Nicaragua

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

La République du Nicaragua accède à l'autonomie politique en 1840, après l'éclatement de la Fédération centraméricaine. C'est la patrie de Rubén Darío, fondateur du modernisme et l'une des plus grandes voix de l'Amérique latine, mais sa littérature ne se limite pas à ce géant des lettres universelles : son contemporain Santiago Argüello (1872-1940) est aussi une référence poétique majeure dans un pays qui a toujours fait de la poésie une affaire nationale. Cette poésie est volontiers qualifiée par les Nicaraguayens d' « extérioriste », ce qui la place à l'opposé de la « poésie pure » : elle exalte la terre natale, le peuple et ses héros, son passé indigène, ses coutumes et ses paysages, ce qui n'empêche pas une ouverture sur le reste du monde ; la poésie du Nicaragua est par là bien souvent exemplaire de celle de l'Amérique latine tout entière.

Les trois principaux successeurs du modernisme sont Azarías H. Pallai, Alfonso Cortés et Salomón de la Selva. Ils font la transition avec le mouvement de La Vanguardia, animé par Luis Alberto Cabrales, José Coronel Urtecho et Pablo Antonio Cuadra. Après eux, la veine humaniste est illustrée par Ernesto Mejía Sánchez, introducteur d'un nouveau genre de poème en prose, ainsi que par Carlos Martínez Rivas, auteur d'un recueil unique (l'Insurrection solitaire, 1953) où il fustige la société contemporaine ; de son côté, Ernesto Cardenal est l'archétype du poète engagé (Cri, 1964), et sa renommée dépassera vite les frontières de son pays. Il exercera après la révolution de 1979 les fonctions de ministre de la Culture.

Les années 1950 sont marquées en poésie par le souci de rigueur d'Ernesto Gutiérrez. Mais, à partir de 1960, on assiste à un renouveau littéraire, qui se manifeste par l'apparition de différents groupes et revues, et par une floraison de poètes révolutionnaires dont certains paieront leur engagement de leur vie (Edwin Castro), tandis que Fernando Gordillo fonde le mouvement Frente ventana, qui appuie l'opposition sandiniste, et auquel participe, entre autres, José Eduardo Arellano, auteur de l'Étoile perdue (1969). En même temps, un véritable théâtre national naît avec Rolando Steiner.

Si, depuis 1970, de nouveaux poètes se manifestent, comme Gioconda Belli, la prose prend un essor véritable : aux romans de la première génération (Sang sacré, 1940, d'Adolfo Calero Orozco ; Cosmapa, 1940, de José Román) succèdent des tendances nouvelles, caractérisées par la recherche de l'identité nationale et la lutte politique. Les principales figures sont celles de Pedro Joaquín Chamorro – directeur du journal La Prensa, dont l'assassinat, en 1978, devait donner le signal du dernier combat contre le dictateur Somoza –, de Lizandro Chávez Alfaro – auteur de Avale-moi, terre (1968), dont le thème est le conflit des générations – et de Sergio Ramírez, auteur de nombreux essais, de nouvelles et de romans, où il apporte sa contribution à l'abondante littérature « de la dictature », qui fleurit sur le continent tout entier.