Maurice de Guérin

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain français (Le Cayla, près d'Albi, 1810 – id. 1839).

Issu de vieille souche languedocienne, il passa près de Gaillac, au château du Cayla, une enfance retirée dans une famille désargentée, triste mais aimante, dont il restera toujours un peu prisonnier. Un lien particulièrement fort l'unit à sa sœur Eugénie, substitut de la mère très tôt disparue. L'enfant timide, inquiet, imaginatif, épanouit sa sensibilité dans le culte païen de la nature, mais, parallèlement, se voit encouragé dans son penchant vers la vie religieuse. La période des études (au petit séminaire de Toulouse, puis au collège Stanislas à Paris, où il rencontra Barbey d'Aurevilly) correspond à une poussée d'indépendance. Il se laisse séduire un moment par le rêve américain ou par la douceur d'aimer. Déchiré, doutant de sa foi, il se retire neuf mois (hiver 1832 – septembre 1833) à la Chesnaie, en Bretagne, parmi les disciples de Lamennais : là, il renonce à la vie religieuse, mais s'enrichit dans cette nouvelle alliance avec la nature. De retour à Paris, il vit péniblement de cours et de journalisme, perd son amie Marie de La Morvonnais (1835), mais découvre dans la solitude un espace intérieur qui lui paraît s'harmoniser avec la vie universelle et qu'il exprimera dans ses poèmes en prose. Cependant, c'est aussi l'époque des retrouvailles avec Barbey, de la vie mondaine et brillante. La tuberculose dont il était atteint interrompit, dans la foi retrouvée, cette courte vie faite de fièvres, d'incertitudes, de combats intimes, quelques mois seulement après son mariage avec une jeune Indienne de Batavia, Caroline de Gervain. Son œuvre est entièrement posthume. Son Journal couvre les années 1832 à 1835 (le Cahier vert). Guérin raconte dans ces pages une longue crise religieuse qui aboutit au progressif triomphe du scepticisme ; il évoque ses pénibles alternances de pessimisme et d'optimisme et il valorise sa propre souffrance ; le texte peut aussi se lire comme une série d'essais qui préparent l'œuvre poétique future avec des rêveries sur les nuages ou l'évocation de la violence des éléments. Il écrivit aussi une Méditation sur la mort de Marie, une Correspondance assidue et passionnée avec sa sœur Eugénie, des Poésies et surtout deux poèmes en prose, le Centaure et la Bacchante, qui témoignent le mieux de sa tentative : atteindre, à travers des images denses et un style convulsif, « quelque expression unique que rien ne saurait suppléer ou modifier ».