la Régence

Philippe II, duc d'Orléans
Philippe II, duc d'Orléans

Période correspondant à la minorité de Louis XV (1715-1723) et durant laquelle Philippe II, duc d'Orléans (le Régent), exerça le pouvoir, après cassation par le parlement du testament de Louis XIV, qui entendait limiter son pouvoir.

1. Contre l'esprit du « Grand Siècle »

La Régence est une période de réaction contre le règne de Louis XIV : elle libère les idées et les mœurs, révolutionne le système de gouvernement et les finances, prend le contre-pied de la politique religieuse de Louis XIV et renverse les alliances politiques.

1.1. L'établissement de la Régence (1715-1720)

Revanche de la noblesse

Dès la mort de Louis XIV (1er septembre 1715) s'installe une forte réaction nobiliaire. Réduite au silence par le feu roi, la noblesse de robe prend sa revanche : le 2 septembre 1715, le parlement casse le testament de Louis XIV, qui limitait le pouvoir de son neveu le duc d'Orléans à la présidence d'un Conseil de régence, et confère au duc la plénitude du pouvoir, évinçant ainsi le duc du Maine (fils aîné de Louis XIV), auquel le testament confiait le commandement de la maison militaire et la surintendance de l'éducation de Louis XV, alors âgé de cinq ans.

En outre, en échange de l'abolition du testament, le parlement se fait restituer par le Régent son droit de remontrances (15 septembre) et donc son pouvoir de contrôle politique que Louis XIV avait aboli. Dès 1718, la robe usera de son droit pour s'opposer aux édits de finances.

Gouvernement par conseils

La haute noblesse prend aussi sa revanche sur le précédent règne, qui l'avait écartée du gouvernement au profit de la bourgeoisie. Circonvenu par son entourage (notamment le duc de Saint-Simon), le Régent lui rend le pouvoir : le 15 septembre 1715, il instaure un nouveau système de gouvernement, la polysynodie, dans lequel les ministres et secrétaires d'État sont remplacés par huit conseils dominés par des grands seigneurs (les ducs d'Antin, de Noailles, de La Force, le marquis d'Huxelles, etc.).

Fermeté envers les jansénistes

Le Conseil de conscience, que le Régent a ouvert au cardinal de Noailles et aux jansénistes par réaction contre la politique de Louis XIV, entre en conflit avec la majorité des évêques, partisans de la bulle Unigenitus.

2.2. L'expérience de Law

Mais, bien que le Conseil du dedans ait le mérite d'organiser le corps des Ponts et Chaussées (1715), ce gouvernement aristocratique se déconsidère vite par ses querelles de personnes et de préséance, et par l'incompétence de ses membres. Ainsi, le Conseil de finance ne réalise aucune réforme du système fiscal et recourt aux expédients traditionnels (Chambre de justice contre les traitants, 1716-1717 ; refonte des monnaies ; réduction de rentes ; suppression d'offices, etc.) qui ne parviennent pas à assainir la situation désastreuse laissée par Louis XIV (une dette de 2 milliards et demi de livres, les recettes de 1716-1717 absorbées par anticipation).

Devant l'incapacité de la noblesse, le Régent, poussé par l'abbé Dubois, supprime les conseils et restaure les secrétariats d'État à partir de 1718.

La crise financière se révèle alors dans toute son ampleur. Refusant la banqueroute que lui conseille Saint-Simon, le Régent se laisse séduire par les idées audacieuses de Law et expérimente son « système » révolutionnaire. Pour pallier la famine monétaire, Law lui offre de créer une banque qui émettrait du papier monnaie, d'une circulation aisée, et se substituerait à l'État pour éteindre la dette publique. La banque privée qu'il fonde en 1716 est déclarée Banque royale (1718), puis associée (1720) à la Compagnie des Indes (créée en 1719), qui contrôle toute la fiscalité royale et les activités commerciales du royaume.

Le succès est immédiat et vif : rue Quincampoix, la foule s'arrache à prix d'or les actions de la Compagnie. Mais la modicité des dividendes distribués provoque la panique et l'effondrement du système (1720), que favorisent la finance traditionnelle (tels les frères Pâris), les fermiers et receveurs généraux dépossédés et des nobles inquiets des projets de Law, qui envisage de créer un impôt foncier unique sur le revenu des terres.

L'expérience de Law provoque un bouleversement social et une profonde crise morale. Son échec retardera, en France, l'accoutumance au crédit et au papier-monnaie. Mais, dans l'immédiat, le système a allégé la dette publique, donné une vive impulsion au commerce maritime, favorisé l'essor des ports atlantiques (→ Lorient, Nantes, Bordeaux) et suscité le développement de la Louisiane, où a été fondée La Nouvelle-Orléans (1718).

2.3. L'alliance franco-anglaise contre l'Espagne

À l'extérieur, la Régence rompt aussi avec la ligne politique de Louis XIV, qui avait songé, au lendemain des traités d'Utrecht, à se rapprocher des Habsbourg afin de faire pièce à l'Angleterre. Pour se garantir contre les prétentions de Philippe V d'Espagne à la couronne de France, le Régent se rapproche de George Ier d'Angleterre, menacé lui-même par le Prétendant, Jacques Édouard Stuart.

Œuvre de l'abbé Dubois, la Triple-Alliance (1717) unit la France, l'Angleterre et les Provinces-Unies contre l'Espagne, et se transforme en Quadruple-Alliance (1718) avec l'accession de l'Autriche.

En représailles, Philippe V fomente avec le duc et la duchesse du Maine la conspiration de Cellamare (1718) contre le Régent et soutient une révolte en Bretagne (1719). Mais une petite guerre démonstrative, conduite avec succès par le maréchal de Berwick (prise de Saint-Sébastien et d'Urgel, août-octobre 1719), contraint Philippe V à traiter et à adhérer à la Quadruple-Alliance (1720).

4.1. Hardiesse, gaieté, fantaisie

Symbole d'un nouveau régime, la Cour quitte Versailles et s'installe au Palais-Royal, à Paris (1715).

À l'austérité et à la dévotion affectée de la « vieille cour » du Roi-Soleil, elle fait succéder la gaieté et la licence. Dans les salons où se côtoient nobles et roturiers, on se met à « philosopher », c'est-à-dire à « rendre à la raison toute sa dignité » et à « secouer le joug de la tradition et de l'autorité ». Chez la marquise de Lambert, chez la duchesse du Maine et chez le duc de Sully trônent Montesquieu, Marivaux, Voltaire, le président Hénault, Fontenelle, Mme Dacier, Houdar de La Motte.

Amorcée à la fin du règne de Louis XIV, la transformation des arts se précipite durant la période qui abandonne le « grand goût » en faveur de la fantaisie (→ style Régence). Le Régent donne l'exemple au Palais-Royal d'une vie joyeuse et licencieuse, s'oppose au despotisme du Roi-Soleil, tente des réformes et des expériences audacieuses qui séduisent une société avide de « nouveautés ». Mais l'échec de ses innovations le contraindra à revenir à la politique traditionnelle.

2. Retour à la politique de Louis XIV (1720-1723)

À partir de 1720, la Régence revient à la politique de Louis XIV, à l'intérieur comme à l'extérieur.

2.1. L'influence de Dubois

Ce revirement, symbolisé par le retour de la Cour à Versailles (1722), est lié à l'influence grandissante de l'abbé Dubois. Secrétaire d'État aux Affaires étrangères depuis 1718, Dubois devient cardinal (1721) et Premier ministre (1722) à l'instar de Richelieu et de Mazarin. Sur ses conseils, le Régent revient définitivement au « despotisme ministériel » de Louis XIV (rétablissement du Contrôle général, 1720 ; liquidation de l'expérience de la polysynodie, 1722-1723), se rapproche des jésuites et reprend la persécution des jansénistes : la déclaration royale du 4 août 1720 impose la bulle Unigenitus comme loi du royaume et, le 4 décembre, le parlement est contraint de l'enregistrer.

3.2. Retour au colbertisme

Après la chute de Law, le Régent use de procédés colbertistes pour liquider le système : par l'opération du visa, les frères Pâris procèdent à une banqueroute partielle, qui ruine des milliers de familles; par une autre spoliation, la Compagnie des Indes doit aussi faire banqueroute (→ colbertisme).

3.3. Rétablissement de l'union avec l'Espagne et mort du Régent

À l'extérieur, tout en maintenant son accord avec l'Angleterre, le Régent retourne à l'union avec l'Espagne, que scellent, en 1721, la signature d'un traité d'alliance défensive avec Philippe V et le projet de mariage de Louis XV avec l'infante Marie-Anne Victoire, alors âgée de trois ans.

Le 16 février 1723, Louis XV est proclamé majeur ; le Régent remet ses pouvoirs au roi, qui supprime le Conseil de régence et rétablit le Conseil d'en haut. Le duc d'Orléans mourra quelques mois plus tard (2 décembre 1723).

4. Bilan

Certains historiens n'ont vu dans la Régence que sa face frivole ou licencieuse et dans le duc d'Orléans qu'un « hédoniste cynique » qui a ruiné l'œuvre de Louis XIV par sa politique de réaction et ses expériences aventureuses. Certes, le Régent a remis la monarchie sous la tutelle du droit de remontrances du parlement, qui s'opposera aux réformes les plus utiles durant tout le xviiie siècle. Mais il a conservé l'essentiel de son héritage : le sens de l'État et le renforcement de l'unité française. Il a su éviter les troubles des précédentes régences et maintenir la paix de l'Europe grâce à son alliance anglaise. Par le système de Law, il a contribué à la prospérité de la France au xviiie siècle. Et les idées et les mœurs qu'il a débridées iront vers un idéal de liberté.

Pour en savoir plus, voir l'article histoire de la France.