Luis de Góngora y Argote

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète espagnol (Cordoue 1561 – id. 1627).

Il commença très tôt à écrire, composant de nombreux sonnets, des letrillas et des romances dont il exploite toutes les possibilités thématiques et métriques, sans d'ailleurs rien publier, se contentant de répandre ses manuscrits parmi les cercles littéraires de Cordoue, qu'il fréquentait assidûment, entre une réunion du chapitre et un office, auxquels ses fonctions de trésorier de la cathédrale l'obligeaient à assister. Son œuvre est cependant suffisamment connue pour que, dès 1585, Cervantès, dans sa Galatée, cite Góngora parmi les grands poètes d'Espagne. Un séjour à la Cour, à Valladolid, en 1603, lui permet de rencontrer Pedro de Espinosa, qui, en 1605, publiera trente-sept pièces de lui dans ses Anthologies des poètes illustres d'Espagne.

En 1611, désireux plus que jamais de se consacrer uniquement à la poésie, il se décharge de la plus grande partie de ses fonctions religieuses sur un de ses neveux et donne ses deux œuvres maîtresses, qui seront le modèle, en France, en Angleterre, en Allemagne et en Italie, d'un style particulier, appelé cultisme ou gongorisme. La Fable de Polyphème et Galatée (1612), composée magistralement en strophes de huit vers (octavas reales) sur le thème des amours du berger Acis et de la nymphe Galatée et de la vengeance du cyclope Polyphème, est, par son architecture baroque, ses images hardies, ses métaphores recherchées, le grand poème cultiste du xviie siècle. Dans les Solitudes (1613), construite sur le thème – simple prétexte – de l'hospitalité que des chevriers procurent à un jeune naufragé, le poète brode d'étincelantes variations descriptives d'une nature très embellie dans des vers à la syntaxe difficile, au vocabulaire recherché et à travers des métaphores d'une rare subtilité. Des quatre poèmes que Góngora se proposait de composer (Solitude des campagnes, Solitude des rivages, Solitude des forêts, Solitude du désert), il acheva le premier et ne composa qu'un important fragment du second.

En 1617, Góngora, au faîte de sa gloire, s'établit à Madrid. Son Panégyrique du duc de Lerme, favori de Philippe III, fait merveille : il est nommé chapelain du roi (à 56 ans, il devra se faire ordonner prêtre). La disgrâce de son protecteur et des ennuis personnels viennent, vers 1620, troubler sa superbe sérénité. Ses derniers sonnets en témoignent, où transparaît l'obsession de la brièveté de la vie. Il retourne à Cordoue (1626) et meurt à peu près au moment où paraît à Madrid la première édition de ses œuvres (Œuvres en vers de l'Homère espagnol). Objet d'admirations et de critiques également vives, Góngora a changé le cours de la littérature espagnole. La mode du gongorisme a pu être considérée par certains comme une maladie à cause de sa nature propre : virtuosité, raffinement du style, éclatement du langage (imité du latin, compliqué par l'emploi abondant d'inversions et de nombreuses ruptures de construction), entassement des métaphores démultipliant le sens initial d'une image jusqu'à la rendre énigmatique, utilisation d'une symbolique à plusieurs degrés (biblique, mythologique, héraldique, historique) rendant nécessaire un commentaire érudit. Malgré tout, les jésuites testaient l'intelligence de leurs élèves en leur faisant commenter le Polyphème et ses plus célèbres détracteurs (Quevedo, Lope de Vega, Juan de Jáuregui) succombèrent aux charmes de ses innovations techniques.

La poésie de Góngora, réhabilitée par les jeunes poètes des années 1920, crée à chaque instant, dans l'innocence des mots retrouvés, son propre espace. Le langage de ses pièces « extrêmes » se déploie selon un ordre proprement poétique, dont la recherche est plus que jamais d'actualité.