jaguar

Jaguar
Jaguar

Le jaguar est l'équivalent américain de la panthère de l'Ancien Monde, à laquelle il ressemble d'ailleurs beaucoup. Son territoire s'étendait des États-Unis au nord de l'Argentine. Voilà qui témoigne de ses capacités d'adaptation. Dans le Nouveau Monde, seul le puma occupe une zone de répartition plus vaste en latitude.

Introduction

Entre 1,6 million d'années et 100 000 ans avant notre ère, vivait Panthera augusta, sur l'actuel territoire des États-Unis. Cette espèce géante serait, pour certains scientifiques, l'ancêtre direct de Panthera onca, notre jaguar. Peu à peu, sa taille se serait réduite, ses pattes se seraient proportionnellement raccourcies. D'autres chercheurs doutent de cette interprétation. Ils avancent, en s'appuyant sur les découvertes faites dans plusieurs sites fossiles, que les deux formes ont pu cohabiter jusqu'à la disparition du jaguar géant qui s'éteint au début de l'époque moderne, en même temps que l'homme arrive.

L'histoire du jaguar n'est pas pour autant limitée au Nouveau Monde. Comme beaucoup de mammifères, il est arrivé sur ce continent par le détroit de Béring, au nord, à la fin de l'ère tertiaire ou au début du quaternaire, puis il a pu envahir le Sud lors de l'émergence de l'isthme de Panamá. Aujourd'hui, c'est d'ailleurs principalement dans les pays d'Amérique latine que vit le jaguar.

Mais on trouve la trace d'espèces qui s'en rapprochent dans certains sites d'Asie et d'Europe. Panthera gombaszoegensis ressemble beaucoup au jaguar géant et date du pléistocène européen. D'aucuns y voient un ancêtre du lion ou du jaguar, voire des deux. L'espèce devait habiter les forêts caducifoliées tempérées, ou semi-tropicales.

Quelle que soit son origine, eurasiatique ou plus typiquement américaine, le jaguar est aujourd'hui le seul représentant du genre Panthera dans le Nouveau Monde et le plus grand mammifère prédateur en zone intertropicale américaine. S'il a pu, faute de concurrents, élargir sa niche écologique, en revanche la faible densité de ses proies a dû considérablement limiter son développement. Il est également possible que sa présence ait modifié l'équilibre faunistique qui régnait auparavant. Par la suite, l'arrivée de l'homme, accompagné de ses animaux domestiques, a encore transformé ces données. Rien n'est pour autant définitivement réglé : par endroits, le bétail semble favoriser l'expansion du jaguar, mais il n'est pas certain que ce félin soit, à plus long terme, toléré lorsqu'il contrarie les intérêts économiques immédiats.

Le jaguar continue à passionner les scientifiques, car il reste l'un des grands prédateurs les moins bien connus.

La vie du jaguar

Chasseur ou pêcheur, mais toujours à l'affût

Bien qu'il vive volontiers dans les arbres, le jaguar chasse surtout à terre. Dans le milieu fermé qu'il habite, il pratique l'affût. Parfois, le hasard lui permet de surprendre un animal, de l'approcher sans être repéré et de fondre sur lui. Ou alors, connaissant les habitudes des espèces dont il se nourrit, il s'embusque et guette leur passage. Puis il se retire dans un endroit tranquille pour dévorer sa proie. S'il ne la consomme pas entièrement, il lui arrive de la recouvrir de terre pour revenir la terminer le lendemain. Il ne dédaigne pas non plus les animaux déjà morts.

Il est difficile d'observer directement les faits et gestes de cet animal sauvage. Ce que l'on sait de ses pratiques alimentaires provient essentiellement de l'analyse des restes de ses repas ainsi que de ses fèces (on y retrouve les poils des animaux qu'il a ingurgités).

Des proies variées mais souvent importantes

Le régime alimentaire du jaguar est très varié. Il chasse et pêche, capturant des ongulés comme les tapirs, les pécaris, les petits cerfs sud-américains (les mazamas), attrapant de gros rongeurs (capybara, paca, agouti), sans négliger les tatous, les caïmans, les tortues, les poissons. À l'occasion, il attaque le bétail. Il n'est d'ailleurs pas impossible que les effectifs des jaguars aient crû au début de la colonisation de l'Amérique par les Européens : l'arrivée de troupeaux domestiques a rapidement diversifié les habitudes alimentaires de l'espèce.

Le tapir représente la proie la plus grosse que le jaguar puisse rencontrer. Pourtant, il ne serait pas dévoré systématiquement. Ainsi, au Belize, le chercheur Alan Rabinowitz n'a jamais trouvé de poils de tapir dans les fèces de jaguar qu'il a analysées. À l'inverse, les tapirs sont fréquemment couverts de cicatrices correspondant à des attaques manquées. Leur peau épaisse les protège des coups de griffes. Quand un jaguar bondit sur eux, ils savent se jeter dans des fourrés très denses. Du reste, les tapirs sont eux-mêmes en diminution importante partout où ils vivent, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et surtout en montagne.

La chair du capybara ou cabiai, est également très prisée par le jaguar. Cet animal, le plus gros rongeur que l'on connaisse, pèse quelque 50 kg à l'âge adulte. Semi-aquatique, il vit en petits groupes au bord des fleuves et des lacs. Le jaguar semble avoir une méthode spéciale pour le capturer : il mord le capybara à la base du crâne, cherchant à toucher le cerveau. À cet endroit, l'épaisseur de l'os crânien peut aller jusqu'à 2 cm. Mais les crocs puissants du jaguar sont capables de le traverser. On a même observé un crâne qui avait dû être saisi par les oreilles : les canines du jaguar avaient atteint les centres vitaux de sa proie sans presque laisser de traces sur la boîte crânienne.

Lorsqu'il pêche au bord de l'eau, le jaguar attend patiemment qu'un poisson passe à sa portée. Comme tous les chats, il ne contrôle pas complètement le bout de sa queue, si bien qu'elle martèle parfois la surface de l'eau. C'est peut-être la raison pour laquelle les Indiens d'Amérique du Sud croient que le jaguar pêche véritablement avec sa queue. Il n'en reste pas moins vrai que le jaguar est un pêcheur adroit et qu'il met à son menu des poissons de toutes tailles, et même des caïmans.

Les tortues : un mets recherché

Les tortues : un mets recherché



Le jaguar est assez habile pour consommer les tortues terrestres et les tortues d'eau douce sans casser leur carapace, quand elles mesurent au moins une trentaine de centimètres. Le félin peut alors extraire toutes les parties molles du reptile en glissant une patte par le grand orifice antérieur de la carapace et nettoyer proprement l'intérieur. Si la tortue est trop petite, il casse la carapace avec ses dents.

Le jaguar sait surprendre les tortues d'eau douce lorsqu'elles sortent des rivières et des lacs pour pondre sur les bancs de sable ou les berges. Il les ramasse et va les manger à l'abri de la végétation de la rive. La présence de carapaces de tortues vides peut être le signe qu'un jaguar se trouve dans les parages. Il semble en effet être le seul grand félin à agir de la sorte. La rareté relative des proies qui lui sont offertes expliquerait, en partie, ce comportement : ainsi, il serait forcé de ne négliger aucune source d'alimentation possible.

Un ermite errant

Comme beaucoup de grands prédateurs, le jaguar mène une existence essentiellement solitaire. La densité des proies disponibles y est probablement pour quelque chose. Cette quantité de nourriture conditionne, en fait, la surface des territoires – ou plutôt des domaines vitaux – parcourus par chaque animal. Ces superficies peuvent varier de 5 à 500 km2.

Des études menées sur les populations de jaguars au Brésil ont  évalué la densité moyenne à 1 jaguar pour 25 km2. Ce calcul est plus complexe dans le détail. En effet, les domaines vitaux individuels des femelles varient de 25 à 38 km2 et comportent de larges zones de recouvrement. En revanche, les mâles, qui dépasseraient de 20 % en taille et en poids les femelles, se réservent des territoires presque deux fois plus étendus, exclusifs d'un mâle à l'autre, mais recouvrant ceux de plusieurs femelles.

Des travaux effectués au Belize, dans les Cockscomb Mountains, estimaient à 25 ou 30 le nombre de jaguars habitant les 370 km2 de la zone examinée et faisaient  état de contacts possibles entre tous les mâles et femelles. Les jaguars n'utilisent pas en permanence l'ensemble de leur domaine. Selon la densité de leurs proies, ils peuvent rester cantonnés durant plusieurs jours dans un petit secteur, jusqu'à ce que leurs sources alimentaires s'épuisent ou se dispersent. Ils se déplacent alors et s'installent ailleurs.

Un système de communication très efficace

Pour signaler sa présence, le jaguar a plusieurs types de signaux à sa disposition. Il se sert souvent de son urine. Comme tous les chats mâles, il peut arroser assez haut au-dessus du sol, en tournant le dos au support choisi. De la sorte, la marque qu'il laisse est au niveau du nez, ce qui simplifie son repérage. Les griffures sur les arbres sont des signaux visuels. Il semble que, sur son domaine, chaque animal sélectionne des arbres particuliers pour y laisser la trace de ses griffes, si bien qu'on peut parler réellement d'un marquage et non d'une simple envie de faire ses griffes. Enfin, les signaux auditifs, rugissements, grognements et autres feulements, permettent aux jaguars de se communiquer leur position respective.

Il arrive également que des individus, des mâles en général, parcourent de grandes distances sans que l'on sache pourquoi. Le record enregistré par les observateurs est détenu par un animal qui a été retrouvé à 800 km de son domaine initial.

Si le jaguar se déplace et chasse au sol, il exploite aussi toutes les ressources de la forêt tropicale. C'est ainsi qu'il grimpe fréquemment sur les arbres, que ce soit pour faire la sieste sur une grosse branche ou traverser une zone inondée sans trop se mouiller. Pourtant, l'eau ne l'effraie pas. Elle ne manque pas dans son environnement naturel et, d'ailleurs, il nage volontiers : s'il n'utilise pas habituellement les cours d'eau comme voies de communication, il ne répugne pas à traverser des fleuves relativement larges.

L'appel du jaguar

L'appel du jaguar



Le jaguar est difficile à voir, mais il est plus facile à entendre. Nombreuses sont les expressions utilisées pour décrire son appel et ses vocalisations. D'aucuns contestent qu'il rugisse comme le lion. Mais il peut grogner, miauler, feuler, gronder... Il paraît que sa voix rappelle une toux rauque et aboyée, ou le bruit que l'on fait en sciant du bois. On sait encore mal ce que signifie chaque type d'appel. Le cri saccadé et accordé au rythme de la respiration est peut-être territorial. Le miaulement semble lié à la reproduction.

Des familles peu nombreuses

L'époque des chaleurs de la femelle est le seul moment où l'on puisse rencontrer un couple d'adultes. Les mâles repèrent l'état de la femelle aux odeurs qu'elle laisse dans son urine. Puis ils entreprennent activement de la rechercher. Il arrive que plusieurs mâles soient attirés par la même femelle. La situation va alors dépendre de leur taille respective. Habituellement, le mâle le plus puissant domine les autres, qui restent à distance, mais suivent malgré tout le couple. Les spécialistes n'ont jamais assisté à des combats entre mâles. Néanmoins, ils repèrent de temps en temps des animaux qui portent des plaies ou des cicatrices à la tête et au cou. Peut-être ont-ils lutté autour d'une femelle en chaleur.

L'accouplement des grands chats semble toujours un peu violent en apparence. Chez les félidés, l'ovulation est provoquée par l'accouplement : on pense donc que ce comportement doit favoriser les chances de fécondation. Cette union est souvent ponctuée de miaulements assez typiques.

Il n'y a pas de saison très marquée pour la reproduction de l'espèce en zone tropicale. Toutefois, dans les régions où il existe une vraie saison des pluies, les naissances ont lieu plutôt à cette époque, lorsque la nourriture est la plus abondante. Dans le Nord (au Mexique) et le Sud (en Argentine), la reproduction des jaguars est nettement saisonnière.

La gestation dure environ 3 mois (soit de 93 à 105 jours), et il naît entre un et quatre jeunes par portée. Au Belize, où les naissances sont concentrées entre mai et janvier (elles surviennent à 85 % pendant la saison des pluies, de mai à septembre), les portées comptent en moyenne deux petits.

Aveugles jusqu'à l'âge de 13 jours

À la naissance, les nouveau-nés pèsent de 700 à 900 grammes. La femelle les met au monde dans un endroit bien abrité qu'elle ne quitte, tout d'abord, que pour aller se nourrir. Durant les premières semaines de leur existence, ils sont sourds et aveugles et dépendent complètement de leur mère. Leurs yeux s'ouvrent au bout de 13 jours.

Ils restent environ 6 mois dans la tanière où la femelle les a mis au monde, ou aux alentours. Ensuite, ils l'accompagnent dans sa vie nomade, sur son domaine, pendant dix-huit mois à deux ans. Leur mère continue alors de veiller sur eux. Dans la forêt, les dangers sont multiples. La menace ne vient pas seulement des autres animaux ; les mâles adultes s'attaquent parfois aux jeunes, surtout dans les régions où il existe une forte densité de jaguars.

Le devenir de la portée dépend aussi de cette densité. Si elle est faible, les jeunes n'auront pas de mal à trouver un territoire où se fixer. Si elle est plus élevée, il leur sera peut-être plus difficile de s'établir. Il leur arrive de rester groupés au début de leur vie adulte, pendant quelques mois, avant de s'installer chacun chez soi. Les mâles bougent plus que les femelles, leurs déplacements peuvent atteindre quelques dizaines de kilomètres. Inversement, les jeunes femelles restent un certain temps, semble-t-il, sur le territoire de leur mère.

Pour tout savoir sur le jaguar

Jaguar (Panthera onca)

L'appartenance du jaguar à la famille des félidés ne fait aucun doute. Sa silhouette générale l'atteste sans ambiguïté. Son pelage permet de le distinguer des autres représentants du genre Panthera et, en particulier, de la panthère (P. pardus). Si la tête, le ventre et les pattes sont marqués de taches noires pleines, dos et flancs portent des rosettes noires qui encerclent des points foncés, sur un fond variant du jaune au roux. Le fond du ventre est blanc. Le dos de l'oreille est noir, avec une tache blanche. La commissure des lèvres se prolonge également par une marque noire.

L'existence de jaguars noirs est connue depuis longtemps. Il s'agit d'une mutation mélanique. Mais cette caractéristique ne semble pas dépendre de critères écologiques ou géographiques particuliers. Les deux couleurs peuvent d'ailleurs se retrouver dans une même portée. Lorsque la fourrure est noire, le dessin des taches et des rosettes reste visible, si on observe l'animal sous un bon éclairage.

Les pattes courtes et puissantes du jaguar sont adaptées à sa vie arboricole. La musculature de son corps lui permet, à l'issue de l'affût, de bondir sur ses proies avant qu'elles n'aient le temps de réagir. Il doit cependant s'avancer plus près d'elles que la panthère, car sa masse ne lui permet pas des sauts d'une amplitude comparable à ceux de celle-ci. Inversement, il est capable de terrasser des animaux de 200 à 300 kg et la puissance de ses mâchoires est vraiment impressionnante.

L'ouïe et l'odorat lui sont plus utiles que la vue, puisqu'il habite la forêt. Mais ses sens semblent tous bien développés. Les vibrisses situées sur sa tête et son museau doivent l'aider à s'orienter à courte distance.

Ses pattes et surtout ses cinq doigts aux griffes rétractiles sont fort habiles, en particulier lorsqu'il extrait les tortues de leur carapace pour les consommer. Comme les primates, il est doté d'une clavicule, ce qui donne à ses membres antérieurs une souplesse parfaite. Cet atout est parfois d'un grand secours lors de la capture d'une proie : le félidé arrive de côté, se jette sur elle en enlaçant son avant-train et la fait basculer à terre. Le jaguar emploie cette méthode commune aux représentants du genre Panthera pour capturer des bovins. La vache ou le veau meurt dans sa chute, les vertèbres cervicales brisées. Le jaguar accompagne son mouvement d'une morsure à la nuque, à la base des oreilles. Certains ranches sud-américains ont été le théâtre de combats extraordinaires entre des taureaux et des jaguars. Face à des proies plus petites, le félidé se sert de sa patte comme d'un assommoir, fracassant le crâne de sa victime d'un seul coup.

Les sous-espèces

Il existe 9 sous-espèces de jaguars dont certaines sont en danger d'extinction  aujourd'hui. Ce sont :

Panthera onca arizonensis, disparu aux États-Unis (Arizona et Nouveau-Mexique), présent au Mexique (côte pacifique) ;

Panthera o. veraecrucis, Texas et Mexique (côte atlantique) ;

Panthera o. hernandesii, sud du Mexique ;

Panthera o. goldmani, Mexique ;

Panthera o. centralis, de l'Amérique centrale à l'Équateur, à l'ouest des Andes ;

Panthera o. peruviana, de l'Équateur au Pérou, à l'ouest des Andes ;

Panthera o. onca, autrefois du Venezuela au sud du Brésil, et dans les Guyanes.

Panthera o. palustris, autrefois du sud du Brésil à l'Argentine, en Uruguay, au Paraguay et en Bolivie ;

 Panthera onca paraguensis, au Paraguay.

          

JAGUAR

Nom (genre, espèce) :

Panthera onca

Famille :

Félidés

Ordre :

Carnivores

Classe :

Mammifères

Identification :

Silhouette plus lourde, queue moins longue et tête plus massive que la panthère. Robe claire, parfois noire, avec des rosettes noires entourant des points sombres

Taille :

De 1,12 à 1,85 m ; queue : de 0,45 à 0,75 m. Garrot : de 0,68 à 0,76 m

Poids :

De 36 à 158 kg (de 57 à 113 kg en moyenne). Les femelles sont plus petites (20 % en moins)

Répartition :

Depuis le Mexique jusqu'au nord de l'Argentine

Habitat :

Forêts tropicales, forêts sèches, buissons prédésertiques ; au-dessous de 1 000 m d'altitude

Régime alimentaire :

Carnivore

Structure sociale :

Solitaire et territorial

Maturité sexuelle :

Entre 3 et 4 ans

Saison de reproduction :

Plutôt la saison des pluies

Durée de gestation :

100 jours en moyenne

Nombre de jeunes par portée :

De 1 à 4

Poids à la naissance :

De 700 à 900 g

Longévité :

22 ans en captivité ; 10 ans environ en nature ; 50 % de mortalité avant l'âge de 2 ans

Effectif, tendances :

Estimé à quelques dizaines de milliers (moins de 50 000 individus matures) ; en régression

Statut, protection :

Inscrit à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) [chasse et commerce interdits]. Quasi menacé.

Remarque :

Malgré la protection de l'espèce, le jaguar est toujours pourchassé en Guyane française, où l'interdiction porte sur sa « naturalisation ou, qu'ils soient vivants ou morts, le colportage, la mise en vente, la vente ou l'achat »

 

Signes particuliers

Taches

Le jaguar se reconnaît aux rosettes bien particulières présentes sur ses flancs. Elles sont constituées de taches noires, dessinant des polygones où sont inclus des points noirs en nombre variable. En revanche, sur la tête, le ventre et les pattes, les taches noires sont pleines. Le fond de fa fourrure varie du jaune au roux. Chez les jaguars mélaniques, ce fond est foncé, presque noir ; cependant, il est toujours possible de distinguer les taches et les rosettes. On ignore les raisons de cette mutation.

Clavicule

C'est l'os de l'articulation du bras sur l'épaule qui permet les mouvements d'embrassement chez les félidés. Le cheval, qui en est dépourvu, ne peut faire que des mouvements de jambe parallèles à la longueur de son corps.

Empreinte

Elle montre une grande pelote plantaire et quatre petites marques correspondant aux pelotes digitales. Le pouce ne laisse pas d'empreinte sur le sol. La largeur d'une patte avant peut atteindre 12 cm, celle d'une patte arrière de 7 à 8 cm.

Les autres félins d'Amérique du Sud

La famille des félidés ne compte pas moins de 36 espèces répartis sur les divers continents et classées en deux-sous familles, les félinés (11 genres et 30 espèces) et les panthérinés (3 genres dont panthera et 6 espèces). En plus du puma, qui est le plus grand des « petits chats », et du jaguar, les félidés sont représentés en Amérique centrale et en Amérique du Sud par 8 espèces.

Peu d'études scientifiques ont été faites sur ces espèces qui, dans l'ensemble, restent très mal connues. Certaines d'entre elles sont victimes de destructions massives à cause de la beauté de leur fourrure très recherchée.

Ocelot (Leopardus pardalis)

C'est un magnifique chat tacheté de taille moyenne qui pèse environ 12 kg. Certains sujets de cette espèce peuvent peser jusqu'à 15 kg.

Animal nocturne, l'ocelot est volontiers arboricole. Il se repose dans la journée. Il semble qu'un couple puisse partager un même domaine vital en s'y déplaçant indépendamment l'un de l'autre.

La reproduction est probablement liée à la saison des pluies. Il naît 2 jeunes en moyenne par portée, après 70 jours de gestation.

Habitat : l'espèce se rencontre dans de nombreux types de paysages. À l'origine, elle vivait dans une zone allant du sud des États-Unis au nord de l'Argentine. Actuellement, la population d'ocelots la plus septentrionale se trouve à la frontière du Texas et du Mexique. Cette sous-espèce, Leopardus pardalis albascens, est classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) depuis 1996.

Alimentation : l'ocelot est carnivore et chasse plutôt à terre. Ses proies sont variées : petits rongeurs, opossums, jeunes cerfs, marcassins de pécaris, oiseaux, petits reptiles et poissons.

Statut : depuis 1989, l'espèce est inscrite en Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) [commerce et chasse interdits].

Avant son inscription, l'ocelot a fait l'objet d'une chasse intense pour sa fourrure. Il est désormais protégé dans la plus grande partie de son aire de répartition et sa chasse est interdite en Argentine, au Brésil, en Bolivie, en Colombie, au Costa Rica, en Guyane française, au Guatemala, au Honduras, au Mexique, au Nicaragua, au Panamá, au Paraguay, au Suriname, à Trinidad, aux États-Unis, en Uruguay et au Venezuela.

Margay (Leopardus wiedii)

Ce petit félin ne pèse que de 4 à 9 kg et ressemble un peu à un ocelot en miniature. Pourtant, sa queue est proportionnellement plus longue.

L'espèce est arboricole. Son anatomie traduit cette adaptation : les pattes, larges et souples à leurs extrémités, sont pourvues de métatarses mobiles. Le pied postérieur peut tourner de 180°, ce qui est unique chez les félidés. Ses capacités de grimpeur sont étonnantes, et il descend des arbres la tête la première comme tous les vrais mammifères arboricoles.

Habitat : on le rencontre du Mexique à l'Argentine. Il a peut-être été présent au Texas autrefois.

Alimentation : carnivore, il capture ses proies dans les branches (petits rongeurs, oiseaux, lézards...).

Statut : inscrite en Annexe I de la Cites depuis octobre 1989, l'espèce était très recherchée pour sa fourrure dans les années 1980. Sa chasse et sa commercialisation sont désormais interdites en Argentine, au Brésil, en Bolivie, en Colombie, au Costa Rica, en Guyane française, au Guatemala, au Honduras, au Mexique, au Nicaragua, au Panamá, au Paraguay, au Pérou, au Suriname, en Uruguay et au Venezuela. Sa population est estimée à plus de 50 000 individus en âge de se reproduire (2002).

Petit chat-tigre (Leopardus tigrinus)

Il pèse de 2 à 3 kg. Le dessin de son pelage ressemble à celui des espèces évoquées ci-dessus. Le fond est souvent d'un bel ocre chaud, marqué de taches noires.

Il s'agit d'une espèce forestière, mal connue, peut-être en partie arboricole.

Il se reproduit assez lentement : les portées ne dépassent pas 1 ou 2 jeunes, dont le développement est, semble-t-il, très lent.

Habitat : du Costa Rica au nord de l'Argentine. Présence incertaine au Nicaragua, au Paraguay et au Pérou.

Statut : le chat-tigre a été intensément chassé pour sa fourrure, malgré les protections officielles et les règlements internationaux (inscrit en Annexe I de la Cites en octobre 1989). Sa chasse est désormais interdite en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, en Guyane française, au Paraguay, au Suriname et au Venezuela.

Chat de Geoffroy (Oncifelis geoffroyi)

Il pèse en moyenne de 2 à 3,5 kg. C'est un chat élégant, plus discrètement tacheté que les espèces plus tropicales. Son pelage varie de l'ocre au nord au gris vers le sud. Le chat de Geoffroy ne craint pas l'eau et semble même apprécier les bains. La reproduction (2 ou 3 petits) est sans doute liée à l'été austral.

Habitat : paysages variés, forêts, taillis et zones de montagne jusqu'à 3 300 m d'altitude ; depuis le sud du Brésil et de la Bolivie jusqu'en Patagonie.

Alimentation : plutôt terrestre, il chasse de petites proies (rongeurs, oiseaux, reptiles et même poissons), essentiellement la nuit.

Statut : inscrit à l'annexe I de la Cites. Activement chassée dans les années 1980, l'espèce est désormais entièrement protégée dans son aire de répartition. Sa chasse et sa commercialisation sont interdites en Argentine, en Bolivie, au Brésil, au Chili, au Paraguay et en Uruguay. Sa population ayant été estimée à moins de 50 000 individus en âge de se reproduire, le chat de Geoffroy a été classé dans la catégorie « quasi menacé » en attendant d'être éventuellement considéré comme « vulnérable ».

Kodkod (Oncifelis guigna)

C'est un petit chat de 2 à 3 kg vraiment mal connu.

La robe est tachetée de ronds noirs bien contrastés sur un fond beige. Les fourrures mélaniques ne sont pas rares.

On suppose que le kodkod a des habitudes et un mode de vie plutôt nocturnes, et qu'il est, à l'occasion, arboricole.

Habitat : forêts du sud du continent sud-américain, Chili et Argentine.

Alimentation : il semble qu'il se nourrisse de petites proies (rongeurs, oiseaux).

Statut : son isolement et sa discrétion semblent le mettre à l'abri de ceux qui font commerce de fourrures mais son habitat est menacé. Inscrit à l'annexe II de la Cites, il est protégé en Argentine et au Chili, et a été classé dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N.

Colocolo (Oncifelis colocolo)

Également appelé chat de la pampa, il pèse entre 3 et 7 kg. L'espèce est essentiellement nocturne.

Son pelage, long et soyeux, lui donne un air très élégant. Le fond de sa fourrure varie du jaune au gris, en passant par plusieurs nuances. Les taches et les rayures, de couleur brune, descendent obliquement du dos vers les flancs. La queue est touffue, la face large et les oreilles sont pointues. La silhouette du colocolo est donc nettement différente de celle des espèces précédentes.

Habitat : malgré son nom, le chat de la pampa n'habite pas que les prairies dégagées et les hautes herbes. On le rencontre aussi en forêt et en montagne. Il vit depuis l'Équateur et le Brésil (Mato Grosso) jusqu'au Chili et en Patagonie.

Alimentation : l'espèce, probablement terrestre, doit chasser les rongeurs (cobaye), les oiseaux terrestres et les gros insectes.

Statut : chassé pour sa fourrure, souvent mélangée à celle du chat de Geoffroy dans les années 1980, il a été inscrit à l'annexe II de la Cites et l'espèce est aujourd'hui protégée dans la plus grande partie de son aire de répartition, avec interdiction de la chasser en Argentine, en Bolivie, au Chili et au Paraguay, sa chasse étant réglementée au Pérou. « Quasi menacée », l'espèce pourrait être classée dans la catégorie « vulnérable » si la tendance à la baisse de ses effectifs se confirme.

Chat des Andes (Oreailurus jacobita)

Il pèse entre 3 et 7 kg. Son pelage est doux et très fin. La couleur dominante est un gris argenté marqué de taches et de rayures brunes ou orange. Sa queue fournie est parfaitement cylindrique.

Habitat : il est adapté à la vie en altitude (jusqu'à 5 000 m), à l'air sec et froid de la montagne, aux paysages de rochers et de végétation clairsemée. Il occupe les Andes, au sud du Pérou, au sud-ouest de la Bolivie, au nord du Chili et au nord-ouest de l'Argentine.

Alimentation : il se nourrit de rongeurs (chinchillas, viscaches, etc.).

Statut : mal connue, l'espèce est classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. et classée en Annexe I de la Cites. La population, estimée à 2 500 adultes matures, est en baisse en raison de la réduction des proies et de la chasse.

Jaguarondi (Herpailurus yagouaroundi)

C'est un étrange chat au pelage uni, assez bas sur pattes et ressemblant plus à une mangouste qu'à un félidé. Il pèse de 4,5 à 9 kg. Certains sont gris-brun ou noirs, d'autres rougeâtres. La tête de l'animal est petite, aplatie, ses oreilles peu développées et arrondies. Sa queue est longue.

L'espèce se déplace habituellement au sol, mais elle sait cependant grimper aux arbres. Le jaguarondi semble plus diurne que de nombreuses autres espèces de félidés. La reproduction est plutôt saisonnière au nord et au sud de l'aire de répartition.

Habitat : on le rencontre du sud des États-Unis au nord de l'Argentine. Au pléistocène, il devait habiter tout le sud des États-Unis jusqu'en Floride où l'on essaie aujourd'hui de le réintroduire. L'espèce est forestière, mais s'accommode de divers types de végétation.

Alimentation : oiseaux et petits mammifères ; chasse au sol.

Statut : l'espèce n'est pas très recherchée pour sa fourrure, car elle ne convient pas à la pelleterie. Cependant, les populations de jaguarondi des États-Unis et du Mexique (Herpailurus yaguarondi Cacomitli) sont menacées par la destruction de leur milieu naturel, sont considérées comme « en danger » et ont été inscrites à l'annexe I de la Cites. La population d'Amérique du Sud est inscrite à l'annexe II de la convention.

Milieu naturel et écologie

De l'Arizona à l'Argentine, le jaguar occupait à l'origine des milieux très variés. Il a été peu à peu éliminé de nombreuses zones périphériques où l'homme a modifié en profondeur l'équilibre de la nature. À partir du Mexique en allant vers le nord, l'habitat du jaguar aux États-Unis suivait la côte atlantique (Texas) et la côte pacifique (Arizona, Nouveau-Mexique et autrefois Californie). L'animal évitait le Centre, trop aride pour lui. Aujourd'hui, son aire de répartition a reculé d'environ 1 000 km vers le sud, et les populations de jaguars les plus nordiques se trouvent dans le sud des provinces mexicaines de Sinaloa, sur la côte pacifique, et de Tamaulipas, sur le golfe du Mexique.

À la fin des années 1980, en Amérique centrale, l'espèce n'occupait déjà que 483 000 km2, soit le tiers de son aire initiale. Seul le quart de la superficie  était correctement peuplé : la zone comprise entre le nord du Guatemala, le Belize et l'extrême sud du Mexique. Aujourd'hui, l'espèce est éteinte au Salvador. Menacée d'extinction au Panamá, elle y est protégée dans le Parc national de Darien. .

Au sud, la population des jaguars avait conservé 62 % de sa répartition originale et la densité restait stable sur plus de la moitié de la superficie alors occupée. L'espèce semble ne s'être jamais développée au Chili, ou seulement de façon marginale au nord-est du pays. Elle est éteinte en Uruguay, et a presque disparu du Paraguay et de l'Argentine. Elle n'existe pratiquement plus sur la côte brésilienne, sauf en trois endroits où des populations résiduelles se maintiennent encore. En 1999, après avoir considéré que sur 70 % de leur aire de répartition, estimée à 6,1 millions de km2, les jaguars avaient toutes les chances de survivre, la Wildlife Conservation Society (WCS),  à l'initiative d'Alan Rabinowitz et d'Andrew Taber, lança un programme global de conservation et de recensement de l'espèce pour les années 2000. Depuis, en collaboration avec les autorités nationales, diverses actions ont été entreprises et des projets de recherche conduits dans tous les pays concernés. Sa population ayant été estimée à moins de 50 000 individus capables de se reproduire, l'espèce a été classée dans la catégorie « quasi menacée » par l'U.I.C.N. en 2002.

La présence du jaguar dans une région signifie que le milieu est intact et que les proies y sont encore nombreuses. Panthera onca n'est pas le seul prédateur. Le puma, l'ocelot, voire le margay et le jaguarondi peuvent cohabiter, à condition de respecter certaines règles.

La compétition alimentaire avec les autres félidés

Les proies du jaguar varient d'une région à l'autre. Au sud-est du Pérou, le félin se nourrit de rongeurs (capybara, agouti et paca), de pécaris et de cerfs. La proportion de ces animaux dans l'alimentation du jaguar correspond généralement à leur abondance naturelle, toutefois les pécaris sont surconsommés. Inversement, au Belize, la proie principale (54 %) est un tatou, le tatou à neuf bandes qui ne pèse pourtant que 5 à 6 kg. Les plus grandes espèces disponibles, comme le fourmilier tamandua, le cerf Mazama americana et le paca, sont moins souvent consommées.

En taille, le deuxième grand félidé sud-américain est le puma (Puma  concolor). Il est difficile de déterminer avec certitude si les deux espèces sont en compétition. Le jaguar est plus puissant que le puma, mais tous deux sont capables de tuer de grosses proies. Il est possible qu'ils cherchent à s'éviter, l'un étant rare là où l'autre est fréquent. Au Pérou, le jaguar semble exploiter, plus que le puma, les forêts au bord des cours d'eau. La séparation des biotopes entraîne l'exploitation de proies différentes.

Au Belize, les deux espèces survivent parfaitement avec les petites proies localement disponibles, sans conflit apparent. Néanmoins, l'analyse des fèces du puma a montré des espèces rarement chassées par le jaguar, comme certains petits rongeurs et des opossums. Dans ces conditions, le puma peut, au contraire, entrer en compétition alimentaire avec les autres espèces de félidés. Plus au sud, au Brésil et au Paraguay, ce même puma sait parfaitement chasser des cerfs, des pécaris et même des singes. Il semble que le régime alimentaire du jaguar au Belize, spécialement orienté vers de petites proies comme le tatou, entraîne une plus grande compétition alimentaire entre les petits félidés, dont le régime potentiel se trouve, de ce fait, très réduit.

Toujours au Belize, les travaux d'Alan Rabinowitz ont dénombré cinq espèces qui composent 80 % des animaux identifiés dans les fèces de jaguar : le tatou à neuf bandes, le paca, le cerf daguet (Mazama), le pécari et le fourmilier. Pour les 20 % restants, la liste est longue, car le jaguar sait faire preuve d'opportunisme. On trouve des marsupiaux (opossums), des agoutis et divers petits rongeurs, des petits carnivores (coatis, sconses, kinkajous), des reptiles (iguanes et serpents), des oiseaux et des tortues d'eau douce. Un tiers des fèces contenaient également des herbes. Le jaguar capture ce qui est le plus simple pour lui, selon l'abondance relative des proies. Les autres félidés doivent adapter leur régime à celui de l'espèce dominante.

D'après l'analyse de leurs fèces, les ocelots du Belize consommeraient essentiellement des restes de petits rongeurs et d'opossums (80 %), et, pour compléter, des pacas, des tatous, des opossums de Virginie. La seule analyse à laquelle on ait procédé sur des fèces de jaguarondi, au Belize, a livré des restes d'opossum. Dans ces conditions, il est vrai que l'ocelot et le jaguarondi pourraient entrer en compétition avec le jaguar.

Le jaguar prédateur d'autres félins

La rivalité entre les espèces ne se manifeste pas seulement lors de la recherche de nourriture. Elle est parfois plus directe. Un chasseur du Belize a raconté qu'il avait été attiré, une nuit, par des grondements de jaguar dans la forêt : un ocelot était perché dans un arbre au pied duquel se tenait un jaguar mal intentionné. Un auteur vénézuélien a vu un autre jaguar transporter dans sa gueule le cadavre d'un ocelot qu'il avait manifestement tué. Il a également découvert un site où un jaguar et un puma avaient dû s'affronter ; il ne restait que les pieds du puma, probablement entièrement dévoré par le jaguar ! La cohabitation entre ces espèces est donc loin d'être toujours pacifique. Les petits chats doivent prendre soin d'éviter leur grand cousin, même si leurs proies habituelles, petits rongeurs et opossums, sont rarement au menu du jaguar.

La forêt amazonienne et l'ensemble de l'habitat du jaguar n'ont jamais dû héberger une nombreuse faune, et certaines espèces comme les cervidés y sont peu nombreuses et de petite taille. Il est donc possible que la faible densité des proies potentielles ait contribué à réguler la densité des jaguars en Amérique du Sud, beaucoup plus que l'inverse. Dans ce contexte, les effectifs de jaguars ont suivi les fluctuations de la faune. C'est pourquoi ils ont vraisemblablement augmenté avec l'arrivée des troupeaux européens. Mais la situation a vite évolué. Dans les années 1980, les jaguars ont été tués massivement, car ils s'attaquaient aux bovins.

À côté des restes de tapirs, de cervidés, de tatous et de fourmiliers, de rongeurs gros et petits ou encore de caïmans, de poissons et d'oiseaux, on a aussi retrouvé plusieurs fois des restes de jaguars dans des estomacs de jaguars. Il s'agissait en général d'estomacs de mâles adultes. Ceux-ci avaient pu attaquer, tuer et manger un congénère plus petit ou plus faible. Comme un certain nombre d'autres mammifères, le jaguar mâle peut tuer les jeunes de sa propre espèce quand il les rencontre. Il s'agit peut-être d'un facteur d'autorégulation de la population de jaguars qui contribue à conserver l'équilibre de la faune environnante.

Le jaguar et l'homme

Un félin américain devenu rare

À l'évocation du jaguar se mêlent la peur et l'admiration. Les hommes, qui ont longtemps partagé la même forêt que lui, ont cherché à s'approprier ses qualités par la magie, ou par la capture. Puis les chasseurs ont pris le relais, car sa peau était très prisée. Des mesures de protection ont été mises en placepour préserver cette espèce en danger.

De l'histoire à la légende

Quelle que soit l'origine précise du jaguar, il est sûr qu'il a précédé les hommes en Amérique. Le mot « jaguar » lui-même est d'origine amérindienne. Il proviendrait du tupi brésilien « janou-ara », se serait transformé en « janouare » à la fin du xvie siècle et aurait été fixé sous sa forme actuelle par Buffon, dès 1761. Au Mexique, les Aztèques appelaient le jaguar « ocelotl ».

Le félin figure en bonne place dans les traditions d'Amérique centrale et du Sud, du Mexique jusqu'au Pérou, depuis les Aztèques et les Mayas jusqu'aux Incas. Il habite les légendes et reste gravé dans la pierre depuis la nuit des temps. De nombreuses sculptures de félins grimaçants ont été retrouvées, sans que l'on sache toujours s'il s'agit du puma ou du jaguar, si l'animal est une divinité ou si la divinité a pris la forme de l'animal.

Chez les Mayas du Guatemala et chez leurs descendants actuels, le jaguar n'est pas vraiment considéré comme un dieu, mais il est très présent dans la vie spirituelle. Certains de ses attributs – la force, la puissance, la faculté de se déplacer et de chasser durant la nuit – sont des traits divins. Du moins, ils en sont le symbole. Les princes mayas étaient revêtus de peaux de jaguar. Les Olmèques, qui vivaient à l'époque des Mayas et qui avaient certainement des contacts avec eux, ont laissé de nombreuses représentations de chimères mi-homme mi-jaguar.

De nos jours encore, il existe des groupes ethniques qui continuent à se servir d'une peau de jaguar lors de cérémonies, à porter des griffes et des canines pour se protéger et être investis de la force de l'animal. Le sang du félin est réputé transmettre la force et la puissance à un nouveau-né ou à celui qui le boira.

Récits de rencontres

Les récits de l'explorateur allemand Alexandre von Humboldt laissent penser que les jaguars étaient plus faciles à rencontrer au début du xixe siècle.

En débarquant un jour, il vit un énorme jaguar couché sous un arbre, qui s'apprêtait à déguster un capybara qu'il tenait sous sa patte. Non loin, une foule de vautours observait. Le félin, alerté par le bruit du bateau, abandonna sa proie pour se cacher et les vautours s'approchèrent. Visiblement furieux, le jaguar réapparut, bien décidé à ne pas se laisser ravir son festin, qu'il emporta dans la forêt.

Il semble bien que l'homme n'ait pas à craindre le félin et qu'il n'y ait pas de jaguar mangeur d'homme. Von Humboldt rapporte même l'histoire d'un jaguar jouant avec un enfant et qui s'était enfui lorsque celui-ci l'avait frappé. Cette tradition de félin pacifique remonte à la conquête espagnole : un puma et un jaguar, lâchés par les Indiens d'un village pour attaquer les Espagnols de Pizarro, se seraient couchés au pied des conquistadores.

Jaguars et bovins : gourmandise et nécessité

La protection des bovins dans les ranches justifie la chasse au jaguar, car ce prédateur ne dédaigne pas d'entamer les cheptels pour assouvir sa faim. Au Venezuela comme au Brésil, de grandes zones d'élevage intensif de bovins se sont créées sur les terres les plus riches, souvent en lisière des forêts, sur les savanes sud-américaines appelées « llanos » au Venezuela, et toujours bien arrosées. Bref, le domaine de prédilection du jaguar.

Dans ces secteurs, la quantité de proies potentielles disponibles pour le jaguar a donc augmenté avec l'arrivée des exploitants agricoles, et, par endroits, certains jaguars traquent les cochons marron retournés à l'état sauvage, tandis que d'autres recherchent les chiens, voire les chevaux.

La plupart continuent à se nourrir de proies traditionnelles, qui ne manquent pas dans les parages. Mais d'autres marquent une préférence pour les troupeaux domestiques. Le plus souvent, le jaguar attaque des veaux de 12 à 18 mois, ce qui ne l'empêche pas de maîtriser parfois des taureaux de 500 kg. L'importance des dégâts est très difficile à évaluer. Un jaguar peut arriver à tuer 2 ou 3 têtes de bétail par semaine et ne plus consommer que de la viande de bœuf ! Il préfère en général commencer son festin par la langue...

On raconte que certains individus auraient tué 100 bovins en 2 ans avant d'être abattus. Souvent, les bovins sont pris lorsqu'ils sont conduits dans une nouvelle pâture ou lorsqu'ils ne connaissent pas encore le jaguar. Si le jaguar peut apprendre à s'approcher des bovins, ceux-ci – en particulier les taureaux – sont aussi capables de le chasser lorsqu'il rôde autour de leur pâturage.

Les éleveurs ont depuis longtemps cherché à se prémunir contre ces rapines. À côté des méthodes préventives (surveillance, clôtures, composition des troupeaux), des actions plus offensives sont entreprises (appât empoisonné, piège à fusil placé à côté d'une carcasse fraîchement tuée, chasse spécifique pour éliminer un jaguar qui a trop pris goût à la viande bovine).

D'une façon générale, il paraît possible de protéger les élevages contre les attaques des prédateurs si certaines règles sont respectées. Et surtout sans procéder à des destructions sauvages non contrôlées. En cas d'alerte, l'éleveur devrait prévenir les autorités, afin qu'un spécialiste puisse rapidement proposer la meilleure réponse possible. S'il s'avère qu'un jaguar se spécialise vraiment dans la consommation de viande bovine et qu'il n'y ait pas moyen de l'en détourner, alors, seulement, on se décidera à l'éliminer.

Un équilibre bouleversé

Officiellement, le jaguar est protégé dans chacun des pays où il est susceptible de s'établir. Mais il est impossible de faire respecter toutes les réglementations alors que la demande de nouvelles terres augmente. Des zones forestières sont rasées et, près des chantiers, des chasseurs professionnels, chargés de nourrir le personnel, traquent les mêmes proies que le jaguar. Celui-ci s'attaque alors aux animaux domestiques. Dans ces conditions, il existe effectivement des dérogations à la sauvegarde du jaguar. Mais cet engrenage conduit à la disparition des espaces naturels et des espèces sauvages.

Fourrure : le lourd tribut de l'élégance

Jusque dans les années 1970, le jaguar a été victime du commerce de la fourrure, très florissant aux États-Unis et en Europe. Pour y remédier, il a fallu changer les réglementations en vigueur dans les pays importateurs et, surtout, faire baisser la demande. Une campagne de sensibilisation d'opinion a été lancée contre le port et le commerce des peaux de félins tachetés, et la Cites fut créée.

Ce travail n'a pas été vain. En 1968, quelque 13 000 peaux de jaguar étaient importées aux États-Unis. Quatre ans plus tard, ce commerce était pratiquement arrêté. En 1980, les statistiques officielles ont enregistré le commerce de 634 peaux, dont 587 entrées en Italie en provenance du Paraguay, et 14 trophées de chasse déclarés.

Parallèlement, les prix ont considérablement baissé sur les marchés internationaux : une peau vendue 180 dollars il y a quelques années vaut maintenant à peine 10 dollars. Partout dans le monde, le trafic des peaux de félins s'est nettement ralenti. Aujourd'hui, la chasse est interdite en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Honduras, au Nicaragua, au Panamá, au Paraguay, au Suriname, aux États-Unis et au Venezuela. En Guyane française, la chasse au jaguar n'y est pas explicitement interdite et la réglementation est peu respectée.

Réserves naturelles et parcs zoologiques : des observatoires de l'espèce

La plupart des pays qui abritent des populations de jaguars ont institué des parcs nationaux et des zones de réserve où l'ensemble des espèces est protégé. En Amérique centrale, il existe une quarantaine de zones de ce type. Des pays comme le Mexique, le Panamá, le Belize, le Honduras ont des zones-refuges où l'espèce bénéficie d'une protection.

En 1986, le jeune État du Belize a créé, dans le bassin de Cockscomb, la première réserve spécialement dédiée au jaguar, en partie grâce aux travaux d'Alan Rabinowitz.

La Guyane française, où l'espèce est bien implantée, comprend plusieurs espaces naturels protégés, dont les réserves naturelles de la Trinité et des Nouragues qui abritent des populations de jaguars. .

Ailleurs, on s'efforce de préserver l'ensemble des espèces et des écosystèmes comme dans le Parc national du Pantanal au Brésil. Mais visiter ces parcs et aller y observer la faune dans son environnement naturel est difficile. La forêt amazonienne ne s'y prête pas, et les animaux ne se laissent approcher ni par les touristes ni par les scientifiques.

Ainsi, rencontrer des jaguars dans leur cadre de vie est exceptionnel et les véritables photographies de jaguars sauvages vivants sont rarissimes. Il est pratiquement impossible de les voir et encore plus de les photographier. Le plus souvent, les animaux photographiés sont en semi-liberté ou suffisamment apprivoisés pour être promenés en forêt.

En outre, dans ces contrées, l'habitude est encore de tirer à vue dès que l'on rencontre un jaguar. Et les porteurs de fusil sont nombreux en Amérique latine ! Si bien que les animaux sont extrêmement méfiants et craignent l'homme. C'est d'ailleurs réciproque ! Pourtant, rares sont les hommes qui ont été attaqués par un jaguar.

Cela dit, croiser, même fugitivement, la belle silhouette du félin mérite le détour, sans nul doute. Si le visiteur naturaliste n'a pas cette chance, il aura néanmoins plaisir à suivre ses traces et à les examiner tout à loisir.

Le jaguar est relativement facile à élever en captivité et de nombreux parcs zoologiques en hébergent. C'est certainement grâce à ces animaux captifs que l'on connaît quelque peu les conditions de sa reproduction. Dans le milieu naturel, les observations restent trop fugaces, quand elles ne se terminent pas par un coup de fusil. Souvent, des animaux équipés d'un collier émetteur et suivis par des chercheurs ont été abattus sur le terrain où ils étaient étudiés !...

Par conséquent, c'est dans son environnement naturel que l'espèce doit être préservée. Il paraît peu sérieux d'imaginer la mise en liberté d'animaux élevés en captivité : les félins acquièrent leur comportement de prédateur durant le long apprentissage auquel leur mère les soumet au cours des premières années de leur vie. Cette formation est irremplaçable et l'on ne peut rien lui substituer.

Si l'on veut connaître et protéger une espèce comme le jaguar, il paraît raisonnable de combiner les études de terrain sur des sujets à l'état sauvage et les informations biologiques que l'on peut obtenir à partir d'animaux nés ou vivant en captivité. De la sorte, ces deux démarches se complèteront mutuellement. Quoi qu'il en soit, l'objectif reste bien de choisir la meilleure façon possible de maintenir l'espèce dans son milieu naturel d'origine, en harmonie avec les écosystèmes et avec certaines activités humaines.