République démocratique du Congo

anc. Zaïre

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

L'ex-Congo belge a longtemps fait figure de parent pauvre dans le domaine de la littérature africaine d'expression française, à cause, peut-être, de la politique scolaire coloniale et sans doute aussi des violents soubresauts des lendemains de l'indépendance.

Pourtant, dès les années 1930, s'était formée à Léopoldville une classe d'« évolués » qui purent s'exprimer soit dans des revues comme la Voix du Congolais, soit à l'occasion de concours littéraires. À cette préhistoire sont associés les noms d'Antoine-Roger Bolamba et de Paul Lomami-Tshibamba. Le premier, qui présida pendant longtemps aux destinées de la Voix du Congolais, est l'auteur d'un recueil de poèmes, Esanzo (Chants pour mon pays), salué par Léopold Senghor comme un chef-d'œuvre de la sensibilité bantoue.

Après une période de marasme politique, l'essor culturel reprend au lendemain de la prise du pouvoir de Mobutu, en 1965 : activité de très nombreux cercles littéraires et de revues estudiantines éphémères, lancement de prix littéraires et création de maisons d'édition. Le théâtre est aussi d'une grande vitalité. À ses origines, qui remonteraient à 1925-1926, il s'engage dans la voie de l'imitation. Au lendemain de l'indépendance, l'activité théâtrale se met en veilleuse, pour repartir bientôt de plus belle avec une floraison d'initiatives souvent universitaires, comme le « Mwondo théâtre », qui puise son inspiration dans la tradition zaïroise, mais cherche à renouveler les formes dramatiques en s'écartant résolument des modèles scolaires.

La poésie zaïroise connaît également un essor remarquable dès les années 1960. La création par Mudimbe des éditions du Mont-Noir sera l'occasion de faire entendre une voix singulière, en particulier pour N'Gayé-Lussa Sumaili (Testament, 1971), Nzanzu Mabelemadiko Masegabio (Somme première), Clémentine Nzuji (Lianes), Mudimbe (Déchirures), enfin Matala Mukadi Tshiakatumba (Réveil dans un nid en flammes).

La production romanesque apparaît aujourd'hui dominée par la figure de V. Y. Mudimbe qui, dans Entre les eaux (1973), le Bel Immonde (1976) ou l'Écart (1979) et même dans Shaba deux (1989), s'attache plus aux complexités psychologiques d'un personnage tourmenté qu'à la peinture d'une société en proie à ses contradictions. Cette problématique de l'intellectuel déraciné, déchiré entre des aspirations contradictoires, constitue également le thème du curieux texte de Mbwil a Mpaang Ngal, Giambatista Viko ou le Viol du discours africain (1975). Pius Ngandu se montre aussi très productif et plaide en faveur d'une littérature en langues nationales. Les années 1990 voient aussi émerger témoignages et autobiographies : les Corps glorieux des mots à la bénédictine (1995), récit autobiographique de Mudimbe, et la Condition démocratique. Séquestré du palais du Peuple (1995), témoignage vécu de Ngal. Paraissent aussi des textes inclassables, à la fois contes et romans fantastiques, comme l'Ogre-Empereur (1995), de Kompany Wa Kompany. La nouvelle et le conte connaissent un regain de faveur. Ainsi, les Contes du griot (1988) et la Nuit des griots (1991) sont l'œuvre de Kama Kamanda, qui est également un grand poète : Chants de brumes (1987, prix Paul Verlaine), la Somme des néants (1989, prix Louise Labé), l'Exil des songes (1992), les Myriades des temps vécus (1992).

De très nombreuses manifestations paralittéraires (romans policiers, littérature populaire, littérature pour la jeunesse, bandes dessinées, etc.) sont symptomatiques des bouleversements qui affectent la société contemporaine et témoignent d'une nouvelle vitalité culturelle. « La culture, dans le Zaïre d'aujourd'hui, ne s'exprime pas seulement dans les livres et dans les universités. Elle est dans la rue, dans les bars, dans les masures des grandes cités. Elle est avant tout une culture populaire » (Élikia M'Bokolo).