monarque

Monarque
Monarque

Image de la légèreté, de la grâce, de la beauté, le monarque est l'un de ces innombrables papillons qui suscitent la fascination par l'éclat de leurs ailes colorées et la curiosité par l'étrangeté de leurs métamorphoses. Mais gare au prédateur qui voudrait y goûter, car c'est presque un dangereux papillon vénéneux pour tous les insectivores.

Introduction

Les papillons sont des créatures délicates dont le corps se désintègre souvent après la mort et n'est donc pas fossilisé. Notre connaissance de leur évolution est, par conséquent, très incomplète et nous en sommes parfois réduits à des suppositions. Leurs plus lointains ancêtres, les premiers insectes ailés qui aient laissé une trace, des paléoptères, remontent au dévonien et au carbonifère, il y a de 280 à 395 millions d'années. Leurs deux grandes paires d'ailes ne pouvaient être rabattues vers l'arrière du corps ni le long des flancs. De ce groupe, seuls subsistent les libellules (odonates) et les éphémères (éphéméroptères). Plus tardif et beaucoup plus évolué, l'infra-classe des néoptères, dont font partie, entre autres, les ordres des coléoptères (scarabées, coccinelles), des orthoptères (sauterelles, criquets) et des lépidoptères, ou papillons, dispose d'ailes repliables sur l'abdomen.

Les lépidoptères se seraient, peut-être, développés à partir des mécoptères, ces mouches-scorpions qui apparurent au permien inférieur, il y a 250 millions d'années. L'association caractéristique de nombreux lépidoptères avec les fleurs suggère que ces deux éléments évoluèrent parallèlement pendant une période. Si cette hypothèse est exacte, les papillons seraient apparus au trias, il y a de 150 à 200 millions d'années.

La nature de ces premiers papillons est pratiquement inconnue, on pense cependant qu'ils devaient être ternes, brun et blanc et n'avoir que peu de points communs avec les espèces actuelles. De rares fossiles de papillons de jour et de nuit, montrant les détails des réseaux de nervures des ailes (dont la structure et la disposition sont des facteurs clés du processus évolutif), ont été découverts dans des gisements de schistes datant de l'oligocène (il y a 30 millions d'années). Parmi les quelque 140 000 espèces de papillons actuels (dont 110 000 espèces nocturnes et 30 000 diurnes), un certain nombre a conservé un aspect primitif peu différent de celui des spécimens ancestraux : ce sont surtout des papillons de nuit, aux couleurs plus ternes, à l'activité relativement faible, au cycle de reproduction plus rapide. Mais certains papillons de jour, au contraire, ont beaucoup plus évolué : parmi eux, le monarque, ce grand papillon noir et orange, d'origine tropicale.

La vie du monarque

Naître sous une feuille

C'est généralement dans les régions où abonde le laiteron vénéneux que les monarques se reproduisent : ainsi, en Amérique du Nord, lorsque l'été est particulièrement clément, peut-on observer quatre cycles de reproduction complets.

Une odeur puissante et attirante

Voletant dans les prairies, les femelles sécrètent des phéromones (sécrétions glandulaires comparables aux hormones) à l'odeur puissante qui attirent les mâles de l'espèce, même très éloignés. Une fois les deux sexes stimulés par leurs substances odorantes respectives, la « cour » s'achève : la femelle se pose sur une feuille et les deux partenaires s'accouplent tête-bêche. Ils restent ainsi longtemps unis, souvent pendant une heure, le mâle retenant la femelle grâce à une paire de « valves » situées à l'extrémité de l'abdomen (et qui constituent d'ailleurs un excellent repère pour distinguer le sexe de l'insecte) et déposant un spermatophore (petit sac contenant le sperme) dans la bourse copulatrice de celle-ci. Si les deux insectes sont dérangés pendant l'accouplement, ils s'envolent, l'un d'eux (généralement le mâle) entraînant l'autre.

Fécondation et ponte

Quinze jours à trois semaines plus tard, les ovules étant arrivés à maturation, la femelle choisit avec soin le lieu de la ponte : c'est toujours une feuille tendre de laiteron dont les chenilles raffolent et qu'elle repère en se servant, probablement, à la fois du toucher, de la vue, du goût et de l'odorat. À l'aide de son ovipositeur (ou tube de ponte qui, au repos, reste à l'intérieur de l'abdomen), elle dépose alors un à un les œufs sous l'envers de la feuille, les colle avec la sécrétion gluante d'une glande de l'extrémité de son abdomen, et les fertilise avec le sperme qu'elle a stocké depuis l'accouplement. Le nombre d'œufs qu'elle peut pondre dépend de son degré de maturité et de sa propre longévité. Dans des conditions idéales de vie, une femelle de monarque est capable de déposer, en divers lieux de ponte, plus de quatre cents œufs. De la taille d'une tête d'épingle, ils sont de couleur verdâtre et ont la forme d'un dôme aplati orné de nervures très prononcées. Sur le dessus de l'œuf s'ouvre un pore minuscule, ou micropyle, qui permet la pénétration du spermatozoïde, puis de l'air et de l'humidité indispensables au développement de l'embryon.

Une feuille de laiteron pour abri et pour nourriture

Protégés du soleil, de la pluie et des prédateurs par la feuille, les œufs éclosent plus ou moins vite selon la température extérieure. Plus elle est élevée, plus le développement est rapide. Entre 21 °C et 32 °C, il faut trois à quatre jours avant que la larve ne ronge sa coque pour s'en extraire.

À sa naissance, la chenille mesure environ 1,9 mm de long ; elle est de couleur claire à l'exception de la tête et des ébauches de pattes qui sont noires. Elle finit de manger la coque (hormis la base) pour y puiser les éléments nutritifs qui lui sont nécessaires, puis s'attaque aux feuilles tendres de la plante nourricière.

De la chenille à la chrysalide

Le stade larvaire correspond, dans le cycle au papillon, à une période de nutrition forcenée. Pesant 54 mg à sa sortie de l'œuf, la chenille de monarque va gagner quelque 1 500 mg en une quinzaine de jours. Avant chaque mue, la chenille résorbe une partie de sa vieille cuticule et en édifie une nouvelle sous l'ancienne. Puis elle cesse de s'alimenter jusqu'à la fin de la mue.

Pour effectuer sa dernière mue, la mue imaginale, au terme de laquelle elle devient chrysalide, elle choisit un support et tisse un coussinet de soie, puis s'y suspend, tête en bas, par les pattes anales. La chrysalide sort alors l'extrémité postérieure de son corps du manchon que forme la vieille cuticule à cet endroit et s'accroche à l'amas de soie, grâce à de petits crochets placés en couronne à l'extrémité de son abdomen (crémaster). Protégée seulement par sa cuticule brillante et très résistante, la chrysalide est nue. Elle prend souvent une teinte bleu opaque à cause des inclusions d'air dans la cuticule. Sept paires de petits points dorés émaillent la chrysalide. Ils jouent un rôle de contrôle dans le développement et la pigmentation de sa cuticule.

Les mues de la chenille

Les mues de la chenille



La chenille de monarque subira cinq mues successives. Au cours de ces cinq stades larvaires apparaîtront progressivement les caractères de la chenille adulte : sa pigmentation, d'un jaune zébré de noir, couleurs d'alerte destinées à avertir les prédateurs de sa toxicité ; ses pattes thoraciques, molles et dépourvues d'articulations se terminant par une griffe ; ses fausses pattes abdominales aux extrémités aplaties et munies d'une série de crochets qui aident l'animal à se mouvoir ; ses deux paires de tentacules charnus, situées l'une sur le thorax, l'autre à l'extrémité de l'abdomen, qui ont un rôle tactile.

Quand la chrysalide devient papillon

C'est au sein de la chrysalide, fragile et discrète, que s'opèrent de profondes modifications anatomiques au cours desquelles prennent forme les ailes, les pattes, les antennes et le proboscis, ou trompe suceuse : cette dernière phase de la transformation du monarque (mue imaginale) est une véritable métamorphose, la chrysalide devenant nymphe pour donner naissance au papillon adulte, ou imago. La nymphe reste dans la chrysalide entre 8 et 15 jours, au moins, et parfois 1 mois si les conditions climatiques ne sont pas favorables.

Le temps de l'éclosion

La cuticule de la chrysalide pâlit au fur et à mesure de la métamorphose jusqu'à devenir transparente. Lorsque le monarque adulte est prêt à éclore, la pigmentation de ses ailes est achevée et visible. L'épiderme de la chrysalide se fend selon des lignes de fractures précises. L'air que l'imago absorbe alors par la bouche remplit une partie du tube digestif. L'insecte sort la tête en bas, libérant d'abord ses pattes et ses antennes pour dégager, peu après, le reste de son corps. Juste après l'éclosion, le papillon est faible, encore incapable de voler : il reste inerte quelque temps, suspendu à l'épiderme de la chrysalide et laisse pendre ses ailes molles et chiffonnées. Sous la pression de l'hémolymphe (ou sang du papillon) qui se met à circuler dans leurs nervures creuses, les ailes peu à peu se déploient et deviennent rigides. L'insecte les laisse ouvertes et bien écartées afin de les sécher et de les durcir. Il rejette par l'anus les excréments accumulés dans le tube bouché de la chrysalide. Entre quelques minutes et une demi-heure après l'éclosion, les ailes orange et noir sont rigides et le monarque prend enfin son envol.

Entre l'éclosion et l'envol, le papillon est relativement vulnérable. Il peut facilement être attaqué par différents insectivores, notamment si la chrysalide est proche du sol. Afin de limiter les risques, l'éclosion n'a lieu qu'à un moment particulièrement favorable : principalement le jour, si une température relativement clémente (supérieure à 4 °C) permet à l'animal d'acquérir rapidement sa mobilité. À l'inverse, le monarque éclôt rarement lorsqu'il fait moins de 4 °C, car le froid le paralyserait au moment de l'envol, ou lorsqu'il pleut, car les gouttes de pluie alourdiraient ses ailes. De même, le vent risquerait de décrocher le papillon encore incapable de voler et celui-ci, tombé au sol, pourrait être attaqué par un prédateur.

Les grands voyages des monarques adultes

Largement répandu dans le monde, le monarque est particulièrement fréquent en Amérique du Nord, où il effectue de grandes migrations. Durant juillet et août, il se rencontre au nord des États-Unis et au Canada, le long des routes, dans les prairies et les jardins : hormis les temps d'accouplement, chaque papillon vit solitaire, butinant des plantes vénéneuses, telles que les Heliotropa ou les Crotalaria, dont les alcaloïdes servent à la constitution des phéromones ainsi qu'à protéger le papillon, par leur toxicité, contre ses prédateurs. À la différence de sa chenille, l'adulte ne broie pas les feuilles, il ne fait qu'aspirer avec sa trompe le nectar des fleurs et le suc des fruits.

Vers septembre, les monarques commencent à se regrouper et à voler en direction du sud-ouest. Tout au long du chemin, ils butinent à droite et à gauche : c'est le vol distrait. Se gavant de nectar, ils vont multiplier leur poids par six avant d'arriver sur les lieux d'hivernage au Mexique, en Californie et en Floride. Cela ne les empêche pas de parcourir quelque 25 à 35 km par jour et de pouvoir faire face à des vents contraires de 15 km/h. La capture de spécimens marqués a prouvé que le monarque était capable de couvrir plus de 1 900 km à raison de 30 km/jour. Le plus long vol enregistré pour un seul insecte atteindrait presque 3 000 km, en 130 jours. Les populations migrantes sont en constant renouvellement, car, tout au long des migrations, les femelles déposent les œufs qu'elles fertilisent avec les spermatozoïdes stockés depuis l'accouplement.

La trompe à nectar

La trompe à nectar



Formée par un canal central situé entre deux gouttières accolées, la trompe du monarque (ou proboscis) lui permet de se nourrir en aspirant le nectar des fleurs, le suc des feuilles ou des fruits. Au repos, elle est enroulée sous la tête du papillon. Quand l'insecte veut s'en servir, il la déroule par un afflux d'hémolymphe dans les gouttières, qui accroît la pression sanguine dans cet organe.

Un instinct infaillible

Bien que, d'une année sur l'autre, ce ne soient pas les mêmes individus qui migrent – car peu de monarques vivent assez longtemps pour effectuer ce vol de retour vers le site d'hivernage –, les nouvelles générations suivent toujours les mêmes voies, se posent toujours la nuit sur les mêmes arbres, se regroupant en agglomérats sur les mêmes eucalyptus ou les mêmes pins où avaient séjourné leurs ancêtres. Les monarques restent ainsi groupés tout l'hiver, ne se livrant à d'autre activité qu'au nourrissage.

Fin février commence la migration printanière des papillons vers le nord. Femelles et mâles volent en groupes séparés, vite et haut, jour et nuit, sans se nourrir : c'est le vol direct. Seules certaines femelles font encore une pause pour déposer leurs œufs.

Pour tout savoir sur le monarque

Monarque (Danaus plexippus)

Aussi appelé asclépiade, promeneur, ou brun-veiné-de-noir, le monarque, comme tous les papillons, a une tête, un thorax et un abdomen. L'ensemble est protégé par une armure chitineuse (l'exosquelette) disposée en une série de segments séparés par des membranes flexibles qui permettent à l'insecte de se mouvoir. L'animal est entièrement recouvert de poils, ce qui lui donne une apparence douce et duveteuse.

La tête, aux yeux sphériques et bombés, porte l'appareil buccal et les organes sensoriels. À la différence de la chenille, le papillon ne mord ni ne mâche sa nourriture, il n'a donc pas de mandibules, mais simplement une trompe suceuse pour aspirer le nectar des fleurs, la sève des arbres, le suc des fruits gâtés... Deux palpes labiaux, de chaque côté de la trompe, sont recouverts d'une épaisse couche d'écailles et de poils sensoriels et testent la nourriture. Les antennes, articulées et mobiles, portent les récepteurs de l'odorat et ceux permettant à l'insecte de s'orienter en vol.

Le thorax comprend les éléments moteurs : les pattes et les ailes. Les pattes antérieures du monarque sont atrophiées, ce qui les rend impropres à la marche, surtout en ce qui concerne les mâles ; elles servent surtout au nettoyage des antennes et à prélever un peu de nourriture pour la goûter. Les ailes sont constituées de deux membranes soutenues intérieurement par un réseau de nervures où circule l'hémolymphe. Les ailes antérieures sont nettement plus grandes que les ailes postérieures. Sur certaines écailles des ailes, les monarques mâles possèdent des caractères sexuels secondaires, les androconies, petits sacs contenant des substances attractives. Les ailes sont reliées au thorax par de petites articulations souples, les sclérites, qui permettent un battement régulier de haut en bas. En général, l'aile postérieure possède un lobe qui s'appuie contre la face inférieure de l'aile antérieure et assure ainsi la synchronisation des battements.

L'abdomen, mou, se compose de dix segments dont les derniers portent les organes reproducteurs secondaires. Chez le mâle, une paire de valves sert à retenir la femelle pendant l'accouplement. Chez la femelle, les derniers segments s'unissent pour former un tube de ponte, ou ovipositeur.

Les organes internes baignent dans l'hémolymphe (sang du papillon) qui est propulsée à l'intérieur du corps par la contraction du cœur (de forme allongée et tubulaire) et qui revient à lui à travers de petits pores, ou ostioles.

Le système digestif se compose du pharynx, qui aspire le nectar provenant de la trompe, de l'œsophage, du jabot, qui sert de réservoir de nourriture, de l'estomac, qui digère les aliments, et des intestins, qui rejettent les éléments indigestes. Les tubes de Malpighi assurent l'excrétion en stockant les déchets qui circulent dans l'hémolymphe.

Le système nerveux est formé de ganglions nerveux reliés en chaîne. Les organes reproducteurs consistent en une paire de gonades et un système de tubes qui transportent les spermatozoïdes ou les ovules. Tous ces organes reçoivent l'oxygène par des trachées qui débouchent vers l'extérieur du corps par les stigmates.

Les mues sont sous la dépendance de deux types d'hormones produits par des cellules cervicales neurosécrétrices : l'ecdysone, qui déclenche la mue nymphale (apparition de la chrysalide) et la mue imaginale (papillon) ; et la néoténine, qui, associée à l'ecdysone, déclenche les mues larvaires.

          

MONARQUE

Nom (genre, espèce) :

Danaus plexippus

Sous-famille :

Danaïnés

Famille :

Nymphalidés

Super-famille

Papilionoidés

Ordre :

Lépidoptères

Classe :

Insectes

Identification :

Papillon diurne : ailes orange, blanc et noir ; tête et thorax noirs tachetés de blanc ; antennes ; pattes antérieures atrophiées. Chrysalide bleu opaque, taches dorées sur les lignes de fracture ; texture lisse ; suspendue la tête en bas. Chenille jaune zébré de noir ; deux paires de tentacules noirs à l'avant et à l'arrière du corps

Taille :

70 mm (envergure des ailes)

Répartition :

Nombreuses régions tropicales ; principalement en Amérique du Nord

Habitat :

Prairies

Régime alimentaire :

Végétarien

Structure sociale :

Grégaire

Saison de reproduction :

En été et au début de l'automne

Longévité :

Chenille et chrysalide, selon les conditions atmosphériques ; papillon, un an au maximum

Effectifs de population :

Difficiles à établir étant donné le remplacement rapide des individus en cours de migration

Remarque :

Espèce protégée par décrets instaurés dans les zones d'hivernage

 

Signes particuliers

Le système respiratoire est formé de trachées et de sacs aériens qui allègent l'insecte et facilitent son envol. De la tête à l'extrémité circulent l'hémolymphe et la chaîne ganglionnaire ventrale du système nerveux. Au niveau du thorax, les muscles alaires sont très développés. Le système digestif comporte 3 intestins et les tubes de Malpighi qui stockent les déchets. À l'extrémité de l'abdomen se situe l'appareil génital.

Antennes

Les antennes du monarque se caractérisent par leurs extrémités renflées (en massue) de petite taille et leur absence d'écailles. La base de chaque antenne renferme un organe de Johnson qui permet au papillon de s'orienter, surtout en vol. Des récepteurs de l'odorat sont disséminés sur toute la surface des antennes.

Pattes

Les pattes des papillons n'ont pas un grand rôle locomoteur. Grâce à leur extrémité griffue, elles servent surtout à s'accrocher aux brindilles, aux aiguilles de pins, aux pétioles de feuilles. Le pied, ou tarse, comporte aussi un bon nombre d'organes sensoriels qui permettent à l'insecte de goûter les aliments.

Coloration des ailes

Les écailles superficielles des ailes renferment les pigments responsables de la coloration.

L'aposématisme est la relation entre celle-ci et la toxicité de l'animal.

Omatidies et ocelles

Les yeux, bombés, sont composés de plusieurs milliers d'unités optiques, ou omatidies. Cette structure de l'œil fournit une imagé floue, mais est bien adaptée à la perception du mouvement. La tête porte également des ocelles qui servent uniquement à évaluer l'intensité lumineuse. Les ocelles des larves, situées sur les faces latérales de la tête, renseignent assez vaguement la chenille sur la nature de l'environnement, suffisamment du moins pour lui permettre de distinguer les zones éclairées et les zones obscures. Mais ce sont surtout le toucher et l'odorat qui sont développés chez le papillon, la perception se localisant surtout au niveau des antennes et des pattes.

Les autres papillons diurnes

La plupart des papillons sont des papillons de nuit. Pourtant, près de 20 000 espèces de papillons diurnes ont déjà été recensées : ce sont en effet celles des lépidoptères qui ont retenu le plus l'attention parce que, se déplaçant le jour, ces papillons sont plus faciles à voir et à capturer, mais surtout parce qu'ils sont nombreux à présenter de merveilleuses couleurs. Grâce à cela, il reste vraisemblablement moins d'espèces à découvrir parmi les lépidoptères diurnes qu'au sein d'autres groupes d'insectes, et l'hypothèse selon laquelle il en existerait moins de 30 000 espèces semble donc raisonnable.

La division entre papillons diurnes et nocturnes est peu valable scientifiquement, mais elle reste utilisée pour des raisons de facilité. Les papillons diurnes se distinguent par leurs antennes en massue, le fait qu'ils volent le jour et qu'ils sont souvent très colorés. Ils sont classés en 2 superfamilles et 6 familles : les Hespérioidés (1 famille) et les Papilionoidés (5 familles). Les 6 familles sont les suivantes :

Hespéridés

De 3 000 à 5 000 espèces présentes dans toutes les parties du monde.

Identification : papillons au vol rapide et bondissant très spécifique. Ailes d'une envergure de 19 à 90 mm. Coloration douce, excepté pour certaines espèces tropicales. Corps trapu, antennes pointues, ailes antérieures ayant des angles bien découpés. Certaines espèces ont des ailes postérieures terminées par une queue.

Œufs sphériques ou ovales, à base plate. Chenilles blanches, fermes, légèrement fuselées avec une grosse tête dépourvue de poils ; certaines rayées ou tachetées de couleur vive. Chrysalides lisses avec parfois une tête en pointe.

Cette famille comprend 7 sous-familles : les hespérinés,  coéliadinés, euschémoninés, eudaminés, pyrginés, hétéropterinés et trapézitinés.

Papilionidés

Environ 550-700 espèces réparties dans le monde entier, parmi lesquelles les plus grands et certains des plus magnifiques papillons qui soient.

Identification : envergure des ailes variant entre 50 et 250 mm. Œufs sphériques. Chenilles à la peau lisse et possédant un osmétérium (tentacule fourchu, souvent très coloré, qui dégage une odeur forte et se dresse juste derrière la tête). Chrysalides toujours enveloppées dans un cocon de soie ; de forme anguleuse, elles présentent des saillies à l'extrémité de la tête, qui se trouve en haut.

Deux principales sous-familles :

- les papilioninés (3 tribus, dont fait partie le machaon ou porte-queue, Papilio machaon, aux ailes se terminant par une queue), qui habitent les pays tropicaux et tempérés. Ils comptent deux genres toxiques servant de modèles : les parides et les troïdes, dont les chenilles se nourrissent d'Aristolochia vénéneux. Plusieurs espèces de papilionidés ont été classées dans les catégories « vulnérable » ou « en danger » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature). Quatre espèces sont inscrites à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) :  Papilio chikae, Papilio homerus, Papilio hospiton et le célèbre Ornithoptera ou troides alexandrae.

- les parnassiinés (2 tribus dont Parnassiini) : en  font partie les apollons (Parnassius apollo), aux ailes arrondies et à moitié transparentes, qui habitent les régions nordiques et de faible altitude. Leur vol est lent et paresseux.

Piéridés

Environ 1100 espèces dont beaucoup sont migratrices et donc répandues sur un très vaste territoire.

Identification : envergure des ailes variant de 25 à 100 mm. Couleur de fond généralement blanc et jaune, mais certaines espèces ont des colorations vives et de remarquables dessins.

Œufs fuselés. Chenille lisse, sans structures proéminentes. Chrysalide se formant la tête en haut et possédant une seule protubérance sur la tête.

Cette famille comprend les piérinés, dont certaines espèces constituent de véritables fléaux économiques, les pseudopontiinés, les dismorphiinés et les coliadinés, papillons jaunes comme les soufrés, les soucis et les citrons. Pieris wollastoni (île de Madère, Portugal) est classé dans la catégorie « en danger critique d'extinction » par l'U.I.C.N. depuis 2000.

Lycénidés

Environ 6 450 espèces, réparties dans le monde entier, surtout dans les régions tropicales, parmi lesquelles les théclas, les bleus et les cuivrés.

Identification : ailes ayant une envergure de 15 à 80 mm et une coloration métallique caractéristique, bleue ou rouge cuivré, sur la face supérieure. Ailes postérieures se terminant souvent par une queue. Œufs en forme de disque plat ou de dôme strié ou dentelé. Chenilles aplaties, aux extrémités effilées et se nourrissant sur de nombreuses plantes : les théclas sur les arbres et les arbustes, les bleus sur les légumineuses, les cuivrés sur les patiences (genre Rumex). Chrysalides courtes, attachées aux feuilles des plantes nourricières par un fil de soie. Plusieurs espèces de lycénidés ont été classées dans les catégories « vulnérable » et « en danger » par l'U.I.C.N.

Nymphalidés

Une des plus grandes familles de papillons : de 5 500 à 6 000 espèces réparties dans le monde entier avec une prédominance dans les régions septentrionales tempérées et dans les régions tropicales.

Identification : ailes ayant une envergure de 25 à 130 mm, aux motifs et aux découpes variés. Œufs de formes diverses à la surface nervurée. Chenilles possédant des épines plus ou moins développées ; certaines ayant même des tubercules sur la tête et sur l'abdomen. Chrysalides à l'apparence piquante pour certaines et lisse pour d'autres.

Leur identification est discutée. Les travaux les plus récents, toujours en cours (cf. The Tree of Life Web Project ; http://tolweb.org/tree/phylogeny.html), font état de 11 sous-familles :

- les nymphalinés, répartis dans le monde entier, constituent la plus grande des sous-familles (500 espèces) et comptent certaines espèces populaires telles que les vanesses, les nacrés, etc. ;

- les satyrinés, répandus dans le monde entier, sont des papillons de couleur terne présentant des ocelles sur les ailes. Ils comprennent 9 tribus parmi lesquelles brassolini regroupant 17 genres néotropicaux de grande taille (envergure maximale : 200 mm). Coloration des ailes en général assez terne. Certaines espèces du genre Caligo, qui possèdent de grandes ocelles sur le revers des ailes, constituent de véritables fléaux pour les bananeraies d'Amérique centrale. La tribu Morphini en fait également partie : elle compte 3 genres dont Morpho (une trentaine d'espèces) ;

- les héliconiinés comprennent environ 270 espèces, dont 200 de la tribu acraeini qui habitent essentiellement l'Afrique. Leur abdomen est mince et allongé, leurs ailes étroites sont brun rougeâtre ou sable. De nombreuses espèces des tribus heliconiini et acraeini sécrètent ou synthétisent des glucosides cyanogéniques qui les protègent de leurs prédateurs ;

- les liménitidinés, proches des héliconiinés, comprennent 4 tribus dont Limenitidini et le genre Limenitis (grand et petit Sylvain entre autres) ;

- les apaturinés rassemblent 19 genres dont les Empereurs du genre Helcyra ;

- les biblidinés (auparavant classés parmi les liménitidinés) rassemblent 6 tribus ;

- les cyrestinés comprennent trois genres (Cyrestis, Chersonesia, Marpesia) et une quarantaine d'espèces, pour la plupart d'Asie du Sud-est ;

- les calinaginés ne comprennent qu'un genre d'Asie orientale, Calinaga, et semblent apparentés aux satyrinés et/ou aux charaxinés ;

- les libythéinés rassemblent 13 espèces, reconnaissables à leurs palpes labiaux très développés ; ailes brunes ou mauves ;

- les charaxinés, répartis dans le monde entier, sont munis de prolongements à l'extrémité des ailes postérieures. De couleurs variées (blanc, brun, orange, jaune, bleu et vert pâle), ils ont souvent des dessins complexes sur les ailes ;

- les danaïnés regroupent 300 espèces tropicales et subtropicales qui disposent de fluides nauséabonds ou toxiques extraits de leurs plantes nourricières, car tous les papillons de cette sous-famille se nourrissent de laiteron vénéneux ou d'autres plantes toxiques. Leurs couleurs signalent leur toxicité aux prédateurs. Ils comprennent 3 tribus, dont Ithomiini, papillons de la région néotropicale, se protégeant grâce à l'émission d'un liquide nauséabond. Leurs ailes sont presque totalement transparentes ou vivement colorées de brun-orangé, avec des dessins en forme de lignes ou de taches noires ou blanches.

À ces 11 sous-familles, s'ajoute la petite tribu Pseudergolini, classée pendant longtemps dans les liménitidinés.

Huit espèces de nymphalidés ont été classées par l'U.I.C.N. dans la catégorie « vulnérable » et une est « en danger critique d'extinction » (Heliconius nattereri au Brésil).

Riodinidés

950 espèces.

Identification : œufs ovales et nervurés, chenilles vertes et couvertes de poils fins, chrysalides lisses ou bossues, suspendues la tête en bas et parfois dans un cocon de soie.

3 sous-familles :

- les riodininés rassemblent 7 tribus ;

- les euselasiinés rassemblent 3 tribus ;

- les néméobiinés comprennent tous les riodinidés de l'Ancien monde ;  ils vivent en majorité dans la région néotropicale et sont de formes et de couleurs très variées.

Milieu naturel et écologie

Outre le continent américain, le monarque fréquente les îles du Pacifique, les Canaries, les îles du Cap-Vert et l'ouest de l'Europe. On le rencontre aussi sur certaines îles du Pacifique sud, là où poussent des laiterons, plantes du genre Asclepias, souvent introduites par l'homme, notamment en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hawaii. Ce papillon pourrait, apparemment, s'établir dans de nombreuses régions du monde si certaines espèces de laiterons y étaient introduites. C'est, en effet, à cette plante qu'il doit sa plus grande protection. Sa chenille se nourrissant de ses feuilles en assimile les puissantes toxines qui vont rendre, sa vie durant, le papillon dangereux, voire mortel, pour presque tous ses prédateurs potentiels. De nombreux insectivores, tel le geai de Floride (Aphelocoma coerulescens), ont appris à éviter de consommer des monarques pour y avoir goûté et avoir souffert de vomissements ou de troubles neuronaux. Il leur suffit ensuite de reconnaître les couleurs d'avertissement du papillon pour se méfier de lui. Quant à l'insecte, il est suffisamment coriace pour survivre aux piqûres et aux manipulations brutales : il peut perdre un fragment d'aile dont le goût désagréable suffira à dégoûter son éventuel prédateur sans que cela l'empêche de voler.

Le système de défense du monarque est si efficace qu'il donne lieu à de nombreuses imitations, y compris au sein de l'espèce (c'est l'automimétisme) : une chenille de monarque peut consommer des laiterons non vénéneux comme Asclepias syriaca, se métamorphoser en un papillon comestible et rester indiscernable d'un monarque de type nocif.

Seule une souris raffole du monarque vénéneux

Si les insectivores évitent le plus souvent de toucher au monarque, il est cependant une petite souris mexicaine, Peromyscus melanotis, qui en raffole. Elle se nourrit même exclusivement de ce papillon pendant l'hiver. Quand ces derniers affluent au Mexique, ils forment d'immenses agglomérats sur la végétation (on en a dénombré jusqu'à dix millions par hectare). Mais lorsque, dans les zones de montagne, la température frôle 0 °C la nuit, ils sombrent dans la torpeur et tombent souvent des arbres. La manne est si abondante que la souris effectue elle aussi une migration pour venir profiter de ces proies dont elle ne mange que les tissus internes, moins riches en poisons, laissant le tégument externe. Les pertes infligées aux monarques par cette souris ne sont cependant pas assez importantes pour nuire à la survie de l'espèce.

Le monarque ne souffre guère non plus des attaques de parasites. Seuls trois types de mouches parasitent ses chenilles et ses chrysalides, ce qui est relativement peu par rapport à d'autres insectes.

Le monarque craint le froid, le vent et la pluie

Les principales menaces qui pèsent sur le monarque sont d'ordre climatique : il ne supporte ni le froid, ni le vent, ni les pluies trop violentes. Des observations ont montré que les populations de monarques migrants fluctuaient selon un cycle de six ou sept ans avec une chute brutale des effectifs sur deux ans, puis un accroissement progressif durant les quatre ou cinq années suivantes. La cause de cette chute est, semble-t-il, l'apparition de mauvaises conditions climatiques. Le papillon, invertébré à sang froid, est incapable de maintenir une température corporelle constante, et les basses températures l'immobilisent complètement : au-dessous de 10 °C, il a du mal à voler, au-dessous de 4 °C, il est incapable de bouger. De même, les vents violents détournent les papillons de leur but de migration : certains se retrouvent en Europe, peut-être avec la complicité d'un bateau sur lequel ils réussissent à se poser. Le gel et la tourmente sont également redoutables : c'est ainsi que, en 1981, au Mexique, un orage a tué 2 500 000 papillons.

Vice-roi ou monarque ?

Vice-roi ou monarque ?



Protégé des prédateurs par son goût détestable et ses couleurs d'alerte sur les ailes, le monarque a suscité des imitateurs : ainsi, un autre papillon, le vice-roi, a-t-il la même taille et les mêmes ornements alaires que lui, mais, contrairement au monarque, il n'est pas toxique. C'est le principe du mimétisme batésien, décrit par l'entomologiste anglais Henry Bates pour différentes espèces de lépidoptères, et selon lequel l'espèce modèle est vénéneuse tandis que l'espèce mime, de couleur identique, est comestible.

Le monarque et l'homme

Une beauté fragile et sans défense

Le papillon est, de tous les insectes, un de ceux que l'homme préfère : il ne pique ni ne mord, n'est porteur d'aucune maladie, ne cause guère de dommages (sous sa forme adulte du moins). Mais la beauté de ses ailes lui vaut d'être traqué par les collectionneurs et les modifications de l'environnement sont une lourde menace pour cet insecte ailé très dépendant de son milieu.

Du badinage à la philosophie...

Beau et fragile, la légèreté du virevoltant papillon évoque le badinage. L'animal est l'emblème de l'inconscient dans la Bhagavad-Gita, poème philosophique sanskrit : « Comme les papillons se hâtent à leur mort dans la flamme brillante, ainsi les hommes courent à leur perte. » Au Japon, le papillon figure la femme, mais deux papillons réunis symbolisent le bonheur conjugal.

Ses métamorphoses en ont fait un symbole de résurrection : Psyché est représentée avec des ailes de papillon ; au Japon, Yuang-ko est un immortel jardinier dont la belle épouse est issue d'un ver à soie ; de même, dans un récit mythologique irlandais, l'épouse du dieu Mider, transformée en flaque d'eau par une femme jalouse, renaît en un sublime papillon. Chez les Aztèques, l'insecte aux ailes chatoyantes est le symbole de l'âme, de même chez les Lulua du Zaïre pour qui le cycle de l'homme est semblable à celui du papillon : chenille grandissante de l'enfance à la maturité, il devient chrysalide dans sa vieillesse avec pour cocon sa tombe, d'où s'envole son âme sous la forme d'un papillon.

Victimes des collectionneurs et des bouleversements du monde rural

De nombreuses espèces de papillons sont victimes de leur beauté : on les chasse pour les collectionner ou pour fabriquer toutes sortes d'objets décoratifs, tels que des jeux de dame en marqueterie d'ailes bleu irisé et jaune. Heureusement, il existe maintenant dans de nombreux pays des lois qui interdisent les collectes des espèces les plus menacées telles que le porte-queue de Corse (Papilio hospiton) ou le grand porte-queue de Jamaïque (Papilio homerus). Les monarques, quant à eux, craignent la simple curiosité : que des touristes bruyants s'approchent des arbres où, l'hiver, ils se regroupent en agglomérats et les voilà qui s'envolent. Ils cherchent ensuite à revenir sur l'arbre élu depuis des générations, mais cette dépense d'énergie les rend moins résistants pour leur long vol de printemps. Les papillons perturbés ont un taux de mortalité plus élevé et un taux de reproduction plus faible. Aussi, dans certaines régions, des gardiens protègent-ils leur tranquillité.

Mais les bouleversements brutaux des écosystèmes représentent la plus grave menace pesant sur les papillons. Le grand cuivré (Lycaena dipar) a disparu de Grande-Bretagne dès le xviiie siècle, puis d'Europe centrale et d'Asie tempérée du fait du drainage des zones marécageuses. Le collier royal (Speyeria idalia), qui se rencontre au Canada et aux États-Unis, s'est raréfié avec la mise en culture de la Prairie. Le porte-queue zèbre (Eurytides marcellinus), autre papillon nord-américain, souffre de la destruction de sa plante nourricière et de l'expansion urbaine. La suppression des haies, l'utilisation des insecticides ont fait disparaître de Grande-Bretagne et rendu rare en Europe continentale la piéride de l'aubépine, ou gazé (Aporia cratagei), dont les chenilles sont des parasites des arbres fruitiers. Plus dramatique encore : la destruction systématique de la forêt tropicale est responsable de la raréfaction et de la disparition de nombreuses espèces, tel l'ornithoptère de la reine Alexandra (Ornithoptera ou troides alexandrae) de Nouvelle-Guinée, un des plus grands papillons au monde.