Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Les pays de l'Europe centrale aux portes de l'Europe

Les anciens pays communistes de l'Europe centrale (Pologne, Hongrie et République tchèque) qui, depuis la chute du mur de Berlin, ont poursuivi des « transitions » économiques et politiques inédites et courageuses ont vu enfin leurs efforts récompensés. Le sommet de l'OTAN à Madrid, en juillet, et le sommet de l'Union européenne à Amsterdam, en septembre, ont définitivement tranché la question de leur intégration au sein de ces deux organismes (symboles à l'Est de stabilité et de prospérité). Les négociations devront toutefois prendre en compte les ambitions et les susceptibilités de tous les autres pays candidats de la région qui n'ont pas été sélectionnés. Elles s'annoncent difficiles et délicates. Un élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN à tous ces pays apparaît en effet inconcevable sans d'importantes réformes internes de ces deux organismes.

Pour les pays d'Europe centrale, coincés depuis des siècles entre deux puissances (l'Allemagne et la Russie), les problèmes de sécurité ont toujours représenté un enjeu majeur. D'où leur insistance pour intégrer le plus rapidement possible les structures de l'Alliance atlantique, position souvent mal comprise par les pays de l'Europe occidentale.

Malgré l'opposition de certains pays (en particulier de la France), les États-Unis ont finalement réussi à imposer leur position. Le choix des pays faisant partie de la première vague d'élargissement (la Pologne, la Hongrie et la République tchèque) ainsi que le calendrier précis de l'adhésion (le processus devant s'achever en 1999) ont été annoncés par les responsables américains bien avant le sommet de Madrid. Celui-ci n'a eu qu'à entériner ce choix ouvrant officiellement la voie aux négociations. Précédée par la signature à Paris, fin mai, de l'Acte fondamental Russie-OTAN (instaurant notamment un « Conseil conjoint permanent OTAN-Russie »), cette réunion a mis fin symboliquement à un demi-siècle de guerre froide. Pourtant, la question est loin d'être définitivement réglée. D'importants problèmes subsistent, en particulier le financement des coûts de l'élargissement et la redéfinition du rôle de l'OTAN en Europe. Par ailleurs, les résultats d'un éventuel référendum sur l'adhésion à l'OTAN en Hongrie et surtout en République tchèque restent largement incertains, l'opinion publique étant partagée sur cette question.

Dans l'antichambre de l'Union européenne

L'intégration au sein de l'Union européenne constitue une autre priorité pour les pays de l'Europe centrale. Après un premier « avis » de la Commission de Bruxelles en juillet, le sommet d'Amsterdam a décidé d'ouvrir, dès 1998, les négociations d'adhésion avec cinq pays de l'Europe de l'Est (la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovénie et l'Estonie) de même qu'avec Chypre. Le Conseil européen de décembre doit indiquer comment, concrètement, l'élargissement devra se réaliser. Bien que les Quinze considèrent cette question comme inéluctable, d'importantes divergences en leur sein persistent, chaque pays voulant éviter d'en faire les frais. Par ailleurs, afin de ne pas démotiver les pays ne faisant pas partie de la première vague d'élargissement, la France a proposé la mise en place d'une Conférence permanente rassemblant les Quinze et l'ensemble des pays candidats.

Dans l'attente d'une décision finale, tous les pays candidats s'efforcent de donner la meilleure image d'eux-mêmes afin de prouver qu'ils méritent d'être traités comme des pays « normaux » et dignes d'intégrer l'UE. Cela est particulièrement visible au niveau des relations entre les pays voisins. La Pologne a entrepris d'importants efforts pour « normaliser » ses relations avec ses voisins de l'Est : l'Ukraine et la Lituanie se présentant volontiers comme ses avocats auprès de Bruxelles. Le Premier ministre tchèque, Vaclav Klaus, a rencontré en octobre son homologue slovaque Vladimir Meciar, la dernière rencontre officielle entre les deux dirigeants ayant eu lieu en 1992. Au même moment, le Premier ministre hongrois, Gyula Horn, en visite en Roumanie, a tenu à rappeler que les relations entre les deux pays étaient exemplaires « tant sur le plan économique qu'en matière de protection des minorités ». Seules les relations entre la Slovaquie et la Hongrie posent encore quelques problèmes, les penchants autoritaires de Vladimir Meciar ne facilitant pas le dialogue.

Une alternance démocratique en Pologne

Parmi les pays faisant partie de la première vague d'élargissement de l'Union européenne, la Pologne fait figure de poids lourd, avec 62 % de la population, 57 % du PIB total (en parités de pouvoir d'achat) et 34 % des exportations vers l'UE (données de 1996). C'est pourquoi les élections parlementaires de septembre étaient particulièrement attendues. D'autant plus que le pays de Solidarnosc et de Lech Walesa (symboles de la lutte anticommuniste) était gouverné depuis 1993 par une coalition « postcommuniste » (formée par deux partis politiques, héritiers des partis au pouvoir avant 1989). La victoire d'un ancien apparatchik communiste, Aleksander Kwasniewski, aux élections présidentielles de 1995 n'avait fait que renforcer les anciens clivages historiques et la bipolarité de la scène politique. Les passions qui s'étaient exprimées au printemps, à l'occasion du débat et du référendum sur la nouvelle Constitution (adoptée finalement de justesse), laissaient craindre une possible déstabilisation de la situation.