ne s'exprime jamais en abstractions. Shahar est avant tout un conteur, et le monde qu'il crée est un monde concret, vivant, mouvant. La source de son inspiration se situe dans la Jérusalem de son enfance, celle des années 1930, dont ses personnages – juifs, chrétiens, musulmans – évoquent l'histoire intime, l'atmosphère morale, faite de contradictions et de tensions, certes, mais aussi d'un certain art de vivre, mélange de nonchalance, de tolérance et d'humour. De cette observation aiguë des êtres et des choses, des réalités concrètes et quotidiennes, il se dégage, avec une intense nostalgie pour ce monde prêt à basculer dans le chaos, au-delà des limites de temps et de lieu, une signification universelle et une vérité humaine très profonde. Les critiques ont évoqué à son propos les plus grands romanciers (Proust, Dostoïevski), et ses personnages (Madame Gentila Louria, le petit Sroulik ou le sergent Reinhold) ont leur place dans la galerie des grands portraits littéraires.