Lettonie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

La Lettonie ne connut longtemps qu'une littérature orale sous la forme de chants populaires (les Dainas) ; ceux-ci étaient apparus bien avant la colonisation allemande du xiiie s.

Les premiers textes écrits en letton ne virent réellement le jour qu'au xvie s., période où s'affrontaient Réforme et Contre-Réforme : alors que les pasteurs rédigeaient les livres de prière et les cantiques en langue vernaculaire, les Jésuites imprimèrent un catéchisme en letton en 1585. Au xviie s., avec le passage de la majeure partie du pays sous domination suédoise, la langue écrite lettonne connut un nouvel essor dont le point culminant fut la publication par Ernst Glück (1652-1705) de la première Bible en letton.

Au xviiie s. parurent les premières œuvres de littérature profane sous l'impulsion du pasteur Gotthard Friedrich Stender (1714-1796), fervent défenseur des Lumières. L'œuvre de Stender influença Henri l'Aveugle (1783-1828), premier auteur véritablement letton, qui publia ses poèmes en 1806.

À la fin du xviiie s., l'écrivain d'expression allemande Garlib Merkel, qui dénonça le servage encore en vigueur à l'époque et qui fut l'auteur d'ouvrages historiques et ethnographiques sur les Lettons, fut le précurseur du mouvement « Jeune-Letton », appelé à éclore dans la seconde moitié du xixe s. Initié par le publiciste Krišjānis Valdemārs (1825-1891), le poète Juris Alunāns (1832-1864) et le folkloriste Krišjānis Barons (1835-1923), ce mouvement vit l'émergence d'une véritable littérature nationale lettonne.

Juris Alunāns, qui marqua le début de la poésie moderne lettonne, ouvrit la voie au poète Auseklis (1850-1879) et à l'écrivain Andrejs Pumpurs (1841-1902), auteur de l'épopée nationale Lāčplāsis (le Tueur d'ours, 1888), dont le héros symbolise le peuple letton luttant contre l'oppresseur allemand. De son côté, Krišjānis Barons entreprit de publier les chants populaires traditionnels (Dainas), rassemblant 35 789 chants et 182 000 variantes.

La fin du xixe s., marquée par l'industrialisation, vit apparaître le « Nouveau Cours », inspiré par les idées marxistes. Dans le domaine littéraire, ce mouvement fut surtout marqué par la personnalité de Jānis Rainis (1865-1929). Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent le drame Feu et Nuit (1904), largement inspiré de l'épopée Lāčplāsis, la pièce de théâtre le Cheval d'or (1909), ses poèmes rassemblés dans le recueil Commencement et Fin (1912) ou encore la tragédie Joseph et ses frères (1919). La poétesse Aspazija (1865-1943), épouse de Jānis Rainis, fut elle aussi une des principales représentantes du « Nouveau Cours » ; par ses œuvres, elle contribua notamment au développement des idées féministes.

Parmi les écrivains qui marquèrent la transition entre le xixe et le xxe s. figurent également le romancier réaliste Rūdolfs Blaumanis (1863-1908), le néoromantique Jānis Poruks (1871-1911), le conteur et poète Kārlis Skalbe (1879-1945) et le poète Jānis Akuraters (1876-1937), nettement inspiré par la révolution de 1905 pendant laquelle les Lettons tentèrent de mettre un terme à la domination germano-russe sur leur pays.

L'accession de la Lettonie à l'indépendance fut l'occasion d'un véritable foisonnement littéraire : on vit ainsi émerger des novellistes comme Kārlis Zariēš (1894-1978) et Jānis Ezeriēš (1891-1924), le dramaturge Mārtiēš Zīverts (1903-1990) ou encore le poète Edvarts Virza (1883-1940), auteur d'une œuvre maîtresse, le poème en prose Straumāni (1933) dédié à la ferme nourricière. Une des sommités de l'époque fut également Aleksandrs Čaks (1901-1950), poète de la ville inspiré par les faubourgs ouvriers de Riga.

C'est l'annexion de la Lettonie à l'U.R.S.S., après la Seconde Guerre mondiale, qui divisa pour près d'un demi-siècle la littérature lettonne en deux grandes tendances :

D'une part, on assista à l'apparition d'une littérature de l'exil, représentée notamment par Veronika Strālerte (1912-1995), Mārtiēš Zīverts, Zinaīda Lazda (1902-1957) ou encore Anšlavs Eglītis (1906-1994), qui quittèrent leur pays pour s'établir en Occident ; ils ouvrirent la voie à d'autres écrivains de l'exil comme les poètes Linards Tauns (1922-1963) et Gunars Saliēš (né en 1924).

D'autres écrivains firent le choix de rester en Lettonie ; ils durent bien sûr se plier aux exigences du nouveau pouvoir en matière artistique, surtout pendant la période stalinienne où le réalisme socialiste était de rigueur. Andrejs Upīts (1877-1970) est celui qui illustre le mieux cette tendance : dans ses romans, il fustigea la bourgeoisie et l'intelligentsia, tout en idéalisant la classe ouvrière.

C'est à partir de l'ère Khrouchtchev que la production littéraire reprit réellement en Lettonie. On vit alors émerger des poètes comme Ojārs Vācietis (1933-1983) et surtout Imants Ziedonis (né en 1933), ainsi que les romanciers Alberts Bels (né en 1938) et Regīna Ezera (née en 1930). Le poète Uldis Bārziēš (né en 1944) est, pour sa part, assez représentatif des années 1980. Quant à Knuts Skujenieks (né en 1936), longtemps persécuté par les autorités soviétiques, il ne revint sur le devant de la scène littéraire qu'à partir de 1989, lorsque s'amorça la libéralisation qui précéda le retour de la Lettonie à l'indépendance en 1991.