vautour d'Égypte

Faisant figure d'original parmi ses cousins les vautours de l'Ancien Monde, le vautour d'Égypte, également appelé vautour percnoptère, s'en distingue par sa petite taille, son plumage bicolore, son cou emplumé et son bec fin. Depuis des millions d'années, ce petit vautour blanc et noir survole savanes, steppes et régions d'altitude, à la recherche des déchets dont il se nourrit.

Introduction

Tous les rapaces diurnes, de l'Ancien comme du Nouveau Monde, ont une même origine supposée. Dans l'état actuel des connaissances en matière de paléo-ornithologie, les chercheurs n'ont pas déterminé avec précision quel est l'ancêtre commun aux oiseaux de proie actuels, mais la parenté entre ceux-ci reste acquise. Les caractères génétiques, morphologiques (bec crochu pourvu d'un étui corné, serres), anatomiques (existence d'un jabot dans la partie supérieure du tube digestif), physiologiques et comportementaux en sont autant de preuves irréfutables.

Traditionnellement, ces rapaces étaient regroupés dans les falconiformes, réunissant aigles, faucons et vautours, et descendant d'un ancêtre aquatique existant à l'éocène (il y a entre 55 et 38 millions d'années). Puis les ancêtres des accipitridés se seraient séparés du tronc commun pour entamer une évolution propre. Dans le même temps, les ancêtres des vautours américains de la famille des cathartidés – condors et autres – auraient connu une évolution plus lente ; moins éloignés de leur origine, ce sont les plus anciens des rapaces encore existants. La distinction entre les trois autres familles de rapaces diurnes (accipitridés, sagittariidés [serpentaires] et falconidés) serait intervenue dans le courant de l'oligocène (il y a entre 38 et 24 millions d'années). La parenté, surprenante, entre cigognes (au sens large) et rapaces diurnes a été retenue par les chercheurs américains Charles Sibley et Burt Monroe. Au terme d'études portant sur l'observation de l'appareil génétique des espèces, les falconiformes ont été intégrés au sein de l'ordre des ciconiiformes. Celui-ci est devenu imposant par l'adjonction de sept autres ordres ne comprenant que des oiseaux aquatiques. Cette classification – qui n'a pas été unanimement reconnue – accréditait la thèse d'un ancêtre aquatique commun. Elle a toutefois été remise en cause et révisée récemment (Hackett Shannon J. et alii, « A Phylogenomic Study of Birds Reveals Their Evolutionary History » in  Science, 27 juin 2008, vol. 320, n° 5884, pp. 1763 - 1768). Les falconiformes (faucons, fauconnets et caracaras) ont été séparés dans un clade distinct des autres rapaces diurnes - vautour du Nouveau Monde (cathartidés), aigle, buse, balbuzard pêcheur (pandionidés) et vautour de l'Ancien Monde - et n'auraient aucun lien avec les ciconiidés.

Pour ce qui est des accipitridés, famille à laquelle appartient le vautour percnoptère, le genre le plus ancien serait Paleocircus. Il remonte à la fin de l'éocène, voici un peu plus de 38 millions d'années. Pour le genre Neophron, auquel appartient le vautour d'Égypte, il faut attendre le pléistocène (voici environ 2 millions d'années) pour en trouver des traces fossiles.

La vie du vautour d'Égypte

Un bec faible mais très efficace

Pour rechercher sa nourriture, le vautour d'Égypte n'hésite pas à parcourir des dizaines de kilomètres. Contrairement aux vautours de grande envergure, il n'est pas obligé de bénéficier des courants thermiques ascendants pour voler et peut ainsi se mettre en quête plus tôt dans la journée. Son envergure, plus petite, lui permet de compter sur le vol battu, qui demande aux autres vautours une importante dépense d'énergie. Cela ne signifie nullement que le vautour percnoptère n'utilise pas les courants thermiques. En fait, il peut recourir aux deux stratégies. Soit il use du vol à voile, embrassant alors du regard une large portion de terrain en volant haut, soit il opte pour l'exploration active à basse altitude permettant une recherche plus fine. En outre, c'est un guetteur statique, susceptible de rester perché de longues heures dans l'attente d'une occasion favorable. Enfin, il sait aussi se déplacer à terre, pourvu que la végétation ne soit pas trop importante.

Pas exclusivement charognard

Bien que le vautour percnoptère consomme avant tout cadavres et détritus, son régime alimentaire se caractérise par un éclectisme marqué. En cela, il se distingue de la plupart des autres vautours, dont les charognes constituent la principale, voire l'unique, nourriture.

Le bec relativement fin et peu robuste du vautour d'Égypte lui interdit de s'attaquer d'emblée aux grosses carcasses dont le cuir est trop résistant. Par ailleurs, les vautours d'une taille supérieure ne le laisseraient pas accéder au festin. Il doit donc attendre que les charognards mieux armés aient entamé leur repas pour pouvoir prélever sa part. Mais, alors que la faiblesse de son bec constitue un handicap dans la phase initiale, sa conformation particulière devient ensuite un avantage. Le vautour percnoptère est en effet seul, avec son proche cousin le néophron moine, ou vautour à capuchon, capable d'atteindre les parties les plus inaccessibles des carcasses, les lambeaux comestibles nichés entre les os dont l'espacement réduit interdit le passage de becs plus forts que le sien. Cette particularité explique que l'un ou l'autre de ces petits vautours soient les derniers rapaces charognards à exploiter un cadavre de grand mammifère.

Un oiseau opportuniste

Le vautour percnoptère fait preuve d'un grand opportunisme dans sa recherche de nourriture. L'aire de répartition de l'espèce étant étendue, il en résulte que la gamme des animaux consommés à l'état de cadavre est variée.

Parmi les mammifères figure une proportion non négligeable d'animaux écrasés sur les routes, chiens, chats, renards, lapins ou hérissons. Ce sont aussi, à l'occasion, des moutons, des chèvres et des chevreaux.

Toutes les espèces d'oiseaux sont virtuellement consommables. Les études menées mentionnent aussi bien des perdrix rouges que des corneilles noires ou encore, en Ouzbékistan, des martins roselins (passereaux de la famille des étourneaux), comme l'a constaté le Russe M. Serebrennikov. Les reptiles et les batraciens font aussi partie du menu : tortues, lézards, serpents (couleuvre de Montpellier, couleuvre à collier...), grenouilles, etc. Le vautour consomme également les insectes les plus divers : criquets, sauterelles et surtout les coléoptères qui pullulent sur les cadavres et les excréments, qu'affectionne aussi le percnoptère.

Morts ou vivants, qu'importe !

La plupart de ces animaux – à l'exception des insectes – sont consommés une fois morts. Néanmoins, il peut arriver que le vautour d'Égypte s'attaque à des sujets blessés, affaiblis, en général de taille modeste. Il apprécie aussi les œufs de différentes espèces, et a élaboré des moyens très originaux pour parvenir à en profiter. Les excréments sont volontiers consommés. Ceux d'origine humaine le sont très régulièrement, notamment dans les régions les plus peuplées de l'Inde, comme l'a observé l'Anglais H. Whistler. Enfin, partout où il le peut, le vautour d'Égypte glane les déchets de toutes sortes, y compris des végétaux et des fruits avariés. Cela le conduit à fréquenter les décharges à ciel ouvert.

Une manière peu commune de casser les œufs

L'utilisation d'objets assimilables à des « outils » est un phénomène extrêmement rare dans le monde animal, que l'on observe seulement chez certains mammifères et oiseaux. Moins de dix espèces d'oiseaux se servent, à l'aide du bec, d'un « objet-outil », le plus souvent pour se nourrir, comme le pinson de Darwin, qui utilise une épine pour déloger les insectes du bois mort.

Le vautour d'Égypte, lui, est passé maître dans l'art de se servir de cailloux, voire de pierres plus volumineuses pour casser de gros œufs. Ce comportement, relevé dès la deuxième moitié du xixe siècle par l'Anglais J.C. Wood, n'est toutefois pas propre à l'espèce ; ce n'est qu'un phénomène local observé chez certaines populations d'Afrique. D'après les études de J. Alcock et celles de Z. Veselovsky, ce comportement serait appris et non inné, les jeunes vautours d'Égypte imitant leurs aînés. Le caractère ponctuel de ce savoir-faire s'expliquerait par le sédentarisme de la plupart des percnoptères d'Afrique.

Les pierres et cailloux utilisés peuvent peser jusqu'à 1 kg. Le vautour saisit le caillou avec le bec, lève la tête pour augmenter la force du projectile puis projette ce dernier avec vigueur sur l'œuf convoité. La cible n'est pas toujours atteinte, mais, au bout de quelques impacts, la coquille finit par céder. Le moindre trou peut être visité grâce à l'étroitesse de leur bec. Lors d'une expérience réalisée avec un œuf factice, les percnoptères testés ont répété la même manœuvre durant une heure avant de déclarer forfait. Lorsque les œufs ne sont pas aussi gros que ceux des autruches, le vautour d'Égypte se contente de les projeter soit sur le sol, soit sur une pierre saillante, répétant le geste accompli pour lancer un caillou. C'est ainsi que les vautours percnoptères procèdent avec les œufs de pélicans, comme l'ont constaté L. Brown et E. Urban.

Des acrobaties aériennes pour séduire

Le vautour d'Égypte est monogame. Dès les premiers jours de mars, il commence à chercher une compagne. Ses parades aériennes comprennent des séries de piqués rapides suivis de remontées brutales. Il arrive aussi que l'un des oiseaux (probablement le mâle) pique sur le partenaire, qui se retourne alors en plein vol pour parer ce simulacre d'attaque en présentant ses serres.

Un nid vaste et durable

Le nid, grossier amas de branchages construit par le couple, est installé à flanc de falaise sur une corniche, au fond d'une anfractuosité, parfois sur un bâtiment. Souvent réutilisé année après année, l'édifice peut atteindre 1,50 m de diamètre sur près de un mètre de haut, au fil des restaurations successives.

Des petits tout blancs

Dès les derniers jours de mars, mais surtout en avril et mai, les femelles pondent de un à trois œufs (en général deux) blanchâtres avec un intervalle de deux à quatre jours. Ces œufs sont ensuite couvés à tour de rôle par le mâle et la femelle, pendant 42 jours. Au début de leur croissance, les jeunes vautours d'Égypte sont réchauffés essentiellement par la femelle. Ils portent à l'éclosion un duvet blanc clairsemé, bientôt remplacé par un second duvet plus fourni. La femelle peut alors les laisser seuls plus souvent et aider le mâle, unique responsable du ravitaillement de la nichée dans les premiers jours. Une fois leur premier plumage entièrement développé, les jeunes percnoptères abandonnent le nid après avoir consacré les derniers jours à des séances de battements d'ailes destinés à renforcer leur musculature.

Le départ intervient au bout de deux mois et demi à trois mois. Les jeunes restent encore quelque temps en compagnie des adultes qui continuent à les nourrir, mais on ignore à quel âge précis ils deviennent indépendants. La maturité sexuelle n'est pas acquise avant l'âge de quatre ou cinq ans.

L'évolution du plumage

L'évolution du plumage



Les jeunes percnoptères se reconnaissent aisément à leur plumage sombre. Petit à petit, au fil des mues successives, les plumes brunâtres sont remplacées par des plumes blanches. Cette évolution n'est pas observable dans les régions où l'espèce ne fait que nicher, car les jeunes oiseaux gagnent ensuite les quartiers d'hivernage et y restent jusqu'à leur maturité sexuelle ou presque.

Solitaire mais grégaire à l'occasion

Le vautour d'Égypte est une espèce plutôt solitaire ou vivant par couples isolés. Dans certaines circonstances, toutefois, ces rapaces n'hésitent pas à se rassembler. C'est le cas lorsque les ressources alimentaires abondent en un lieu donné. Ils forment alors une bande qui peut regrouper d'une dizaine à une vingtaine d'oiseaux.

Néanmoins, des exceptions notables ont été observées par différents ornithologues. L'Anglais W. Payne en a noté près de 70 réunis sur une décharge en Algérie, mais le record appartient aux Allemands H. Kumerloeve et G. Niethammer qui ont pu en compter jusqu'à 200 à proximité des abattoirs d'Ankara, en Turquie, dans les années 1930.

Des réunions migratoires

Le grégarisme peut encore se manifester lors de la migration. La quasi-totalité des percnoptères nichant au-delà de 25° de latitude nord (Europe, Afrique du Nord, Turquie, ouest de l'Asie centrale...) sont migrateurs. Lors de ces déplacements entre zones de nidification et quartiers d'hivernage, les vautours percnoptères forment des bandes lâches d'une dizaine d'oiseaux. Ces rapaces, comme beaucoup d'autres, préférant survoler l'étendue maritime la plus étroite possible, des concentrations informelles peuvent être remarquées aux deux points de passage principaux des nicheurs occidentaux, que sont le détroit de Gibraltar et celui du Bosphore. Des comptages précis, effectués sur ces sites privilégiés, ont permis d'apprécier l'ampleur des effectifs migrateurs. L'Espagnol F. Bernis a dénombré par l'observation 3 820 vautours percnoptères franchissant le détroit de Gibraltar à l'automne 1972. Cinq ans plus tard, le Français J.M. Thiollay estimait que le passage automnal théorique atteignait environ 6 000 oiseaux.

Dans la mesure où les effectifs septentrionaux – européens, notamment, mais aussi ouest-asiatiques – se mêlent aux populations africaines sédentaires, il n'est guère facile de déterminer où hivernent les percnoptères venus du nord après la nidification. Selon J.M. Thiollay, des variations numériques sensibles permettent de croire que les principales zones d'hivernage se situent entre 14° et 17° de latitude nord, dans le bassin inondable du Niger.

Des dortoirs pour la nuit

Enfin, les vautours d'Égypte se rassemblent (en dehors de la saison de nidification) pour passer la nuit en commun, formant alors des « dortoirs ». Ces dortoirs sont situés de préférence à flanc de falaise, parfois dans des arbres ou sur des bâtiments. Si aucun de ces sites n'est disponible, les vautours d'Égypte peuvent se contenter de rester au sol. Le plus grand dortoir jamais observé à ce jour le fut au xixe siècle : il comptait 500 vautours d'Égypte qui avaient pour habitude de se rassembler sur un seul et même arbre, près d'Istanbul. Ce fait remarquable fut rapporté par les Anglais I. Nisbet et T. Smout. Depuis, il est plutôt fait mention de réunions nocturnes concernant de 20 à 50 sujets, bien que plus de 400 vautours d'Égypte aient été signalés à Port-Soudan : la moitié de l'effectif avait pris place sur les poteaux téléphoniques.

Pour tout savoir sur le vautour d'Égypte

Vautour d'Égypte (Neophron percnopterus)

Le vautour d'Égypte, ou vautour percnoptère, est un petit vautour. Il ne dépasse pas 70 cm en longueur, son envergure est comprise entre 1,55 m et 1,80 m et son poids moyen n'excède pas 2 kg. Avec son proche parent le vautour à capuchon, Necrosyrtes monachus, il est le plus modeste, par ses dimensions, des vautours de l'Ancien Monde.

Par ailleurs, avec le vautour palmiste, Gypohierax angolensis, c'est le seul vautour bicolore, blanc et noir. Néanmoins, posé, le percnoptère semble tout blanc. Le noir du bout des ailes et de leur bord postérieur n'apparaît bien qu'en vol. Cette teinte n'est pas uniformément répartie ; alors que les rémiges (grandes plumes des ailes) sont entièrement noires dessous, elles font alterner le noir et le blanc sur leur face supérieure, conférant à l'arrière de l'aile un aspect typique en « touches de piano ». À distance, vu par-dessous, le vautour d'Égypte ressemble à s'y méprendre à la cigogne blanche, Ciconia ciconia, bien que l'échassier ait un cou et des pattes beaucoup plus longs. En vol, la queue blanche du percnoptère est nettement cunéiforme.

La tête est fine, impression renforcée par l'étroitesse du bec. La partie antérieure cornée de ce dernier est brève, presque plus courte que sa base jaune en forme d'étui, nommée, comme chez tous les rapaces, « la cire ». L'œil sombre, assez petit, n'est pas dominé par un os supra-orbitaire développé comme chez nombre d'accipitridés, tels les aigles ou les éperviers. La face à la peau ridée, jaune chez l'adulte, est dénudée jusqu'en arrière de l'œil et laisse nettement apparaître l'orifice du conduit auditif. Une semblable dénudation est en relation directe avec l'alimentation de l'espèce. Elle évite la souillure des plumes au contact des charognes ou, plus encore, à celui des excréments, dont le vautour d'Égypte se régale.

En revanche, le cou est totalement couvert de plumes, ce qui n'est pas le cas chez la plupart des grands vautours, habitués à fouiller profondément les cadavres de grands mammifères. Non seulement le cou du vautour d'Égypte est emplumé, mais ce rapace porte sur la tête une huppe érectile fournie, qui lui donne souvent une allure hirsute.

Les pattes, couleur chair, grisâtres ou plus ou moins jaunes, sont robustes. Les doigts et les ongles sont assez courts ; en effet, à l'instar des autres vautours, le percnoptère ne capture pour ainsi dire pas de proies vivantes et ne transporte sa nourriture qu'avec le bec. Cependant, les pattes sont bien conformées pour la marche. À terre, il a des allures de volaille, ce qui autorise l'ornithologue suisse P. Géroudet à le qualifier de « grosse dinde blanche ». Le blanc du plumage est en fait rarement pur. Soit naturellement, soit par contact avec la nourriture ou la terre, les plumes acquièrent souvent une nuance ou une coloration tirant sur le jaunâtre, le beige ou le brun, surtout au cou, à la poitrine et sur le ventre.

Le sens le plus développé du vautour percnoptère est la vue. D'après A. Fischer, l'acuité du rapace est deux fois supérieure à celle de l'homme, ce qui lui permettrait, par exemple, de repérer à un kilomètre un objet d'un diamètre compris entre 4 et 8 cm. Un lézard mort peut ainsi être repéré à plusieurs centaines de mètres de distance. On ne dispose d'aucune information précise sur l'odorat de l'espèce, mais il est permis de supposer qu'il n'est pas meilleur que chez les autres vautours de l'Ancien Monde.

Le vautour percnoptère est une espèce comportant deux races. La race type, Neophron percnopterus percnopterus habite l'Europe méridionale, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'ouest de l'Asie centrale, tandis que la race Neophron percnopterus ginginianus est propre à l'Himalaya et au sous-continent indien. La race indienne est plus petite et son bec est plus jaune.

          

VAUTOUR D'ÉGYPTE

Nom (genre, espèce) :

Neophron percnopterus

Famille :

Accipitridés

Ordre :

Accipitriformes (d'après Tree of Life Web Project, 2008)

Classe :

Oiseaux

Identification :

Rapace de taille moyenne, blanc et noir, à queue cunéiforme

Taille :

De 1,55 à 1,80 m d'envergure

Poids :

2 kg en moyenne

Répartition :

De l'Europe méridionale à l'Inde, Afrique du Nord et Afrique subsaharienne, d'ouest en est du Sénégal au Kenya. Deux noyaux en Afrique australe, en Angola et en Namibie

Habitat :

Régions ouvertes à végétation clairsemée, y compris en montagne

Régime alimentaire :

Cadavres, détritus, excréments

Structure sociale :

Monogame, partiellement grégaire

Maturité sexuelle :

À 4 ou 5 ans

Saison de reproduction :

Printemps

Durée d'incubation :

42 jours

Poids de l'œuf :

94 g

Nombre d'œufs :

De 1 à 3 (le plus souvent 2)

Longévité :

Une vingtaine d'années, en théorie

Effectifs, tendances :

32 000 – 42 000 individus matures dont 3 500-5 600 couples en Europe ; moins de 2 000 couples en Asie centrale ; 1 000 couples au Proche-Orient ; peut être 7 500 couples en Afrique. Tendance à la baisse

Statut :

Classé par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « en danger » en 2008. Officiellement protégé en Europe

 

Signes particuliers

Pattes

Les pattes du vautour d'Égypte sont relativement longues. Il est en fait difficile d'apprécier exactement leur taille, car la partie supérieure disparaît dans un manchon de plumes lâches appelé « culotte ». Le tarse, lui, est dénudé et couvert de petites plaques cornées imbriquées, ou « scutelles ». Les trois doigts antérieurs et l'unique doigt postérieur sont plutôt fins et portent des ongles courts et peu recourbés. Ces adaptations morphologiques trahissent un rapace charognard qui n'a pas à utiliser ses serres pour tuer des proies. Elles témoignent aussi de ce que le vautour percnoptère est volontiers un marcheur qui cherche sa nourriture au sol. La couleur des pattes est l'un des signes grâce auxquels on peut déterminer l'âge d'un vautour d'Égypte. Chez le jeune, elle est d'abord gris foncé ou noir terne. Elle devient ensuite chair, bleuâtre, gris violacé ou jaune.

Bec

Le bec du vautour d'Égypte est particulièrement long et étroit comparé à celui des autres vautours. Terminé par un croc aigu, c'est un outil efficace aux multiples usages en dépit de cette apparente faiblesse. Il peut servir de poinçon pour percer la coquille d'un œuf de taille moyenne.

Narines

Les narines sont allongées, en forme de fente. On peut supposer que cette forme particulière est en relation avec les habitudes alimentaires de l'espèce. Comme il se nourrit souvent d'excréments ou qu'il les fouille à la recherche d'insectes ou de larves coprophages, il importe que les narines du vautour d'Égypte ne soient pas trop largement ouvertes et convenablement orientées afin de n'être pas trop facilement obturées. Cependant, si tel est le cas, le percnoptère, à l'instar des autres oiseaux, dispose de « narines » secondaires s'ouvrant à l'intérieur du bec, dans le palais. Il peut ainsi continuer à respirer, par exemple, quand il plonge son bec dans l'eau à l'occasion d'un bain.

Système digestif

Le vautour d'Égypte est pourvu d'un appareil digestif adapté à la consommation de nourriture avariée. Les aliments consommés par ces oiseaux contiennent souvent une grande quantité de microorganismes dangereux, germes pathogènes ou bactéries en tout genre. Pour en venir à bout, le percnoptère possède un jabot (poche correspondant à l'élargissement de l'œsophage) où la nourriture est conservée quelques heures, le temps que s'opère une fermentation sous l'action de microbes. Après passage dans l'estomac glandulaire puis dans l'estomac musculaire, la nourriture subit, au passage dans l'intestin, l'action d'une flore intestinale fournie et active, capable de détruire la quasi-totalité des agents biologiques nocifs.

Les autres vautours

Le vautour d'Égypte appartient à la famille des accipitridés et à l'ordre des  accipitriformes depuis que les falconiformes ont été séparés et réduits aux seuls falconidés. Avec plus de 240 espèces sur les quelque 300 que comptent les rapaces diurnes, les accipitridés constituent le groupe le plus important. Ils regroupent les grands aigles, les milans à la queue échancrée, les buses trapues, les graciles busards ou les circaètes. Toutes les tailles sont représentées, depuis l'épervier minulle, Accipiter minullus, de 25 cm de long pour moins de 50 cm d'envergure, à l'énorme vautour moine, Aegypius monachus, de près de 3 m d'envergure et pouvant peser plus de 12 kg. Malgré ces différences de morphologie et de plumage, les accipitridés ont des points communs cachés, tels le nombre et la structure des chromosomes.

Les vautours de l'Ancien Monde comptent 16 espèces réparties en 9 genres, dont Neophron qui est représenté par le seul vautour percnoptère, Neophron percnopterus.

Genre Gyps

Vautour du Bengale (Gyps bengalensis)

Identification : 0,90 m de long, 2,35 m d'envergure ; gris-brun à peu près uniformément réparti, plage blanche en bas du dos, collerette gris roussâtre, de dessous, dessous de l'aile blanc cassé en avant.

Répartition : Inde, Pakistan, Népal Bhoutan, Myanmar, Thaïlande, Laos, Cambodge et sud du Viêt Nam.

Population et statut : effectifs en déclin ; plus que 2 500 – 10 000 individus. Il a disparu de la plus grande partie de l'Asie du Sud-Est au début du xxe siècle. Depuis 1996, ses effectifs ont diminué de plus de 95 %.  Éteint au Bangladesh, dans le sud de la Chine et en Malaisie, il est en « danger critique d'extinction » depuis 2000 et inscrit à l'annexe II de la C.M.S. (Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices) ainsi que de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction).

Vautour africain, ou vautour à dos blanc (Gyps africanus)

Identification : 0,90 m de long, 2,35 m d'envergure ; dessus des ailes et dessous du corps brun-gris pâle, rémiges noirâtres, plage blanche en bas du dos, collerette blanche, cou noirâtre, de dessous, dessous de l'aile blanchâtre en avant.

Répartition : Afrique subsaharienne : d'ouest en est, du Sénégal, du Mali et de la Gambie à l'Éthiopie et à la Somalie ; en Afrique de l'Est à travers le Mozambique, le Zimbabwe, le Botswana, jusqu'au nord de l'Afrique du Sud et en Namibie.

Population et statut : 270 000 individus environ, dont 40 000 en Afrique australe ; vit dans plusieurs zones protégées ; classé dans la catégorie « quasi menacé » depuis 2007.

Remarque : le vautour du Bengale et le vautour africain sont si proches qu'ils sont considérés par certains systématiciens comme une seule espèce ; selon ceux-ci, le vautour africain est la race africaine du vautour du Bengale.

Vautour fauve (Gyps fulvus)

Identification : de 0,95 à 1,05 m de long, de 2,40 à 2,80 m d'envergure ; corps et partie antérieure de l'aile variant du beige au fauve, rémiges brun noirâtre, collerette blanche, cou blanchâtre.

Répartition : Europe méridionale et centrale, Balkans, Moyen-Orient, Afrique du Nord, nord du sous-continent indien.

Population : 100 000 – 1 000 000 d'individus.

Vautour de l'Himalaya (Gyps himalayensis)

Identification : 0,90 m de long, 2,85 m d'envergure ; ressemble au vautour fauve, mais rémiges moins sombres et collerette moins blanche, moitié inférieure du dos blanchâtre.

Répartition : chaîne de l'Himalaya, monts d'Asie centrale.

Population : 100 000 – 1 000 000 d'individus.

Vautour des Indes (Gyps indicus)

Identification : 0,90 m de long, 2,40 m d'envergure ; dessous du corps et partie antérieure de l'aile beige brunâtre, rémiges gris foncé, moitié inférieure du dos beige pâle, collerette beige.

Répartition : Inde et Pakistan.

Population et statut : ses effectifs ont fortement diminué depuis les années 1990 et il est en « danger critique d'extinction » depuis 2002. Inscrit aux annexes II de la Cites et de la C.M.S.

Vautour à bec élancé (Gyps tenuirostris)

A été séparé de G. Indicus en 2001.

Répartition : Bangladesh, Inde, Népal, Cambodge, Laos, Birmanie.

Population et statut : population en baisse ; éteint en Thaïlande et en Malaisie ; « en danger critique d'extinction » depuis 2002. Inscrit aux annexes II de la Cites et de la C.M.S.

Vautour du Cap (Gyps coprotheres)

Identification : 0,90 m de long, 2,50 m d'envergure ; rappelle le vautour fauve, mais beige plus pâle. En vol, de dessous, contraste net entre l'avant de l'aile clair et les rémiges sombres.

Répartition : Afrique australe.

Population et statut : 8 000 – 10 000 individus ; effectifs en déclin, notamment en Afrique du Sud, au Lesotho, au Zimbabwe et en Namibie où il est probablement éteint. Classé dans la catégorie « vulnérable » depuis 2000 et inscrit aux annexes II de la C.M.S. et de la Cites.

Vautour de Rüppell (Gyps ruppellii)

Identification : de 0,85 à 0,95 m de long, de 2,20 à 2,50 m d'envergure ; plumage à l'aspect écailleux typique ; en vol, de dessous, lignes blanches sur fond sombre à l'avant de l'aile.

Répartition : Afrique subsaharienne, d'ouest en est du Sénégal à l'Éthiopie, vers le sud-est, au Kenya, en Tanzanie et jusqu'au Mozambique.

Population et statut : effectifs en déclin ; largement confiné dans des zones protégées ; classé dans la catégorie « quasi menacé » depuis 2004.

Genre Aegypius

Vautour moine (Aegypius monachus)

Identification : entre 1 et 1,10 m de long, de 2,50 à 2,95 m environ d'envergure. Le vautour moine est le plus grand des vautours de l'Ancien Monde. Plumage presque uniformément brun-noir, queue cunéiforme.

Répartition : niche en Europe (Espagne, Bulgarie, Grèce), en Asie centrale, en Iran, Inde, Turquie, Arménie, Géorgie, Russie et Ukraine. Petite population réintroduite en France.

Population et statut : 7 200 – 10 000 couples au total, dont 1 700 – 1 900 couples en Europe et 5 500 – 8 000 couples en Asie. Les populations européenne et d'Asie centrale ont fortement décliné. Sa protection précoce en Europe (Directive sur la protection des oiseaux de 1979) a permis notamment l'augmentation de la population espagnole, passée de 290 couples à 1 511 aujourd'hui. Classé dans la catégorie « quasi menacé » depuis 2004.

Genre Torgos

Vautour oricou (Torgos tracheliotus)

Identification : de 0,95 à 1,05 m de long, de 2,55 à 2,90 m d'envergure ; dessus brun, dessous des ailes sombre avec une barre blanchâtre à l'avant, dessous du corps blanchâtre, longues plumes beiges et noirâtres à la poitrine, tête dénudée, rougeâtre, queue cunéiforme.

Répartition : Afrique subsaharienne, surtout Afrique de l'Est (Éthiopie, Kenya) et Afrique australe (Zambie, Zimbabwe, Botswana, Namibie, Afrique du Sud).;.

Population et statut : au moins 8 000 individus ; peut être 500 au Moyen-Orient ; tendance des effectifs à la baisse ; classé dans la catégorie « vulnérable » depuis 2000 ; inscrit aux annexes II de la Cites et de la C.M.S.

Genre Sarcogyps

Vautour de Pondichéry (Sarcogyps calvus)

Identification : de 0,75 à 0,80 m de long, 2 m d'envergure ; brun noirâtre, étroite ligne blanche sous l'aile, marques blanches à la poitrine et en haut des cuisses, cou et tête dénudés, rougeâtres.

Répartition : sous-continent indien et Asie du Sud-Est.

Population et statut : pas plus de 10 000 individus au total ; la population a fortement décliné dans l'ensemble de son aire de répartition et il ne resterait plus que quelques centaines d'oiseaux en Asie du Sud-Est. Classé dans la catégorie « en danger critique d'extinction » depuis 2007. Inscrit aux annexes II de la Cites et de la C.M.S.

Genre Trigonoceps

Vautour à tête blanche (Trigonoceps occipitalis)

Identification : de 0,75 à 0,81 m de long, 2 m d'envergure ; dessous blanc, manchon de plumes noires au cou, tête blanche, bec orangé à base bleuâtre.

Répartition : Afrique subsaharienne.

Population et statut : 2 600 – 4 700 couples (7 000 - 12 500 individus matures) ; sa population a fortement décliné dans certaines régions d'Afrique de l'Ouest depuis les années 1940 et l'espèce est confinée dans quelques zones protégées en Afrique australe. Classé dans la catégorie « vulnérable » depuis 2007. Protégé dans les grandes réserves d'Afrique de l'Est.

Genre Necrosyrtes

Vautour à capuchon, ou néophron moine (Necrosyrtes monachus)

Identification : de 0,62 à 0,72 m de long, 1,70 m d'envergure ; corps recouvert d'un plumage uniformément brun noirâtre, face et avant du cou dénudés et rougeâtres, crâne et nuque portant une sorte de capuchon de duvet jaunâtre.

Répartition : Afrique subsaharienne.

Population : 200 000 – 330 000 individus.

Genre Gypaetus

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus)

Identification : nettement différent des autres espèces, ce vautour fait penser à un curieux mélange d'aigle et de faucon géant. Entre 1 et 1,15 m de long, pour 2,66 à 2,82 m d'envergure ; cou et dessous du corps blanchâtres à roux, ailes pointues et longue queue cunéiforme gris ardoisé, tête blanchâtre à dessin noir, « barbe » noire sous le bec, cercle orbitaire rouge vif autour de l'œil.

Répartition : Europe méridionale et centrale, Balkans, Asie centrale, sous-continent indien, Moyen-Orient, Afrique australe.

Population : 10 000 – 100 000 individus.

Remarque : il présente la particularité de se nourrir d'os, brisant les plus gros en les laissant tomber sur des rochers de la même manière que le vautour d'Égypte, Neophron percnopterus, avec les œufs.

Genre Gypohierax

Vautour palmiste, ou vautour d'Angola (Gypohierax angolensis)

Identification : son aspect est proche de celui d'un pygargue ; sa tête et son cou ne sont pas dénudés (sauf autour de l'œil).

De 0,55 à 0,62 m de long, pour 1,50 m d'envergure ; tête et corps blancs, queue et ailes bicolores, noir et blanc, bec jaunâtre à base gris-bleu.

Répartition : Afrique subsaharienne.

Population : environ 240 000 individus.

Milieu naturel et écologie

À travers sa vaste aire de répartition, depuis les îles du Cap-Vert jusqu'à la mer d'Aral et l'Inde, et du midi de la France à l'Afrique orientale, le vautour percnoptère fréquente des milieux variés. C'est une espèce qui apprécie la chaleur, sans toutefois que ce paramètre constitue une exigence absolue. Il se rencontre en effet dans les zones d'altitude où les températures sont parfois très basses.

Un lieu, une fonction

Les milieux que privilégie le vautour percnoptère se répartissent en deux catégories selon ses besoins : ceux où il cherche à se nourrir et ceux qui conviennent à la nidification. Les premiers se caractérisent par leur ouverture. Il ne faut pas, en effet, qu'une végétation trop importante puisse constituer un écran gênant la vue. Pour cette raison, dans bien des cas, le sol est presque entièrement ou même totalement dépourvu de tout couvert végétal. Ce sont des bancs de sable au bord des cours d'eau, des vasières marécageuses, des plages littorales, des étendues dénudées aux marges des zones désertiques. Avec davantage de végétation, il peut s'agir de steppes, de savanes, de garrigues, de prairies. Ce rapace fréquente les plaines et les collines, les plateaux et les vallées, les régions montagneuses enfin et leurs ravins. Le vautour d'Égypte s'élève à 2 000 m environ. Toutefois, les Russes G. Dementiev et N. Gladkov le signalent à 3 600 m dans le Caucase.

Lorsque la saison de la nidification arrive, le vautour d'Égypte s'installe dans les secteurs pourvus de falaises ou de barres rocheuses comportant des anfractuosités. Néanmoins, là où la nourriture abonde et où les conditions de sécurité sont convenables, il niche en terrain plat ou faiblement vallonné, sur des monuments, des immeubles, voire des arbres. Les milieux modifiés par l'homme ne rebutent pas l'espèce, bien au contraire. Les villes et leurs abords, en Afrique ou en Inde notamment, font partie intégrante de leur environnement. Il est même des secteurs où la population locale de vautours percnoptères ne subsiste que grâce à la présence d'implantations humaines.

Chacun son tour

Prédateur ou, du moins, considéré comme tel, le percnoptère ne compte guère d'ennemis. Sa taille modeste, qui lui interdit d'en imposer, est heureusement compensée par une vivacité suffisante et une bonne promptitude à l'envol. Il ne doit craindre, en théorie, que les attaques ponctuelles, que l'on pourrait presque qualifier d'« accidentelles », d'un aigle royal, d'un aigle de Bonelli ou d'un faucon pèlerin. En revanche, ce petit vautour doit tenir compte des règles hiérarchiques régissant les rapports des vautours entre eux. Si l'on prend l'exemple d'une « curée » en Afrique, le puissant vautour oricou se sert en priorité, puis viennent les vautours de Rüppell ou les vautours africains. Les percnoptères viennent ensuite, prenant le pas sur d'autres petits rapaces diurnes comme les milans, et sur les corvidés. Un tel ordre de préséance, tacitement respecté, a une finalité précise : éviter des affrontements répétés, épuisants, à l'issue incertaine. Chacun accède à la nourriture en fonction des impératifs biologiques, les plus volumineux bénéficiant des portions les plus importantes, indispensables au maintien de leur métabolisme. Une fois que percnoptères et corvidés en ont terminé, un dernier vautour, le gypaète barbu, peut alors intervenir.

Lors des confrontations autour des carcasses, le vautour percnoptère doit aussi tenir compte des mammifères charognards comme les chacals et les hyènes. En effet, quand celles-ci découvrent une carcasse, elles en brisent les os de leurs puissantes mâchoires. Après leur départ, le rapace en profite pour glaner quelques débris.

Le vautour d'Égypte doit compter avec ce que les spécialistes du comportement animal nomment le parasitisme alimentaire. Il n'est pas rare, lorsque l'un d'eux est parvenu à briser la coquille d'un gros œuf, qu'un ou plusieurs vautours à capuchon interviennent pour s'approprier la « proie ».

Un agent sanitaire efficace

Comme tout charognard, le percnoptère joue un rôle important d'« éboueur » naturel. En contribuant à nettoyer les cadavres volumineux et en faisant disparaître à lui seul les animaux morts de taille plus petite, il participe à la lutte contre l'éventuelle propagation de diverses maladies. En outre, ses habitudes nettement coprophages, y compris à l'égard des déjections humaines, en font, dans maintes régions, un précieux auxiliaire sanitaire.

Le vautour d'Égypte et l'homme

Vénéré puis cruellement chassé

Respecté, voire vénéré, par les Anciens pour les multiples et mystérieux pouvoirs dont on le croyait doté, le vautour d'Égypte, devenu une des cibles de l'homme, est aujourd'hui en passe de disparaître. Cruel revirement de situation pour ce respectable charognard plus utile que dangereux.

Un oiseau doté d'étranges facultés

Il n'est guère de régions peuplées de vautours où l'art et la culture ne traduisent la fascination exercée sur l'homme par ces grands oiseaux. L'Égypte antique a accordé une place de choix à trois espèces de vautours : le vautour percnoptère et, surtout, le vautour fauve et le vautour oricou. De remarquables représentations stylisées du percnoptère sont visibles sur le mastaba (chapelle funéraire) d'Akhouhotep, conservé au musée du Louvre. Les autres vautours sont gravés, entre autres, sur les piliers du temple de Ptolémée, dans l'oasis de Kharga ou, dans toute leur splendeur, au plafond du temple d'Hathor, à Dendérah. L'Afrique, l'Himalaya et l'Inde sont sans doute les grandes régions où les vautours et l'homme ont entretenu – et entretiennent souvent encore – des rapports étroits. Les Hottentots appelaient le vautour percnoptère ouri-gorab, ce qui signifie littéralement « corbeau blanc », et le considéraient comme un animal bénéfique, puisque capable de signaler la présence du lion, et apte à découvrir, du haut des airs, les œufs d'autruches nourriciers.

Les facultés dont est supposé être doté le vautour d'Égypte ont donné lieu à de curieux débordements dans certaines sociétés. En Afrique méridionale, par exemple, le fait de manger de la cervelle de vautour permet de prédire l'avenir, puisque, d'après les indigènes, ces oiseaux peuvent deviner l'emplacement d'une carcasse. En conséquence, on assista à des massacres massifs de vautours – comme le dénonça P. Mundy, ornithologue attaché au département des parcs nationaux du Zimbabwe – dans l'espoir d'obtenir, grâce à la consommation de la cervelle, des informations sur les paris hippiques ou les concours de pronostics relatifs aux matches de football...

S'agissant de l'usage funéraire des vautours, le cas des Parsis est le plus remarquable. Originaires de la Perse, ceux-ci maintiennent vivante une religion vieille de 1 500 ans, le zoroastrisme. Les Parsis sont surtout présents en Inde, particulièrement à Bombay. Selon eux, la mort est la manifestation de la victoire du mal, et confier les cadavres au feu, à la terre ou à l'eau reviendrait à rendre impurs ces éléments. Voilà pourquoi les vautours sont chargés de dévorer les corps. De la sorte, aucune contamination ne peut avoir lieu. On dispose donc les cadavres dans des édifices nommés « tours du silence ». Masquées par de grands arbres, ce sont des constructions circulaires, presque closes et dépourvues de toit afin que les vautours puissent aisément y accéder. Pendant que les oiseaux nécrophages font leur office, les proches des personnes décédées prient à proximité.

Un oiseau urbain bien toléré

Le vautour d'Égypte est parfaitement toléré aux abords des villes, tant en Afrique qu'en Inde. On le voit très fréquemment sur les décharges à ciel ouvert, ou près des abattoirs. Il n'est pas rare non plus qu'il suive avec intérêt le laboureur au travail, dont le soc déloge de petits rongeurs, de gros insectes ou des larves.

Toujours en Inde, les grandes concentrations urbaines attirent les vautours et d'autres rapaces charognards. En effet, dans ces endroits, les vautours percnoptères trouvent une nourriture abondante, toujours disponible et bénéficient des faveurs de la population. Cette attitude bienveillante envers eux repose sur des principes religieux et culturels.

À ce sujet, l'ornithologue anglais I. Newton cite le cas de la ville de Delhi. En 1967, cette énorme cité ne comptait pas moins de 19 couples de rapaces au kilomètre carré. Parmi les espèces concernées figurait le vautour du Bengale, avec 4 couples par kilomètre carré.

Espèces menacée

Parmi les seize espèces de vautours de l'Ancien Monde, seules quatre sont encore à l'abri des menaces qui pèsent peu ou prou sur toutes les autres, en particulier sur quatre vautours d'Asie en « danger critique d'extinction ». Même le vautour percnoptère, que l'on croyait sauf au début des années 2000, a été classé par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « en danger » en 2008. Sa population a fortement décliné dans l'ensemble de son aire de répartition : de plus de 50 % (pour les trois dernières générations) en Europe et de plus de 35 % par an en Inde depuis 1999. Les pertes en Afrique sont surtout dues à la diminution du nombre de ses proies, en particulier des populations sauvages d'ongulés. En Europe, les perturbations subies par les lieux de nidification et les collisions avec les lignes à haute tension sont souvent mises en cause.

Une heureuse réintroduction

À partir de la fin des années 1970 ont été élaborés en France et en Europe d'ambitieux programmes de sauvegarde et de réintroduction de plusieurs espèces de rapaces menacés ou localement éteints. Parmi ces derniers figurent deux vautours : le vautour fauve et le gypaète barbu. Les projets internationaux de réintroduction sont régis par un ensemble complexe de règles strictes visant à éviter les excès. Toutes les conditions doivent être réunies pour que les animaux relâchés aient les meilleures chances de prospérer et ne soient pas à nouveau confrontés aux problèmes qui avaient pu entraîner leur disparition. La réintroduction du vautour fauve dans la région des Grands Causses, dans le midi de la France, est une totale réussite dont peut s'enorgueillir la mission Rapaces de la Ligue pour la protection des oiseaux,  aidée par le parc national des Cévennes et le ministère de l'Environnement. Pourtant, il s'agissait d'une première dans ce domaine. L'espèce a disparu de cette région de plateaux entaillés de profondes vallées rocheuses vers le milieu du xxe siècle, victime des chasseurs et des éleveurs qui méconnaissaient son rôle salutaire.

La première phase de l'opération a consisté en une sensibilisation du public, des agriculteurs et surtout des éleveurs de moutons. Les vautours sélectionnés provenaient notamment de zoos ou de saisies chez des détenteurs illégaux. Il a fallu ensuite déterminer le site optimal de lâcher. Les falaises des gorges de la Jonte, abritant autrefois une colonie, ont été choisies. Enfin, pour fidéliser les oiseaux au site, on les a maintenus sur place dans une grande volière où la nourriture était distribuée à distance. Les premiers lâchers ont eu lieu en 1981. Dès 1982 naissait le premier poussin de la nouvelle colonie. En 1991, une centaine de vautours évoluaient en totale liberté dans un site grandiose. En 2005, pour la première fois depuis le début de la réintroduction, 106 jeunes à l'envol ont été recensés, et l'on estime le nombre total de vautours fauves à 130-140 couples pour les Grands Causses. Depuis la fin des années 1980, le gypaète barbu fait l'objet d'un programme de réintroduction dans les Alpes, où il a cessé de nicher dans le courant de la seconde moitié du xixe siècle. En 2006, une nouvelle population a été établie dans l'arc alpin (France, Italie, Suisse, Autriche). Les résultats sont encourageants : le nombre de gypaètes atteignant l'âge de la maturité augmente progressivement et l'on constate un net accroissement du nombre de couples dans les Alpes françaises.