Israël : le retour des travaillistes

Après une campagne qui s'est prolongée durant près d'un an et le désistement en dernière minute des trois autres candidats, l'Arabe Azmi Bichara, le centriste Yitzhak Mordechaï, et l'ultranationaliste Benny Begin, l'ancien Premier ministre Benyamin Netanyahou se retrouve seul en lice face à son principal rival, le travailliste Ehoud Barak. Élu à une forte majorité, Barak sera l'homme de tête de plusieurs chantiers de travail dont le plus important est la relance du processus de paix.

Le 17 mai, 4 285 428 Israéliens sont appelés à voter, le même jour, pour renouveler leur représentation au Parlement et désigner le Premier ministre. En effet, depuis le scrutin de 1996, l'élection à la proportionnelle des 120 députés de la Knesset (Parlement) se déroule en même temps que celle du Premier ministre élu au scrutin majoritaire pour un mandat de quatre ans. Ce changement de scrutin (choix de la proportionnelle pour le Parlement), mode qui avait pour but de réduire l'émiettement des votes, n'a pas porté ses fruits : désormais, 33 listes s'affrontent à la Knesset, un record historique.

Ehoud Barak, un héritier de Yitzhak Rabin

Alors qu'au lendemain de la victoire de E. Barak les gens se croisent dans les rues de Tel-Aviv en se souhaitant « bonne fête », pour Benyamin Netanyahou, c'est la défaite. « Bibi le menteur » avait fini par se faire une réputation d'homme dangereux, d'ennemi à abattre.

L'ancien Premier ministre, lâché par les membres de son parti, décide de jeter l'éponge. Les résultats connus, il annonce son intention de quitter la tête du Likoud, parti qu'il a largement contribué à diviser. Avec seulement 18 sièges (contre 32 dans la Knesset sortante), le parti réalise son plus mauvais score depuis vingt-cinq ans.

Les travaillistes au contraire rayonnent de leur victoire. Leur héros, Ehoud Barak, est élu à une large majorité (plus de 57 % des suffrages) et leur liste « Israël uni » se maintient avec 33 députés. À cinquante-sept ans, le nouveau Premier ministre n'est pas un « vieux » de la politique. Plutôt connu pour ses hauts faits d'armes dans les « commandos du chef d'état-major », cet ancien barbouze était l'un des militaires les plus décorés d'Israël à la fin de sa carrière. Il fut tout de même ministre de l'Intérieur de Rabin et effectua un bref mandat de chef de la diplomatie de Shimon Peres. À la tête du Parti travailliste depuis 1996, il lui trouvera un nouveau nom, moins effrayant pour nombre d'électeurs, comme les « russes » : « One Israël ». Son slogan résume en quelques mots la filiation qu'il revendique : « Jérusalem, Yitzhak Rabin l'a libérée, Ehoud Barak va la préserver. »

Une campagne active

Durant la campagne, il n'a négligé aucun sujet – économie et chômage, sécurité, processus de paix – et aucune mouvance, tendant la main aux « russes », aux laïcs ou encore aux ultraorthodoxes. Au lendemain de l'élection, les premières négociations s'organisent pour mettre en place une coalition élargie. Au bout de quinze jours, il reçoit l'appui de 75 députés sur 120. Il a pour cela passé des accords clés avec les centristes et le mouvement ultrareligieux Shas. Alliance large, oui, mais risques de blocage également. Du scrutin, il est ressorti que les Israéliens se sont en majorité proclamés contre l'idéologie de la droite extrémiste et que la société est désormais coupée en deux : partisans de l'État de droit contre défenseurs de la Halacha (Loi religieuse). Au moment d'organiser son gouvernement, il garde la mainmise sur la Défense et distribue les postes clés à ses principaux soutiens, comme Avraham Shohat aux Finances ou le transfuge du Likoud, David Lévy, à la tête de la diplomatie, écorchant ainsi pour la première fois les susceptibilités chez les travaillistes et offrant aux adversaires politiques l'occasion de parler de cabinet de « béni-oui-oui ».

La relance du processus de paix, un des enjeux majeurs

Dès l'annonce de l'élection d'Ehoud Barak, l'espoir d'une relance du processus de paix renaît. Yasser Arafat, satisfait, appelle de ses vœux cette relance, Bill Clinton se dit prêt à aider le nouveau Premier ministre dans la mise en œuvre de l'accord de Wye Plantation, et Hafez el-Assad estime que l'arrivée de E. Barak ouvre « une occasion claire d'efforts constructifs vers une paix complète et juste dans la région ». Espérant se poser en parrain de la réconciliation israélo-arabe avant la fin de son mandat en janvier 2001, le président américain n'est pas sans se réjouir de la chute de Netanyahou, responsable selon lui du sabordage de la paix et qu'il refusait depuis un temps de recevoir à la Maison-Blanche. Le soir de l'élection, les premiers mots de Barak avaient d'ailleurs été pour son maître Rabin et pour la paix : « Nous atteindrons la paix, non par la faiblesse mais par la force et en nous sentant en sécurité. »