matière de Bretagne et romans bretons

On donne le nom de « matière de Bretagne » à un ensemble de légendes et de chansons, diffusées à l'origine par des jongleurs gallois et armoricains, et qui alimentèrent, entre 1150 et 1250 environ, un certain nombre de romans appelés romans bretons.

Cette matière se caractérise par la présence de thèmes merveilleux qui trahissent un fond païen et un mysticisme proprement celtique.

La matière de Bretagne connut une fortune littéraire considérable après la publication en français de l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, qui rendit populaires, avant 1150, des personnages comme le roi Arthur et Merlin l'Enchanteur. Les romans bretons font, avec les romans antiques (la « matière de Rome »), partie d'un ensemble qui se distingue de la chanson de geste (la « matière de France ») par l'emploi de l'octosyllabe à rimes plates, puis de la prose, et par une inspiration qui cesse d'être nationale.

Les cycles

On compte trois grands cycles de romans bretons.

Le premier comprend les lais, inspirés par le répertoire des jongleurs bretons, notamment les lais de Marie de France, écrits vers 1175. À ce premier cycle, consacré à l'amour, se rattachent également tous les romans inspirés par le personnage de Tristan, d'où son nom de cycle Tristan.

Le deuxième cycle a pour figure centrale Arthur ou Artus, roi légendaire de Bretagne, entouré de sa cour de chevaliers : c'est le cycle de la Table ronde, centré sur la notion d'« aventures », de prouesses chevaleresques. Le Roman de Brut (1155) de Wace est le premier roman à présenter les personnages et le décor féerique de ce cycle. Mais c'est Chrétien de Troyes qui a rendu célèbre la matière de Bretagne avec des récits qui seront imités dans toute l'Europe : Érec et Énide (v. 1162), Cligès (v. 1164), Yvain ou le Chevalier au Lion (v. 1170) et surtout Lancelot ou le Chevalier à la Charrette (v. 1168, terminé par Godefroy de Lagny). Toutes les aventures des chevaliers, dont Lancelot est le type (son dévouement à sa dame, femme du roi Arthur, étant absolu), sont placées sous le signe de l'amour courtois. On sent ici l'influence des troubadours, bien que la description des aventures garde, par rapport au cycle Tristan, une place prédominante. On peut distinguer les romans biographiques, où les prouesses du héros sont décrites totalement entre sa première apparition à la cour et son retour final, et les romans épisodiques, généralement plus brefs, ne racontant qu'un épisode mais en y mêlant plusieurs aventures. À la première catégorie, qui se caractérise par la complication de l'intrigue et le souci de la forme, appartiennent le Guinglain de Renaud de Baujeu, Méraugis de Portleguez de Raoul de Houdenc (avant 1228), Beaudous de Robert de Blois (v. 1250) ; à la seconde, la Vengeance Raguidel de Raoul de Houdenc.

Le cycle du Graal, enfin, s'ouvre sur l'énorme poème de Perceval (63 000 vers), commencé par Chrétien de Troyes vers 1182. Il se distingue du précédent cycle par une inspiration nettement mystique. Il ne s'agit plus ici d'aventures et d'amour courtois, mais de quête et d'amour divin. Dans la suite du Perceval, composée par plusieurs auteurs, dont Wauchier de Denain, cette tendance mystique ira en s'accentuant : on y apprend la nature du Graal, vase sacré où fut recueilli le sang du Christ et qui va faire l'objet d'une interminable quête pour les chevaliers de la Table ronde. Dans le Roman du Saint-Graal de Robert de Boron et la vulgate du Lancelot en prose, composée vers 1225, le thème central est celui de la pureté. Ni Perceval ni Lancelot, malgré leur bravoure, ne peuvent mener la Quête à son terme. Seul Galaad, fils de Lancelot, grâce à sa chasteté, parviendra à voir le Graal avant de mourir. Le cycle du Graal s'achève, dans la Mort du roi Arthur (1230-1235), sur la destruction de la Table ronde, avec la mort du roi et des principaux chevaliers.