George Enesco ou George Enescu

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur, violoniste, pianiste et chef d'orchestre roumain (Liveni-Vîrnav, près de Dorohoi, 1881 – Paris 1955).

Il fit de 1888 à 1894 des études au conservatoire de la Société des amis de la musique de Vienne, notamment avec J. Hellmesberger (musique de chambre) et J. Hellmesberger Jr (violon) ; ce dernier lui fit rencontrer Brahms. En 1894, Enesco composa ses premières œuvres : une Introduction et une Ballade pour piano. Il se rendit à Paris et y fut au Conservatoire, de 1895 à 1899, l'élève de Marsick et White (violon), Ambroise Thomas et Théodore Dubois (harmonie), Gédalge (contrepoint), Massenet et Fauré (composition). Il trouva dans la capitale française un milieu artistique et intellectuel qui stimula ses facultés. La princesse Bibesco l'introduisit dans les cercles musicaux, le présenta à Saint-Saëns, ainsi qu'à Édouard Colonne qui dirigea en 1898 la première audition du Poème roumain. La même année, Enesco créa aux côtés de Cortot sa 1re Sonate pour violon et piano. En 1900, il se produisit pour la première fois comme violoniste aux concerts Colonne : ce fut le début d'une grande carrière de soliste, comprenant notamment des tournées aux États-Unis à partir de 1923, carrière qui n'interrompit pas son activité de compositeur, dont une des dates essentielles est 1931 ; cette année vit l'achèvement de l'opéra Œdipe, œuvre qui avait préoccupé Enesco pendant trente ans et devait être créée à l'Opéra en 1936. En 1937, il épousa la princesse Cantacuzène. Après la Seconde Guerre mondiale, il participa à Bucarest à une exécution de l'intégrale des Quatuors de Beethoven et travailla à ses dernières œuvres : le 2e Quatuor à cordes (1950-1953), la Symphonie de chambre pour 12 instruments solistes (1954) et le poème symphonique Vox maris (1950).

Enesco fut un musicien complet, aux dons riches et multiples, et un éminent professeur de violon, qui eut notamment pour élève Yehudi Menuhin. Son auréole d'interprète a trop souvent fait oublier la profonde originalité de ses compositions. Dans celles-ci, il s'inspira du folklore de son pays, mais son évolution tendit vers une utilisation de plus en plus sublimée de celui-ci. Le folklore assume encore un rôle pittoresque dans les deux Rhapsodies roumaines (1901). Mais déjà vers la même époque, il est mieux maîtrisé dans la 1re Symphonie (1905), qui utilise le langage polyphonique de la fin du xixe siècle, notamment celui de Brahms, avec une parfaite domination mais sans académisme, dans la 2e Sonate pour violon et piano (1899), l'Octuor (1900), le Dixtuor (1906), qui font une synthèse originale entre une inspiration nourrie des grandes traditions classiques et romantiques et un chant puisant aux sources populaires. Mais c'est dans la 3e Sonate pour violon et piano « dans le caractère populaire roumain » (1926) que le génie d'Enesco éclate vraiment : ici le folklore est transcendé, le chant du violon jaillit, entièrement inventé et comme improvisé librement, plus brûlant encore que chez ces « lăutari » qui ont bercé l'enfance du compositeur.

Dans cette assimilation « organique » du folklore, Enesco, tout en retrouvant le chant profond de sa race, utilise une écriture audacieuse, avec des recherches de timbres qui évoquent Schönberg et Webern et des quarts de ton que l'on retrouve dans Œdipe. Dans cet opéra puissant et généreux, un riche matériau musical traduit la grandeur du mythe grec et sa force tragique. La noble figure d'Œdipe acquiert ici une dimension universelle et une profonde signification humaine, symbolisant le pathétique combat de l'homme contre le Destin. C'est la clef de voûte de l'œuvre d'Enesco. Les dernières œuvres comme le 2e Quatuor à cordes et la Symphonie de chambre utilisent une construction chère au compositeur : une forme cyclique où les idées musicales se perpétuent d'un mouvement à l'autre, se métamorphosent progressivement, et ne se développent complètement qu'à la fin de l'œuvre tout entière, réalisant ainsi l'intégration des mouvements dans une unité morphologique supérieure.