Mohammed Dib

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain algérien de langue française (Tlemcen 1920-La Celle-Saint-Cloud 2003).

Sa trilogie « Algérie » (la Grande Maison, 1952 ; l'Incendie, 1954 ; le Métier à tisser, 1957) évoque les petites gens de Tlemcen sous la colonisation : misère, pauvreté, faim, militants traqués par la police. « Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? », pense le jeune Omar devant les injustices ; les ouvriers agricoles déclenchent une grève et l'incendie ne s'arrêtera pas jusqu'à l'indépendance. La trilogie a été trop vite lue comme réaliste, alors que s'y profile déjà l'interrogation sur les pouvoirs de l'écriture qu'on peut considérer comme la ligne directrice de l'œuvre de Dib, à travers des « manières » et des époques différentes. Celle-ci évolue bientôt vers une prose plus dense, plus symbolique, onirique même (Qui se souvient de la mer, 1962 ; Cours sur la rive sauvage, 1964). La Danse du roi (1968) et son prolongement théâtral Mille Hourras pour une gueuse (1977), Dieu en Barbarie (1970) et le Maître de chasse (1973) portent sur l'Algérie de l'après-guerre un regard critique et grave. Réflexion métaphysique sur l'exil et la folie, Habel (1977) – dont le héros, chassé d'Algérie en Europe par son frère aîné, parcourt un itinéraire décapant d'émigration spirituelle – ouvre sur le cycle « nordique » (les Terrasses d'Orsol, 1985 ; le Sommeil d'Ève, 1989 ; Neiges de marbre, 1990 ; l'Infante maure, 1994 – parole de sagesse d'une enfant de parents séparés entre les brumes et les arbres de la Scandinavie où elle habite, et la dune du Sahara au pied de laquelle elle imagine son ancêtre paternel), où ces thèmes reparaissent, alors que les recueils de poèmes (Ombre gardienne, 1960 ; Formulaires, 1970 ; Omneros, 1975 ; Feu beau feu, 1979 ; l'Aube Ismaël, 1996 ; le Cœur insulaire, 2000) montrent bien qu'ils étaient dès les débuts au centre d'une œuvre exigeante dont la portée dépasse infiniment le cadre de la littérature algérienne ou maghrébine. Plus récemment, d'autres textes inclassables, comme le Désert sans détour (1992), Si Diable veut (1998), Comme un bruit d'abeilles (2001), sont au centre de ce qu'on pourrait appeler l'in-sensé de la violence dans notre présent à tous.