Aristophane

Aristophane
Aristophane

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète comique grec (Athènes v. 445 – v. 386 av. J.-C.).

Sa vie n'est guère connue. Les Anciens lui attribuaient une quarantaine de pièces, dont onze nous sont parvenues intégralement.

Parmi les premières, trois sont des plaidoyers pacifistes, représentés pendant la guerre du Péloponnèse. Dans les Acharniens (425), un paysan d'Acharnes, las de voir la guerre avec Sparte se prolonger, conclut une trêve pour lui seul. Attaqué par des charbonniers, il s'affuble des haillons des personnages d'Euripide pour se justifier par un grand discours bouffon. Dans les Cavaliers (424), le vieillard Démos (« Peuple ») se laisse berner par un esclave flatteur. Deux autres esclaves font appel à un charcutier qui, par son impudence, l'emporte dans les faveurs du maître. C'est ici le démagogue Cléon et l'aveuglement des Athéniens qu'Aristophane dénonce, le titre désignant les jeunes gens aisés du chœur, adversaires de Cléon. Dans la Paix (421), un vigneron athénien monte au ciel sur un escarbot géant pour demander la Paix aux dieux. Grâce à Hermès, il découvre celle-ci dans une caverne, tenue captive par le dieu de la Guerre, et tout se termine par une fête.

Dans les Nuées (423), le campagnard Strepsiade, pour apaiser des créanciers, veut suivre l'enseignement de Socrate, mais, déconcerté par la science du philosophe, il envoie à sa place son fils Phidippide, qui se montre brillant : il berne les créanciers et roue son père de coups. Strepsiade met le feu au « pensoir » de Socrate, dont le chœur des Nuées symbolise les idées extravagantes. Dans les Guêpes (422), Bdélycléon, pour empêcher son père Philocléon de passer son temps à siéger au tribunal, le séquestre et lui donne à juger un chien accusé d'un vol de fromage. Guéri, le vieillard mène joyeuse vie, banquette, danse. Aristophane attaque ici Cléon, qui a institué une indemnité journalière pour les juges. Racine, dans les Plaideurs, a transposé cette satire sociale.

Deux comédies utopiques évoquent les maux qui minent la démocratie, à l'heure de l'expédition de Sicile. Dans les Oiseaux (414), deux Athéniens, lassés des querelles de leur cité, cherchent un endroit tranquille pour s'établir. Ils atteignent la demeure de Térée, ancien roi d'Athènes transformé en huppe. Ils persuadent l'assemblée des oiseaux de fonder dans les airs une cité, Coucouville-les-Nuées, d'où les intrigants, sycophantes, sophistes et orateurs sont exclus. Dans Lysistrata (411), une Athénienne réunit une assemblée de femmes venues de toute la Grèce qui, pour contraindre leurs maris à signer la paix, décident de faire la grève du sexe ; elles occupent l'Acropole et s'emparent du trésor de l'État. La conjuration triomphe : Athéniens et Lacédémoniens concluent la paix et tout se termine par un joyeux banquet.

Dans deux autres comédies, Aristophane se fait critique littéraire. Dans les Thesmophories (411), les Athéniennes, à l'occasion de fêtes pour Déméter, décident de se venger d'Euripide qui les ridiculise dans ses tragédies. Dans les Grenouilles (405), Dionysos se rend aux Enfers pour chercher Euripide. Son voyage burlesque est ponctué par les coassements des grenouilles du Styx. Ensuite, Eschyle et Euripide s'affrontent, et Dionysos tranche en faveur d'Eschyle, qu'il ramène sur terre, préférant son art garant des valeurs civiques aux innovations d'Euripide, jugées excessives et immorales.

Les deux dernières comédies, détachées de l'actualité et comportant peu de parties chorales, relèvent de la comédie moyenne. Dans l'Assemblée des femmes (392), les Athéniennes, pour remédier à la mauvaise gestion de l'État, remplacent leurs maris à l'assemblée et instaurent un collectivisme économique et sexuel, dont des sketches montre les conséquences bouffonnes. Dans Ploutos (388), le dieu de la Richesse qui, aveugle, distribue ses biens au hasard, recouvre la vue grâce à un Athénien. Malgré l'opposition de Pauvreté, il favorise les braves gens et les dieux notamment n'y trouvent pas leur compte.

Aristophane est un polémiste, adversaire des démagogues à qui il reproche de dilapider les finances publiques, d'imposer aux alliés des tributs excessifs, et d'entretenir avec Sparte une guerre ruineuse. Ennemi des sophistes, il s'en prend à Socrate, qu'il juge responsable de la décadence morale, et à Euripide, qui dégraderait l'idéal de la tragédie. Il se fait le défenseur de valeurs traditionnelles, vie paysanne, modération, paix, grandeur d'Athènes. Mais le comique d'Aristophane va plus loin que la satire vigoureuse des contemporains ou la mise en scène pittoresque du quotidien : les héros sont rusés, cyniques, grossiers, dirigés par leur désir de nourriture et de sexe, et l'intrigue se développe dans des situations fantastiques, où triomphent les plaisirs du corps. C'est l'invention verbale prodigieuse et les jeux constants sur l'illusion dramatique, en particulier dans l'agôn (duel verbal entre thèses opposées) et la parabase (passage choral qui exprime les doléances et les humeurs de l'auteur), qui fondent la progression des comédies, jusqu'à un joyeux charivari final.

Aristophane est le maître de la comédie ancienne. Les temps modernes sont restés sensibles, à travers une verve digne de Rabelais, aux thèmes abordés sous le masque du carnaval : obsession de la paix et irrespect face aux idées reçues et aux pouvoirs subis.

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