orque ou épaulard

Épaulard
Épaulard

Pendant longtemps, l'orque a traîné dans son sillage une mauvaise réputation de tueur sanguinaire, exagérée par les récits des baleiniers. Mais, depuis que ce grand dauphin est mieux connu, il est plutôt regardé comme un prédateur qui force l'admiration.

Introduction

La famille des delphinidés est apparue au miocène, il y a 11 ou 12 millions d'années. L'orque, ou épaulard, est le plus grand de tous les dauphins. Des fossiles de cette espèce, datant de la fin du pliocène, il y a environ 1,5 millions d'années, ont été retrouvés en Italie (Toscane) et en Angleterre (Suffolk).

Cétacé à dents, ou odontocète, comme tous les dauphins, mais aussi les marsouins, les cachalots, les bélougas et les ziphiidés, l'orque est classée dans une sous-famille à part, celle des orcininés, avec la fausse orque (Pseudorca crassidens).

Bien que toutes les orques n'aient pas le même comportement alimentaire, certaines s'attaquent aux autres mammifères marins – ce sont les seuls cétacés à le faire –, même les plus gros. Pour se nourrir, une orque peut mettre en pièces une baleine ou un autre dauphin, et les baleiniers lui ont fait une terrible réputation de tueur sanguinaire, d'où son nom anglais de killer whale (« baleine tueuse »)… bien qu'elle n'attaque pas l'homme.

Son régime alimentaire est en fait très varié. De nombreuses études menées notamment sur les populations d'orques résidentes des eaux littorales de la côte pacifique de l'Amérique du Nord, dans la région de l'île Vancouver en particulier, ont permis de mettre à bas sa réputation injustifiée et d'étendre considérablement les connaissances sur sa vie sociale. Ces recherches de longue haleine, fondées sur l'identification individuelle des animaux grâce à des fichiers photographiques, ont fourni un très riche catalogue de comportements.

La vie de l'orque

Trois types de communautés

Les nombreuses études menées sur les comportements des orques ont permis d'en mettre en évidence trois types, différant par leur comportement, leur organisation sociale et leur alimentation, et qui ne se mélangent pas entre eux : les orques résidentes, les orques nomades et les orques hauturières (ou « offshore »).

Adeptes de la vie en communauté, les orques résidentes, sédentaires, vivent en petites troupes stables de 5 à 20 individus, le plus souvent près des côtes. Selon les observations faites dans la région de l'île Vancouver (Canada), une troupe comporte en moyenne un peu plus d'adultes (57 %) que de jeunes (43 %), dont 4 % environ sont encore allaités. Chez les adultes, le nombre des femelles, plus élevé que celui des mâles (respectivement 34 % et 23 %), s'explique sans doute par un taux de mortalité plus fort chez ces derniers. Chaque troupe représente vraisemblablement une famille qui possède un répertoire acoustique propre, permettant de l'identifier. Très stable, elle peut toutefois se scinder pendant quelques heures, notamment lors de la recherche de nourriture. Des animaux seuls ou plusieurs sous-groupes nagent alors ensemble, mais à plusieurs kilomètres de distance les uns des autres. Les orques résidentes se nourrissent essentiellement de poissons.

Dans le détroit de Puget, situé entre l'île Vancouver et le continent, des études menées pendant près de cinq ans sur des groupes résidents ont permis d'établir une sorte d'emploi du temps type de la journée de l'orque résidente : 46 % de son temps, soit près de la moitié, sont consacrés à la recherche de la nourriture et à la capture des proies ; 27 % aux déplacements ; 13 % aux jeux et aux activités sexuelles ; 12 % au repos et au sommeil. Les rencontres avec les autres groupes couvrent environ les 2 % du temps restant. Ces activités se déroulent par séquences, selon un certain ordre : ainsi, le repos succède généralement à la chasse et peut être suivi par les jeux, qui précèdent les déplacements.

Les orques nomades forment généralement de petits groupes indépendants de 2 à 7 individus (souvent 3), comprenant fréquemment une femelle adulte et un ou deux de ses jeunes, qui se déplacent en permanence. Les jeunes mâles entretiennent des liens forts avec leur mère, dans de nombreux cas jusqu'à l'âge adulte. Ensuite, il semble qu'ils mènent une vie errante, essentiellement solitaire, bien qu'ils se joignent à d'autres groupes de nomades pendant la période de reproduction. Les femelles qui ne se sont pas encore reproduites se déplacent souvent ensemble. Contrairement aux orques résidentes, majoritairement piscivores, les orques nomades se nourrissent surtout de mammifères marins (phoques, marsouins, lions de mer…), parfois de grande taille si elles chassent à plusieurs (cachalots), ainsi que d'oiseaux marins, de tortues, de céphalopodes, et de poissons dont les requins (des orques nomades solitaires ont même été observées attaquant de grands requins blancs). Les nomades de l'hémisphère Sud sont friandes de manchots, qu'elles chassent près des côtes.

Les orques hauturières sont les moins bien connues. Un peu plus petites que les résidentes et les nomades, elles vivent au large en grandes troupes hiérarchisées comptant au minimum 25 individus, parfois jusqu'à plus de 60. On pense qu'elles se nourrissent surtout de bancs de poissons.

Le cérémonial des salutations

Le cérémonial des salutations



Lors de la rencontre de deux groupes, les orques se livrent à un cérémonial spectaculaire, baptisé « greeting ceremony ». Arrivés à quelques mètres l'un de l'autre, les groupes se font face pendant 10 à 30 secondes. Puis les animaux plongent et les groupes se mélangent. En remontant à la surface, ils forment une sorte d'essaim compact, qui tourbillonne et peut se fragmenter par la suite. La rencontre se termine généralement par des jeux bruyants et fort animés.

Une agilité surprenante et bruyante

Les sauts, bonds et mouvements de queue spectaculaires des orques ne semblent pas liés à la nage ou aux déplacements. Pour tenter d'en comprendre la signification, les scientifiques les ont répertoriés selon les circonstances des observations.

Les orques adoptent souvent des attitudes d'observation. En faisant surface, elles élèvent brièvement la tête hors de l'eau ou se dressent verticalement, émergeant parfois jusqu'au niveau des nageoires pectorales, comme pour effectuer un tour d'horizon sur l'espace qui les entoure.

Ces positions d'observation, appelées en anglais spyhopping (littéralement « tour d'espionnage »), peuvent parfois être adoptées simultanément par plusieurs animaux d'un même groupe et sont fréquentes chez les jeunes. Dotées d'une vue excellente, les orques repèrent sans doute ainsi une proie éventuelle sur le rivage et reconnaissent le meilleur chemin pour s'échapper lorsqu'elles sont cernées par des bateaux.

Des jeux animés

Souvent, l'orque bat violemment l'eau avec ses nageoires lorsqu'elle joue avec d'autres orques. Le bruit qu'elle fait alors, en assénant des claques rapides sur la surface de la mer avec ses nageoires pectorales ou en frappant celle-ci en rythme avec sa nageoire caudale, se propage rapidement sous l'eau. Il est si fort qu'il peut être entendu à plusieurs kilomètres de distance. Ces grands battements sont aussi observés pendant les préliminaires de l'accouplement. Lorsqu'ils sont exécutés pendant la chasse, ils servent sans doute à effrayer les poissons pour les rabattre. Durant ses jeux, toujours bruyants et animés, l'orque fait preuve d'une impressionnante agilité malgré sa taille et son poids. Dressant sa queue hors de l'eau, elle la fait osciller longuement de droite à gauche ; ou encore, elle exécute des sauts étonnants : émergeant presque totalement, elle replonge tête la première ou, le plus souvent, se laisse lourdement retomber sur le ventre, le dos ou le côté, dans un grand jaillissement d'éclaboussures.

La caresse des algues

Comme les autres dauphins, les orques aiment se frôler les uns les autres. Ces contacts entre individus sont assez brefs, les animaux passant plus de temps, parfois près d'une heure d'affilée, à se frotter à des pierres du fond sur certains sites utilisés dans ce seul but, comme cela a été observé dans le détroit de Puget.

Enfin, lorsqu'elles passent à proximité d'un champ d'algues, les orques ne résistent pas à la tentation de se frotter contre ces végétaux et d'en rapporter quelques-uns jusqu'à la surface afin de mieux en ressentir la caresse sur leur nageoire caudale. On ne sait s'il s'agit là d'un jeu, d'un plaisir ou d'une nécessité.

Un chasseur redoutable et discret

L'orque, comme les autres dauphins, chasse presque toujours en groupe. La recherche et la capture des proies impliquent la coopération de tous les animaux. Les techniques de chasse et la taille des groupes sont adaptées à la nature des proies : bancs de poissons de toutes sortes (éperlans et morues, notamment), céphalopodes (seiches, poulpes), tortues, oiseaux marins, mammifères marins, petits et grands.

En coordonnant les activités de recherche, la détection des bancs de poissons est beaucoup plus efficace. Les orques piscivores se dispersent sur deux kilomètres et nagent à une allure de 5 km/h environ. Elles peuvent ainsi explorer au sonar 10 km2 par heure, surface considérable par rapport à celle que pourraient prospecter une orque isolée ou un groupe compact. Les signaux d'écholocation émis et reçus par les différents individus permettent à chaque animal de se situer par rapport aux autres, de rester en contact avec eux et de participer à l'activité générale du groupe. Ils sont cependant insuffisants pour coordonner précisément les actions de l'ensemble du groupe, notamment quand il s'agit de concentrer un banc de poissons ; l'orque utilise alors des signaux acoustiques.

Les signaux acoustiques

Chez les populations d'orques résidentes du détroit de Puget, on a pu distinguer une quarantaine de ces signaux, dont certains sont spécifiques à chaque groupe et constituent une sorte de dialecte. Les chercheurs ont observé des similitudes dans les dialectes propres à divers groupes et ces ressemblances leur ont permis d'apprécier le degré d'association qui existe entre ces groupes. Enfin, chaque individu peut émettre un son spécifique, qui est comparable au timbre de la voix humaine. Cette « signature » permet aux animaux de se reconnaître acoustiquement et, peut-être à certains d'entre eux, de diriger les opérations.

Le langage des orques est différent entre les populations résidentes, nomades et hauturières.

Une approche silencieuse

La recherche d'autres mammifères marins pratiquée par les orques nomades semble se dérouler différemment. La difficulté n'est assurément pas la même puisque les orques peuvent être détectées acoustiquement par les autres cétacés (baleines ou dauphins) et visuellement par les pinnipèdes (otaries, par exemple), qui auront alors le temps de fuir à leur approche. Elles patrouillent donc en silence, se fiant à leur ouïe pour localiser leurs proies grâce au bruit que celles-ci font en se déplaçant ou aux signaux qu'elles émettent. Elles connaissent aussi les sites où baleines, phoques ou otaries ont l'habitude de se concentrer à certaines périodes de l'année pour se reproduire.

La capture de ces proies de choix et leur mise à mort dépendent de la taille et du nombre des futures victimes. Les baleines, qui se déplacent le plus souvent seules ou en petits groupes, sont des adversaires coriaces. Pendant qu'une partie des orques immobilise un animal en se saisissant de ses nageoires, d'autres attaquent la tête, mordant ses lèvres pour le forcer à ouvrir la bouche ; ils peuvent ainsi attraper sa langue, partie très vulnérable, véritable « talon d'Achille » de ce mastodonte. Certaines baleines parviennent à s'enfuir en se débattant violemment. En zone côtière, elles peuvent être repoussées et isolées par les orques dans les eaux peu profondes qui bordent le rivage, où elles sont beaucoup plus vulnérables. Les observations faites sur les cadavres de baleines, et plus particulièrement sur les rorquals, montrent que les orques ne mangent qu'une partie de leur proie, soit par manque de temps – car le rorqual, plus dense que l'eau, a tendance à couler après sa mort –, soit par manque de moyens, leur denture ne leur permettant que d'arracher et non pas véritablement de sectionner des morceaux de lard ou de muscles.

En pleine mer, les phoques et les otaries constituent des proies faciles. Mais, quand ils se trouvent à proximité de la terre ou de la glace, ils peuvent échapper à leurs prédateurs (s'ils les ont détectés à temps) en sortant au plus vite de l'élément liquide. Encore que, dans l'hémisphère Sud, les orques déploient une technique de chasse consistant en « échouages » volontaires sur les plages pour se saisir des otaries sortant de l'eau ; parfois entièrement émergées à l'issue de ces attaques, elles regagnent la mer par puissantes contorsions de leur corps.

Un nouveau-né tous les trois ans

Entre mâles et femelles, tout commence comme pour un jeu à la saison des amours : tapes données avec les nageoires et caresses diverses, au cours desquelles les partenaires se frottent et se roulent l'un contre l'autre en surface. Après ces préliminaires, l'accouplement lui-même se déroule souvent à la surface de l'eau, au milieu des éclaboussures et des tourbillons, ce qui rend son observation malaisée. Durant l'action très brève – 30 secondes tout au plus –, les animaux s'accouplent soit en position horizontale, soit en position verticale ; ils accolent leurs ventres et s'arriment brièvement l'un à l'autre avec leurs nageoires pectorales.

Une croissance rapide

La durée de la gestation est relativement longue, de 15 à 16 mois, et les femelles ne mettent au monde qu'un petit tous les trois ans au maximum. La mise-bas et les premiers soins donnés aux petits ne varient guère par rapport à ce que l'on observe chez les autres dauphins. La mère, sans doute aidée d'une autre femelle, pousse le nouveau-né vers la surface pour lui permettre de respirer. À la naissance, le petit orque mesure de 2,20 à 2,90 m, mais il grandit vite. La première année, il ne se nourrit, semble-t-il, que du lait de sa mère, qu'il ne quitte guère d'ailleurs. Lorsqu'il veut boire, il la sollicite d'un petit coup de nez dans le ventre, près de la mamelle, et boit adroitement le jet de lait maternel propulsé.

On rencontre parfois des sous-groupes d'orques composés uniquement de petits allaités et de jeunes, mais un adulte n'est jamais très loin. Il est là pour surveiller et, dans certaines circonstances, pour coordonner les activités.

Comme chez tous les cétacés, la croissance de l'orque est rapide durant les premières années de la vie. Après une dizaine d'années, celle des femelles ralentit nettement, alors que les mâles continuent de grandir. À l'âge adulte, ceux-ci peuvent atteindre près de 10 m de long, alors que la taille maximale des femelles est de 7 m. À cette différence de taille correspond également une différence de poids : les mâles adultes pèsent parfois deux fois plus lourd que les femelles (respectivement 8 et 4 tonnes).

L'âge de l'orque est évalué d'après le nombre de couches d'ivoire constituant ses dents. La longévité maximale ainsi calculée avoisine les 35 ans. Il faut dire que, dans la nature, l'orque ne craint pas grand-chose. À part l'homme ou, éventuellement, les autres orques (un cas de cannibalisme a été rapporté), elle n'a pas d'ennemis. Le taux de mortalité de l'espèce est donc relativement faible : de 1 à 9 % selon les auteurs.

Pour tout savoir sur l'orque

Orque (Orcinus orca)

Tout dans la morphologie de l'orque évoque la force et la puissance, et sa silhouette est aisément reconnaissable. La tête en forme de cône, sans bec bien distinct, et surtout l'aspect de ses nageoires sont caractéristiques : son aileron dorsal, en forme de triangle isocèle, peut, chez les mâles, atteindre plus de 1,80 m de haut ! Il varie selon l'âge et le sexe : celui des jeunes et des femelles est de taille plus modeste et a plutôt la forme d'une faux. Déployées, les deux nageoires pectorales atteignent des dimensions considérables : 2 mètres de long sur 1 mètre de large chez les grands mâles. Cette envergure donne à l'orque la puissance nécessaire pour freiner la progression d'une proie de grande taille, comme la baleine, à laquelle elle s'arrime par les mâchoires, ou pour effectuer des marches arrière et dépecer ses victimes.

Avec sa coloration noir et blanc nettement délimitée, l'orque possède une tenue de camouflage qui, en brisant sa silhouette, lui permet sans doute de leurrer certaines de ses proies. Sur la face dorsale, une tache grisâtre ou blanche en forme de croissant est disposée comme une selle en arrière de la nageoire. Sur la tête, en arrière et au-dessus de l'œil, s'allonge une tache temporale. Enfin, une grande surface blanche qui s'étend sur la mâchoire inférieure, la gorge, la poitrine et le ventre, figure une fourchette à trois dents postérieures. Certains animaux peuvent toutefois être entièrement noirs ou blancs.

Impressionnante, la gueule de l'orque possède, par demi-mâchoire, de 10 à 14 dents qui peuvent mesurer 14 cm de haut. Elles sont légèrement aplaties d'avant en arrière, ce qui permet de les différencier de celles des faux orques ou des cachalots. Lorsque les mâchoires sont fermées, les dents de la rangée inférieure s'intercalent entre celles de la rangée supérieure. Le grand développement des fosses temporales permet d'apprécier la puissance de la musculature masticatrice et ses fortes mâchoires caractérisent le crâne de l'orque.

À cette morphologie spectaculaire correspond un cerveau remarquablement développé ; son poids relatif par rapport au poids du corps est du même ordre que celui du grand dauphin (Tursiops truncatus), l'espèce la mieux dotée chez les cétacés.

L'orque présente une physiologie tout à fait semblable à celle des autres dauphins. Il possède une ouïe très développée, qui lui permet de détecter ses futures proies. Mais une de ses caractéristiques les plus notables réside dans son système de localisation par échos (ou sonar), tout à fait performant. Ses capacités visuelles sont également excellentes, aussi bien sous l'eau que dans l'air, semble-t-il. Les données disponibles sur la durée de la plongée et les profondeurs atteintes sont encore peu nombreuses, mais, là encore, il semble qu'elles doivent être comparables à celles des autres dauphins. L'orque n'a d'ailleurs pas besoin de plonger profondément, car ses principales proies vivent généralement à proximité de la surface. Certains mammifères bons plongeurs, comme quelques phoques ou les hyperoodons, pourraient ainsi lui échapper en nageant à grande profondeur. Disposant d'un système de thermorégulation efficace, l'orque est peu sensible aux différences de température, ce qui permet à l'espèce de s'adapter sans difficultés dans la plupart des eaux du monde.

Dans le passé, on distinguait plusieurs espèces d'orques en se fondant sur les différences de pigmentation et de forme de la nageoire dorsale. Au xixe siècle, trois espèces étaient définies dans les eaux européennes : Orca gladiator, que l'on différenciait d'Orca minor d'après la hauteur de la nageoire dorsale, et Orca eschrichti, différant des deux autres par sa pigmentation. Plus tard, une forme du Pacifique a été distinguée sous le nom de Orca rectipinna, et, en 1981, les Russes Mikhaelev et Ivashin ont décrit dans l'Antarctique une espèce pygmée : Orcinus nanus. Celle-ci n'a cependant pas été reconnue. Aujourd'hui, on considère qu'il n'existe qu'une seule et même espèce : Orcinus orca, l'orque, ou épaulard.

          

ORQUE ou ÉPAULARD

Nom (genre, espèce) :

Orcinus orca

Famille :

Delphinidés

Ordre :

Cétacés

Classe :

Mammifères

Identification :

Pas de bec ; tête conique ; nageoire dorsale haute ou très haute ; coloration noir et blanc ; de 11 à 14 dents par demi-mâchoire

Taille :

Longueur maximale, 9,50 m chez les mâles, 7 m chez les femelles

Poids :

8 tonnes pour les mâles, 4 tonnes pour les femelles

Répartition :

Tous les océans et les mers, plutôt dans les eaux froides

Habitat :

Généralement côtier

Régime alimentaire :

Carnivore

Structure sociale :

Groupes de 5 à 20 individus

Maturité sexuelle :

10-12 ans chez les mâles (longueur 6 m) et vers 7-8 ans chez les femelles (longueur 5 m)

Saison de reproduction :

Variable selon les parties du monde

Durée de gestation :

De 15 à 16 mois

Nombre de petits :

Un tous les trois ans maximum

Taille à la naissance :

De 2,20 m à 2,90 m environ

Durée de l'allaitement :

12 mois environ

Effectifs :

Non connus avec précision dans leur globalité ; probablement une petite centaine de milliers en tout dans le monde. Nombreuses estimations locales ; population la plus importante en Antarctique, avec environ 80 400 individus

Statut :

Espèce à faible risque d'extinction ; inscrite à l'Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction)

 

Signes particuliers

Taches

Les trois zones blanches qui ornent le ventre et le dos de l'orque sont très caractéristiques de l'espèce. Sur le dos, une tache en forme grossière de lune est placée un peu comme une selle à l'arrière de la nageoire dorsale ; une autre, sur la tête au-dessus de l'œil, prend une forme allongée. La tache la plus importante se situe sur toute la face ventrale et ressemble à un trident.

Dents

Une cinquantaine de dents, de 12 à 14 cm chacune et dont la couronne conique présente un aplatissement d'avant en arrière, sont implantées dans une solide mâchoire à la puissante musculature. Elles permettent à l'animal de maintenir fermement et de déchiqueter des proies de taille importante, telle la baleine, ou de broyer des mammifères marins plus petits (otaries ou phoques).

Nageoire pectorale

Le squelette de la nageoire pectorale possède les mêmes éléments osseux que le membre antérieur des autres mammifères. Ces os apparaissent cependant fortement modifiés. L'humérus, le radius et le cubitus sont particulièrement courts et les deux derniers sont très aplatis d'un côté à l'autre. Seule l'articulation entre l'humérus et l'omoplate est mobile, les autres sont synarthrosées, c'est-à-dire fixes. La main se compose de cinq doigts largement écartés, recouverts par une enveloppe commune de tissu fibreux et de peau qui lui donne l'aspect d'une raquette moitié moins large que longue. Le deuxième doigt est plus grand et présente des phalanges beaucoup plus développées.

Milieu naturel et écologie

Animal résistant, l'orque est parfaitement adaptée à tous les océans et à toutes les mers : on l'a même signalée plusieurs fois dans les eaux douces, par exemple, en octobre 1931, une femelle de 4 mètres de long remonta la rivière Columbia, dans l'Oregon, sur plus de 100 milles et y séjourna près de 100 jours. Rien d'étonnant donc si l'aire de répartition de l'orque s'étend du bord de la banquise aux eaux tropicales. Il est toutefois plus fréquent de la rencontrer dans les eaux froides, sur une bande dont la limite se situe approximativement à 800 km des continents. Croisant principalement près des côtes, l'espèce ne migre pas pour la saison de reproduction qui a lieu en octobre-novembre surtout dans l'Atlantique nord, et plutôt de mai à juillet dans le Pacifique nord. Mais il arrive que les animaux, lors de certaines périodes de l'année, gagnent les eaux profondes, partant à la recherche de nouvelles proies.

Un régime adapté aux régions et aux saisons

La puissance et l'audace de l'orque, qui lui permettent de s'attaquer aux mammifères marins les plus gros, lui ont valu une très mauvaise réputation de tueur sanguinaire, et sa voracité a été fortement exagérée. Au milieu du xixe siècle, dans une publication, le naturaliste danois Eschricht avait signalé la découverte dans l'estomac d'une orque des restes indigestes de 13 marsouins et de 14 phoques. Certains auteurs interprétèrent mal ces données et en conclurent qu'un estomac d'orque pouvait contenir ces 24 individus qui, en fait, avaient été ingurgités successivement, à intervalles inconnus. Le record de voracité connu, bien réel cette fois, semble être détenu par un spécimen capturé en 1956 dans le détroit d'Akashi, au Japon, dont l'estomac renfermait 8 marsouins aptères (une petite espèce dont les individus mesurent 1,60 m environ de long). En captivité, l'orque ne perd pas son bel appétit puisqu'elle consomme jusqu'à 200 kg de poissons par jour. La liste des espèces dont les restes ont été découverts dans des estomacs d'orques montre que leur régime est très éclectique : 10 espèces de cétacés, 8 espèces de pinnipèdes, 11 espèces de poissons osseux, 3 espèces de poissons cartilagineux (requins, raies) et 6 espèces d'autres vertébrés (reptiles, oiseaux) ! En fait, tous les vertébrés marins constituent des proies, du moins pour les orques nomades, et l'orque adapte son régime à la région ou aux saisons.

Dans l'Atlantique du Nord-Est, au voisinage de la Norvège et de l'Islande, la nourriture principale de l'orque est constituée par les harengs. Mais, en certaines saisons, il peut très bien consommer d'autres espèces comme la morue, le capelan, le flétan ou le saumon. Les brusques concentrations saisonnières, comme celles observées le long des côtes de Norvège, correspondent souvent aux mouvements migratoires du hareng, alors qu'au nord de ce pays, l'apparition des orques coïncide avec celle des capelans et des morues, à la fin de l'hiver et au printemps. Dans le Pacifique du Nord-Est, l'analyse des contenus stomacaux de 364 animaux capturés dans les eaux côtières du Japon a permis de conclure que les poissons constituent la nourriture principale de l'animal.

Plus nombreuses dans l'hémisphère Sud

Il n'existe pas d'estimations globales du nombre d'orques sur la planète. En revanche, on dispose de recensements précis dans certaines régions, ainsi que d'évaluations locales, permettant de se faire une idée de l'importance numérique des populations. Les chiffres suivants sont ceux fournis par le site officiel de la Convention sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (Convention de Bonn).

C'est dans l'hémisphère Sud que les orques sont le plus nombreuses : on estime ainsi à 80 400 le nombre d'individus fréquentant les eaux de l'Antarctique.

Dans l'hémisphère Nord, les populations sont moins importantes. On estime que, dans le Pacifique Nord-Est, vivent, en tout, environ 1 500 orques (estimations 2002), dont 850 en Alaska. Plusieurs petites populations ont fait l'objet d'un recensement individuel, telle celle qui évolue au sud et à l'est de l'île de Vancouver (Canada), composée de 335 orques réparties en 260 résidentes et 75 nomades, ou celle des îles de la Reine-Charlotte (117 orques hauturières décomptées). Dans le Pacifique Ouest, on dénombre notamment quelque 1 200 orques au large du Japon.

On trouve également plusieurs populations d'orques dans l'Atlantique Nord. Environ 6 600 évoluent entre l'Islande et les îles Féroé, tandis que les eaux côtières norvégiennes abritent un nombre d'orques variant de 480 à 1 500 individus et les eaux comprises entre la Norvège et la mer de Barents, environ 3 100 animaux.

L'orque et l'homme

Un nouvel ami de l'homme

Défini il y a encore quelques années comme un vorace prédateur, l'orque fait aujourd'hui, à ses dépens, le bonheur d'une industrie touristique. La pollution de certains de ses habitats et la capture de jeunes animaux vivants constituent la principale menace contre ce gigantesque dauphin.

Un cétacé aux multiples noms

Nos lointains ancêtres des temps préhistoriques connaissaient (et chassaient peut-être) les orques, comme l'attestent les fragments de squelettes trouvés dans des gisements mésolithiques et néolithiques de l'Europe du Nord, ainsi que des gravures sur pierre.

Les premières figurations par des naturalistes de la morphologie externe de l'orque, comme celle de Pierre Belon au xvie siècle, sont encore très grossières. Elles deviennent plus fidèles aux xviiie et xixe siècles, mais il faudra attendre le xxe siècle pour trouver des représentations exactes de l'animal.

Au Moyen Âge, l'espèce fréquente couramment, en compagnie des baleines, les côtes du golfe de Gascogne. C'est de cette époque que date son appellation française la plus ancienne : épaulard (nom masculin).

Quelques auteurs ont cru pouvoir assimiler l'épaulard à l'orca des Anciens : mais l'animal mentionné, par Pline notamment, sous le nom d'orca (« une » orque) désigne un cétacé indéterminé qui pourrait être tout aussi bien un cachalot qu'un épaulard. Comme le fait remarquer Georges Cuvier dès le xviiie siècle, l'animal qui est couramment désigné en français sous le nom d'orque chez les auteurs anciens est plus vraisemblablement celui que les Latins appelaient aries marinus, ce nom de « bélier marin » faisant semble-t-il référence à la tache blanche située à l'arrière de l'œil et qui figure une sorte de corne.

Enfin, le nom scientifique s'appliquant à l'épaulard, choisi par Linné en 1758, est Delphinus orca, littéralement « dauphin orque ».

À la poursuite de l'orque : du chasseur au touriste

Au xxe siècle, l'Antarctique, les eaux norvégiennes (dans l'Atlantique Nord) et celles du Japon (dans le Pacifique Nord), sont les principales zones de chasse à l'orque. Entre 1935 et 1980, 6 000 individus sont ainsi capturés. Cette chasse à petite échelle, qui profite surtout aux populations humaines habitant dans ces régions, est pratiquée non tant pour la chair de l'animal – impropre à la consommation humaine et qui est transformée en aliments pour animaux –, que pour l'huile qu'il peut fournir (près d'une tonne pour un animal adulte) et pour sa peau. Le derme très épais, qui renferme un solide réseau de collagène, est alors employé pour la fabrication de semelles de chaussures ! En 1981, la Commission baleinière internationale, faisant valoir que l'on ne connaît pas l'importance exacte des populations exploitées, notamment dans l'Atlantique, interdit sa chasse.

Mais les industries d'huile ou de chaussures n'étaient pas les seules causes de la chasse à l'orque. Les pêcheurs japonais, islandais et norvégiens notamment, inquiets des prélèvements effectués par l'animal sur leurs stocks de poissons (saumons et harengs principalement) et des dommages qu'il causait aux engins de pêche, ont fait pression pour réduire ses effectifs. Le bien-fondé de leurs plaintes est difficile à évaluer : les données sur les dégâts occasionnés comme celles sur l'importance numérique des populations d'orques sont peu fiables. Dans le Pacifique du Nord-Est, on a estimé que les poissons prélevés par les orques ne représenteraient que 7 % environ de la totalité des produits pêchés, ce qui est fort modeste. En revanche, au large des côtes norvégiennes, certaines évaluations chiffrent à 48 000 tonnes la consommation annuelle de harengs par les orques, ce qui représente un pourcentage très élevé du stock de frai de ce poisson. Il ne faut toutefois pas oublier que la surpêche, dont seul l'homme est responsable, a déjà considérablement réduit ce stock.

Parallèlement, à partir de 1962, des orques ont commencé à être capturés vivantes pour les besoins des delphinariums. Prélevées jusqu'en 1976 dans le détroit de Puget, en Colombie-Britannique (Canada) – où, depuis l'arrêt de ces captures ainsi que de la chasse, les effectifs d'orques ont remonté –, elles ont ensuite été capturées dans les eaux islandaises. Dans cette seconde zone, les prises se font surtout en octobre-novembre, à la saison du hareng. Les pêcheurs profitent, en effet, de ce moment pour cerner le groupe occupé à se nourrir et l'entourent de grandes sennes coulissantes. Pour faciliter l'expédition des animaux, ils ne conservent que les jeunes de moins de deux ans dont la taille ne dépasse pas 3 ou 4 mètres. Tous les animaux exportés dans les delphinariums sont donc immatures, ce qui facilite certainement leur dressage et explique leur totale absence d'agressivité. Certaines des orques détenues par les delphinariums sont nées en captivité.

Le commerce des orques est toutefois règlementé ; l'espèce est inscrite à l'Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) depuis 1979. En France, elle est strictement protégée depuis 1995 : utilisation, transport, commerce, naturalisation sont interdits ; font exception à la règle les individus nés en captivité ou introduits sur le territoire en conformité avec la législation en vigueur.

Le phénomène des échouages en masse

Le problème des échouages de cétacés soulève encore bien des questions. Ce que l'on appelle les échouages « en masse » concerne l'échouage d'au moins deux animaux vivants (sauf s'il s'agit d'une mère et de son petit). Cette définition exclut tous les animaux morts en mer et portés sur la côte par les courants, même si leur nombre est important.

Les échouages en masse sont souvent le fait d'espèces de haute mer (orque, fausse orque, globicéphales, etc.). Ce phénomène, qui est souvent rapporté avec plus ou moins de bonheur dans les médias et qui frappe l'esprit du grand public, survient chaque année en divers points du monde. Trois théories ont été avancées pour en expliquer les causes.

Dans les années 1960, après avoir analysé les circonstances d'une centaine d'échouages en masse dans le monde entier, un biologiste hollandais, Dudok van Heel, a constaté qu'ils se produisaient sur des types de côtes bien particuliers : des grèves sableuses ou vaseuses en pente douce, ou des côtes rocheuses précédées de hauts-fonds plats. Lors de ses recherches sur le sonar, il a également observé que ces fonds renvoient mal les échos, ce qui lui a permis de proposer une reconstitution vraisemblable des événements à l'origine d'un échouage collectif. À la poursuite d'un banc de poissons, des dauphins, qui vivent habituellement dans des eaux profondes, s'engagent dans la zone côtière. Pour détecter avec précision ses proies, chaque animal émet des ondes acoustiques à haute fréquence, dont il réceptionne et analyse les échos ; il n'utilise guère les ondes à basse fréquence, qui lui servent habituellement à explorer son environnement (ou n'y prête pas attention). Distraits par l'ardeur de la chasse, les animaux parviennent sur un haut-fond ou sur une pente sablonneuse faiblement inclinée. Dans ces eaux peu profondes, les échos renvoyés par le fond sont à peu près les mêmes, quelle que soit la direction prise. Désorientés, les dauphins peuvent alors être saisis de panique et se ruer tous dans la même direction : celle de la pleine mer ou celle de la côte, ce qui, dans ce cas, provoque l'échouage en masse. L'instinct grégaire explique que des animaux remis à flot reviennent intentionnellement s'échouer ; pour que le sauvetage soit couronné de succès, il faut en effet remettre à l'eau simultanément un certain nombre de dauphins.

Le zoologiste canadien Sergeant a proposé une autre interprétation en se plaçant dans une perspective démographique. Se fondant sur des exemples précis, il a constaté que ces échouages concernaient les espèces les plus sociables et se produisaient lorsque les populations atteignaient une forte densité démographique. Certaines espèces de cétacés pratiquent en effet une sorte de régulation des naissances. Chez les orcinés, cette pratique, peu développée, pourrait être remplacée par l'échouage collectif, sorte de mortalité sociale. Mais il faudrait mettre en évidence les facteurs psychologiques qui conduiraient les animaux à agir de la sorte. Sergeant suggère que le stress joue un rôle non négligeable, car les dauphins arrivant à la côte sont souvent passifs, comme prostrés.

Peu satisfaite de ces théories précédemment émises, la cétologue britannique Margaret Klinovska a postulé, dans les années 1980, l'existence d'un sens magnétique chez les cétacés, qui leur permettrait de détecter les variations du champ magnétique terrestre. On sait, en effet, que ce champ n'est pas uniforme et, de la même façon que l'on peut tracer sur une carte des courbes de niveaux pour mettre en évidence le relief, on peut y reporter des courbes isomagnétiques décrivant la configuration géomagnétique qui servirait aux cétacés à se repérer dans les océans. En étudiant la répartition des échouages des animaux vivant près des côtes britanniques, Klinovska a découvert que les lieux d'échouage sont tous situés dans des zones où les courbes isomagnétiques sont perpendiculaires à la ligne du rivage. Son hypothèse est que, les animaux se déplaçant parallèlement à ces courbes, les échouages en masse seraient accidentels, après un brouillage momentané des repères magnétiques utilisés pour l'orientation. Cela expliquerait le véritable état de choc présenté par les cétacés échoués.

Contrairement à la carte topographique, la carte magnétique n'est pas stable : outre les variations quotidiennes, plus ou moins régulières, un peu comparables au phénomène des marées, des tempêtes magnétiques perturbent la « topographie » magnétique. Ce dérèglement, s'il se produit quand ces animaux de haute mer s'approchent de la zone côtière, peut les désorienter et les amener à se jeter sur la côte. Mais il paraît probable que, dans la majorité des cas, les cétacés évitent l'accident, parfois au dernier moment, les échouages d'animaux vivants restant relativement rares.

Toutes ces théories n'envisagent qu'une seule explication à un phénomène qui peut survenir dans des circonstances très diverses. La théorie « démographique » de Sergeant paraît très critiquable sur un point fondamental : il ne semble pas surprenant qu'une population d'animaux en pleine expansion fournisse un nombre plus important d'animaux échoués. Quant aux explications de Klinovska, elles sont fondées sur une hypothèse qui suppose l'existence d'un sens magnétique dont les supports anatomiques chez l'orque restent à découvrir. Bien qu'étant la plus ancienne, la théorie de Dudok van Heel demeure la plus vraisemblable : fondée sur le fonctionnement de l'écholocation et sur des faits d'observations, elle permet de rendre compte d'un bon nombre d'échouages, même si elle ne les explique pas tous.

Bruit et pollution menacent les orques

Aujourd'hui, mieux aimées et mieux connues de l'homme, les populations d'orques ne semblent pas menacées. Cependant, ce nouvel intérêt et cette popularité acquise auprès du grand public constituent paradoxalement une menace pour ces animaux. Une véritable industrie touristique (whale watching) s'est développée à leurs dépens. Dans certaines zones d'Amérique du Nord, leur domaine est maintenant sillonné par de nombreux bateaux qui, souvent, portent atteinte à leur tranquillité.

Dans le détroit de Puget, en particulier dans sa partie méridionale, le trafic maritime a considérablement augmenté et l'habitat de l'orque subit de ce fait des nuisances acoustiques croissantes. Or, on l'a vu, l'audition est le sens dominant chez les cétacés. L'écholocation leur est indispensable, tout comme les signaux acoustiques qu'ils émettent. Il existe vraisemblablement chez les cétacés un seuil au-delà duquel l'organisme ne s'accommode plus des bruits de l'environnement. Des troubles peuvent alors apparaître qui, chez l'orque, pourraient altérer grandement les capacités de survie et le comportement social. Le trafic maritime et les bruits qu'il engendre constituent donc une sérieuse menace dont il importe d'évaluer les nuisances par un suivi de la population.

Par ailleurs, la surpêche industrielle diminue les stocks de poissons (saumon notamment) dont les orques résidentes se nourrissent.

Enfin, une pollution chimique notable affecte cette même région. Un certain nombre de poissons pêchés dans les eaux de l'État de Washington présentent des affections pathologiques graves (tumeurs, ulcérations) et des produits chimiques toxiques ont été trouvés dans leurs organes. Le saumon, principale nourriture de l'orque dans le détroit de Puget, renferme dans ses tissus du mercure, du plomb, de l'arsenic. De hautes teneurs en divers polluants ont été mises en évidence dans les tissus des orques elles-mêmes : produits organochlorés (DDE [VP3] notamment), PCB (polychlorobiphényles) et métaux lourds (mercure en particulier). L'effet de ces polluants sur l'organisme des cétacés est difficile à évaluer. Il est toutefois probable qu'ils diminuent les défenses immunitaires des animaux et perturbent leur système endocrinien et la fonction de reproduction.

Cette situation n'est malheureusement pas localisée géographiquement. Des analyses ont mis en évidence des polluants dans les tissus d'orques dans d'autres régions du monde, comme l'Antarctique. Elles montrent que ces produits se sont répandus dans tous les océans, même dans des zones reculées que l'on a longtemps crues à l'abri de toute pollution.

Une étude (publiée en 2007) menée dans le Pacifique Nord-Est a toutefois montré que la concentration, dans les tissus de l'orque, en polluants dont l'utilisation a été interdite décroît avec le temps. Mais les auteurs de cette étude, avec d'autres, craignent que ces substances se maintiennent dans les populations d'orques pendant plusieurs décennies encore avant de disparaître.