Mathurin Régnier

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète français (Chartres 1573 – Rouen 1613).

Ses parents le destinèrent à l'Église, pour qu'il pût hériter de son oncle Desportes, que la poésie avait conduit à la richesse et qui fit beaucoup pour la carrière de son neveu. Soucieux de son établissement, Desportes l'attacha au cardinal de Joyeuse, auquel Henri III confia, en 1587, une mission auprès du pape ; Régnier suivit le cardinal et passa une dizaine d'années à voyager entre la France et l'Italie. Parallèlement, il reçut de Desportes une initiation à la poésie. À son retour, ce dernier l'introduisit à la Cour : le marquis de Cœuvres lui confia (1596-1598), avec quelques autres, la tâche de célébrer en vers sa sœur Gabrielle d'Estrées, favorite d'Henri IV. C'est probablement vers 1604 que Régnier composa ses premières Satires, dont une édition (qui en comportait dix) parut en 1608 ; le vif succès qu'elle obtint fut confirmé par les deux éditions suivantes (1609, 1612). Nommé chanoine de Chartres en 1609, le poète fréquenta jusqu'à sa mort un cercle de lettrés (le dramaturge C. Billard, les Sainte-Marthe, le fils de J. A. de Baïf, l'historien J. A. de Thou), tous restés fidèles aux traditions de la Pléiade, et opposés à Malherbe. Si l'on excepte quelques poésies religieuses (éd. posthume, 1652), des poésies officielles (notamment les Inscriptions composées pour l'entrée à Paris de Marie de Médicis, 1610) et un groupe de poésies diverses comprenant des sonnets, des épigrammes, quatre Élégies inspirées d'Ovide pour les unes, de la tradition pétrarquiste pour les autres, l'essentiel de l'œuvre de Régnier est constitué par ses dix-sept Satires.

C'est principalement chez Horace et chez les Italiens (les bernesques, du nom du poète Berni) que Régnier choisit ses modèles. Deux satires littéraires, le Poète malgré soi (XV) et la Satire à Rapin (IX), exposent également un art poétique dont la seule loi est l'obéissance entière à son « humeur libre ». Comme Horace, il donne à ses Satires l'allure d'épîtres familières vouées à la relation, comme au fil de la plume (la satire est « mélange »), d'anecdotes piquantes de sa vie privée, entrecoupant son récit de réflexions morales ou de jugements d'ordre général, assez conventionnels. Aux bernesques, mais aussi à Rabelais, il doit certains traits de bouffonnerie grotesque, liée au réalisme de la description (« Le souper ridicule », XI, ou « Le mauvais gîte », XII). C'est en effet la peinture de la société et des mœurs de l'époque qui confère aux Satires leur principal intérêt littéraire. Car Régnier n'est point un moraliste profond ni original ; c'est un observateur aigu et narquois de la réalité qui excelle à brosser des portraits hauts en couleur (le pédant, le fâcheux, l'entremetteuse, l'homme de cour). De nombreux poètes et prosateurs du xviie siècle Scarron, Furetière, Boileau, La Fontaine entre autres –, lui devront une partie de leur inspiration ou de leur style.