religion

(latin religio)

Ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l'homme avec le sacré.

C'est principalement au sein de la culture occidentale que la notion de religion a pris consistance. Ni les sociétés traditionnelles comme celles de l'Afrique noire, ni des systèmes de pensée tels que l'hindouisme, ni même la Rome ancienne, pour laquelle le mot religio désigne seulement un ensemble d'observances, interdits et cérémonies civiques ou domestiques, n'entendent la religion au sens moderne de relation avec un sacré conçu comme séparé du profane. C'est néanmoins cette perspective occidentale qui permet d'analyser le plus adéquatement les phénomènes qu'elle considère comme étant de nature religieuse.

Les religions et la religion

Dans le passé, tout le monde avait une religion, laquelle, dans un pays donné, était la même pour tous. Aujourd'hui, il en est encore ainsi dans certaines régions, mais, avec le brassage croissant des populations, il est courant que, dans le même pays, plusieurs religions coexistent.

Profitant des migrations, certaines religions, plus conquérantes ou plus attractives, parviennent à se répandre dans d'autres régions que celles où elles étaient cantonnées auparavant. Des groupes religieux peuvent aussi être contraints de s'exiler plus ou moins massivement hors de leur terreau natal ou habituel. Ce fut le cas de la diaspora (ou dispersion) des juifs, qui durent quitter la Palestine au ier s. de notre ère.

Les religions d'aujourd'hui peuvent aussi être affectées par un phénomène de régression, soit local soit universel. Il en est ainsi lorsque les fidèles de telle religion adhèrent à une autre confession ou lorsqu'ils abandonnent toute appartenance à un groupe religieux quelconque pour devenir agnostiques ou athées. Ce phénomène est appelé en Occident, où il atteint des proportions notables dans les religions chrétiennes, « déchristianisation » ou « sécularisation ».

Les groupes religieux

Une des premières caractéristiques qui font d'un groupe humain une religion, c'est le fait qu'il fonctionne à la manière d'une communauté. Le judaïsme a, depuis les origines, conscience de former le peuple de l'Alliance avec le Dieu unique. Les premiers chrétiens se présentaient comme « n'ayant qu'un cœur et qu'une âme » et comme formant une « Église » (du grec ekklêsia, assemblée). Les musulmans, depuis Mahomet, se proclament unis dans l'immense fraternité de l'umma. Dès l'origine du bouddhisme, le noyau monastique des premiers disciples du fondateur prit le nom de « communauté » (sangha).

Souvent, l'unité du groupe religieux est garantie ou exprimée par l'autorité d'un chef suprême : le pape pour les catholiques romains ; le patriarche de Constantinople pour les chrétiens d'Orient qu'on appelle « orthodoxes » ; le dalaï-lama pour les bouddhistes du Tibet ; le calife pour les musulmans à certaines périodes de leur histoire ; le grand maître céleste pour le taoïsme chinois.

Par ailleurs, la cohésion ou l'unité intérieure de beaucoup de religions repose sur la référence constante qu'elles font à leur fondateur. Celui-ci peut être un prophète (quelqu'un qui parle au nom de Dieu et qui est porteur d'une révélation, tel Mahomet), un messie (l'être consacré qu'on attendait comme le libérateur), une personne divine qui se fait homme (tel Jésus, que ses disciples – christiani, les chrétiens – appellent « Christ » et « Fils de Dieu ») ou tout simplement un sage possédant un rayonnement exceptionnel, comme le Bouddha pour le bouddhisme ou Laozi (Lao-tseu) pour le taoïsme. Dans bien des cas, le chef suprême d'une religion est alors considéré comme étant le successeur du fondateur et son représentant sur terre. De plus, beaucoup de religions se réfèrent à des textes sacrés, où elles trouvent leurs lois et leurs principes fondamentaux : ainsi, l'Avesta pour les mazdéens, la Bible pour les juifs et les chrétiens, le Coran pour les musulmans.

Les règles et les institutions

Les religions sont généralement dotées d'un corps de fonctionnaires sacrés. Ils sont chargés d'enseigner ou d'interpréter les croyances et pratiques traditionnelles (rabbins dans le judaïsme, ulémas dans l'islam, brahmanes dans l'hindouisme). Parfois, ils se présentent comme étant, en outre, des médiateurs entre les simples adeptes et les puissances divines ou surnaturelles (tels les prêtres, qui, dans les Églises catholique, orthodoxe et anglicane, ont le pouvoir d'administrer les sacrements). Ces fonctionnaires du sacré, qu'on peut appeler « clercs » et qui forment un clergé (ou classe sacerdotale, du latin sacerdos, prêtre), se distinguent plus ou moins nettement de la masse des fidèles. Ils sont fréquemment organisés selon une hiérarchie : les évêques et le pape par rapport aux curés et simples prêtres dans le catholicisme ; les ayatollahs par rapport aux mollahs dans le chiisme.

Là où il existe, le clergé, hiérarchisé ou non, exerce sur l'ensemble du groupe religieux une fonction qui est soit de ministère (service) soit de magistère. Ce dernier consiste à veiller sur les croyances, tels les dogmes dans le christianisme, propres à la communauté et à les défendre contre les doctrines nouvelles ou déviantes que sont les hérésies (ainsi le protestantisme pour l'Église catholique). Parfois, pour de simples raisons de mentalité, de discipline ou de politique, des groupes se séparent du tronc commun ; leur dissidence est un schisme, tel que celui qui a divisé, en 1054, les chrétiens d'Orient (Constantinople) et ceux d'Occident (Rome). De tels mouvements de séparation peuvent déboucher sur de petits groupes plus fermés, ou sectes (par exemple, les Témoins de Jéhovah ou les mormons).

Même lorsque son unité est globalement sauvegardée, une religion n'est jamais totalement homogène ; certains de ses adeptes peuvent être tentés par des positions extrêmes. Tandis que la plupart des fidèles interprètent de manière souple et ouverte les vérités à croire et les commandements à observer, d'autres les prennent dans leur acception la plus rigoriste ; ces derniers sont soit des fondamentalistes, soit des intégristes. À l'inverse, l'œcuménisme traduit, au sein des Églises chrétiennes, l'effort de rapprochement entre croyants.

Les croyances et les pratiques

Une religion se soucie de relier ses adeptes et la communauté qu'ils forment aux puissances d'un monde invisible, ou surnaturel. Le moyen par lequel s'effectue cette mise en communication du visible avec l'invisible est la prière. Les croyants ressentent en effet le besoin de se tourner, comme pour une sorte d'échange, vers une puissance ou une personne qui leur apparaît ou très proche ou transcendante, mais toujours présente. Cet exercice de la prière peut être solitaire, silencieux et conduire parfois, notamment chez les mystiques, à des états extraordinaires tels que la transe, la possession, l'extase.

Dans une religion, la prière prend aussi, nécessairement, une forme collective et rituelle. Les rites utilisent des gestes corporels accompagnés de paroles ou de chants (prosternations, ablutions, danses, processions), des substances symboliques (huile, encens, eau), des objets, des images, des vêtements spécifiques. Ils ont souvent, à travers tous ces signes, la valeur d'un sacrifice offert à la puissance surnaturelle. Ces cérémonies ritualisées se déroulent de façon périodique à des dates qui correspondent aux rythmes de la nature (semailles, moissons, solstices, équinoxes), à des moments de l'existence individuelle (naissance, mariage) ou qui commémorent tel événement fondateur (la Pâque pour les juifs et les chrétiens).

Les rites s'inscrivent alors dans le cadre d'une fête, l'ensemble des fêtes prévues par le calendrier et le protocole des diverses célébrations constituant une liturgie. Celle-ci sanctifie ou « sacralise » le temps, de même que l'espace du fait qu'elle se déploie dans des sanctuaires, églises et temples, dont chacun est un édifice sacré pour les fidèles.

Les religions, en outre, ont leurs lieux saints. Le pèlerinage qu'on accomplit en de tels lieux est lui-même une action sacrée, tel le hadjdj à La Mecque, qui est un des « cinq piliers » de l'islam.

Les dieux et le divin

Pour beaucoup de religions – pour celles de la Grèce et de l'Égypte dans l'Antiquité ; pour celles d'une grande partie de l'Afrique noire et pour l'hindouisme –, le monde divin comprend des puissances ou des dieux multiples. On a affaire là au polythéisme. Parfois, la sphère du divin est réduite à deux êtres qui se combattent et dont l'un personnifie le Bien, l'autre le Mal : c'est un dualisme, comme à un certain stade de la religion de Zarathushtra, dans le manichéisme ou chez les cathares. En revanche, le judaïsme, le christianisme et l'islam sont les trois grandes religions monothéistes ; elles se fondent, à la suite de leur ancêtre commun Abraham, sur la foi en un Dieu unique (Yahvé ou Allah).

Par ailleurs, certaines religions empruntent à d'autres des éléments doctrinaux sans trop se soucier de cohérence. On dit alors qu'il y a syncrétisme. Il existe aussi des courants minoritaires dans telle ou telle religion, qui fonctionnent comme des sociétés secrètes et qui privilégient des pratiques initiatiques réservées à un petit nombre d'adeptes ; cette formule relève de l'ésotérisme.

L'étude des religions

Depuis le xixe s., le phénomène religieux est largement et librement étudié en tant qu'objet d'une approche de type scientifique, c'est-à-dire au nom de la raison laïque et non plus seulement d'un point de vue théologique et apologétique. Ce savoir, dès lors, s'intéresse moins à l'essence de la religion, comme peut l'envisager la théologie ou la philosophie, qu'à une étude comparative des religions dans leur pluralité. Dans le cadre de cette méthode comparatiste, l'historien ou l'anthropologue renonce à faire de son étude un moyen de consacrer ou de magnifier telle religion, mais cherche plutôt à comprendre de quelle manière celle-ci manifeste les valeurs d'une société et quel sens elle donne, par sa symbolique, à l'action humaine.