guêpier

Guêpier
Guêpier

Originaires d'Asie, les guêpiers ont colonisé au cours des âges presque toutes les forêts et savanes tropicales du globe à l'exception de celles du continent américain. Surnommé le chasseur d'Afrique, le guêpier d'Europe est un petit oiseau migrateur qui capture en vol guêpes et abeilles.

1. La vie du guêpier

1.1. Des couples indépendants au sein de colonies

Qu'ils forment des couples, sans doute unis pour la vie, ou qu'ils soient encore célibataires, les guêpiers sont grégaires toute l'année, volant ensemble durant le jour ou se retrouvant par dizaines la nuit dans les dortoirs.

Pourtant, pendant les migrations et au printemps lorsqu'ils se reproduisent en Europe, les guêpiers s'organisent en sociétés complexes. La famille comprend alors le couple, assisté, dans 20 % des cas, d'un « aide ». Ce jeune guêpier d'un ou deux ans, souvent mâle, contribue à la construction du nid et à l'élevage des petits. Plusieurs familles constituent un clan dont les membres se maintiennent en contact continuel par la voix et se retrouvent parfois pour chasser. Et plusieurs clans forment une colonie, qui regroupe généralement de 10 à 15 familles. En France, une colonie comporte de 20 à 30 individus ; dans d'autres régions, elle peut regrouper plusieurs centaines d'oiseaux, soit de 50 à 70 clans.

Les guêpiers d'une même colonie sont solidaires, recherchant les contacts et s'alertant mutuellement du danger par leurs cris.

Une colonie bruyante

Une colonie bruyante



Les guêpiers ne chantent pas, mais, en toute saison, leurs appels perlés et mélodieux s'entendent sans cesse et à des kilomètres de distance. Les diverses espèces qui cohabitent sont identifiables à leurs cris.

Des analyses des composants acoustiques de ces signaux sonores (sonagrammes) ont montré que cet oiseau émet en réalité des variations sur une tonalité de base unique. Parmi les quinze types de cris enregistrés, la plupart sont destinés à maintenir la cohésion entre les partenaires. D'autres traduisent l'accueil, l'énervement, l'anxiété, le danger ou l'alarme. Les appels accompagnant l'offrande de nourriture au partenaire ou préludant à l'accouplement ne s'entendent que pendant la période de reproduction. Très rapidement, les oisillons deviennent bavards eux aussi. Le son très flûté de leur voix change au moment de la mue.

Un perchoir-territoire

Pendant la période de reproduction, les guêpiers deviennent territoriaux. Chaque famille, en effet, possède un territoire très délimité, le perchoir. Situé à proximité du nid où naîtront les petits, c'est un simple caillou, un arbuste ou une portion de branche, plusieurs couples ayant parfois élu domicile sur une même branche : l'un ayant son perchoir à la base et un autre s'étant installé au bout, par exemple.

À la fois lieu de toilettage, de parade nuptiale et poste de guet, le perchoir est âprement défendu contre tout intrus. Le couple n'accepte d'y recevoir que son aide et les autres guêpiers de son clan, les oiseaux accueillant leur partenaire en ouvrant une ou deux ailes. Tout autre individu qui se pose sur le perchoir est chassé par des prises de bec. Leur agressivité dans la défense des territoires individuels n'empêche pas que les oiseaux se retrouvent chaque soir pour dormir dans leurs dortoirs, en haut des arbres, à 10 ou 15 cm les uns des autres.

1.2. Chasseur d'insectes en vol

Le guêpier est attiré par tout insecte qui vole. Il peut repérer sa présence jusqu'à une centaine de mètres de distance. S'il est repu, il suit la proie du regard, avec un brusque déplacement de la tête, mais il ne bouge pas de son poste de guet. S'il a faim, le chasseur quitte son affût prestement, virevolte dans les airs, attrape sa victime du bout du bec, puis regagne son perchoir. Là, il commence par jongler avec sa prise pour la saisir précisément entre la tête et l'abdomen, en plaçant la tête toujours du même côté. Puis, il frappe vivement l'insecte contre le perchoir pour le ramollir. Si sa capture est un insecte piqueur (abeille, guêpe, bourdon), il retourne habilement l'animal et lui écrase l'extrémité de l'abdomen, où se trouve la poche à venin, en le frottant cinq ou six fois contre son perchoir. Ce faisant, le guêpier garde les yeux fermés pour ne pas recevoir de venin ni être blessé par le dard. Encore quelques petits coups sur la tête, et la proie est avalée. Le tout dure une dizaine de secondes.

Mangeur d'abeilles et de guêpes

Le guêpier d'Europe chasse durant des heures. Son alimentation varie selon la période, les lieux de reproduction et les conditions climatiques. Ses proies de prédilection sont des hyménoptères, dont les abeilles et les guêpes. Des expériences ont démontré que l'oiseau préfère les insectes jaune et noir à ceux qui sont de couleur unie, comme le scarabée. Il est plutôt attiré par les espèces de grande taille, et choisit également ses proies en fonction de leur abondance : faux-bourdons ou termites ailés en vols nuptiaux, nuages de criquets, libellules sur les étangs...

Lorsqu'il s'agit d'un petit insecte mou et non venimeux, comme un termite ou une fourmi volante, le guêpier d'Europe l'avale en plein vol et peut en capturer un second, qu'il rapporte dans son bec jusqu'au perchoir. Il évite les insectes au goût désagréable, comme les coccinelles ou les scarabées ; il se nourrit plus rarement d'insectes aquatiques (libellules), contrairement à d'autres espèces de guêpiers, qui en sont friandes. Il consomme parfois des araignées ou des chenilles suspendues à leur fil de soie.

En période de reproduction, le guêpier d'Europe ingère environ 39 g de nourriture par jour, ce qui représente quelque 400 insectes de la taille d'une abeille. Les parties indigestes de ses proies sont régurgitées par le bec, sous forme de pelotes, de 3 à 8 fois par jour.

À la saison des amours, le mâle offre de gros insectes à sa belle avant de copuler. Il attrape une proie en vol, bien en vue de sa compagne, puis se pose sur le perchoir à côté d'elle. Le bec plein, il lance des appels aigus et lui offre son cadeau. La femelle accepte : elle fait vibrer ses ailes et sa queue en éventail et avale l'insecte.

1.3. Un terrassier acharné

Venant d'Afrique, où ils ont passé l'hiver, les guêpiers arrivent par vagues sur les côtes d'Europe, en avril-mai, pour la saison de reproduction. Trois semaines plus tard, 80 % d'entre eux ont rejoint leur site de nidification de l'année précédente, où ils retrouvent la plupart des familles de leur colonie natale. Accompagnant parfois les membres d'une autre colonie avec lesquels ils ont migré, certains guêpiers vont nicher sur un site nouveau pour eux. Quelques couples, environ 8 % d'entre eux, nichent en solitaires. La plupart des oiseaux se sont appariés avant l'envol migratoire.

Le choix d'un perchoir pour la famille

Avant de s'établir sur leur site, les oiseaux errent quelques jours, au cours desquels les couples, en grand état d'excitation, vont et viennent en s'interpellant sans arrêt. Dès que le mâle a choisi son perchoir, le couple commence à creuser le terrier. Les préludes rituels qui précèdent l'accouplement assurent la cohésion du couple. Appelant bruyamment son partenaire, le mâle ou la femelle, posé sur la branche, l'accueille en ouvrant une aile, ou les deux si le conjoint arrive de face, et en faisant vibrer sa queue en éventail. Pour mettre en évidence le noir de son collier, il gonfle un peu les plumes de sa gorge. L'autre rituel prénuptial est l'offrande de nourriture à la femelle. Si cette offrande est acceptée, l'accouplement a lieu immédiatement. Les guêpiers s'accoupleront souvent pendant les 10 à 20 jours durant lesquels ils creusent leur terrier.

Le terrier

Le site choisi pour le terrier est une falaise de sable, ou la berge d'un cours d'eau, lieux occupés par toute la colonie. En général, il s'agit d'une paroi verticale qu'ils entament par des coups de bec, mais les guêpiers peuvent également faire leur trou sur un terrain plat et ils commencent alors par érafler la terre avec leurs pattes.

Chaque couple creuse plusieurs ébauches avant de choisir le terrier où il s'installera définitivement. Dès que les parties évidées atteignent 4 ou 5 cm de profondeur, les oiseaux s'accrochent avec leurs pattes griffues à la paroi et se mettent à creuser plus rapidement. Pour déblayer une quarantaine de centimètres carrés par jour, les conjoints doivent se relayer sans arrêt. Tous les couples ne creusent pas à la même vitesse, mais les galeries sont toujours terminées à la fin mai. De 7 à 12 kg de terre auront été évacués, dégageant un tunnel, droit ou légèrement incurvé, qui s'achève par une chambre ovale où sont pondus les œufs.

Parfois, un couple arrivé tard utilise un terrier déjà creusé par des guêpiers l'année précédente. Mâle et femelle se contentent de le nettoyer, rejetant à l'extérieur les restes d'insectes ou le sable qui encombrent le tunnel.

Les trous sont souvent exposés au sud ou au sud-ouest, mais un site favorable est le critère de choix essentiel motivant l'installation des oiseaux. La nidification souterraine assure un microclimat stable, favorable au développement des œufs et des petits. Dans des terriers de guêpiers du sud de l'Espagne, une étude a observé une température constante de 25 °C, alors que la température extérieure variait de 13 à 51 °C.

Aussitôt la galerie terminée, de 4 à 6 œufs sont pondus à 24 ou 48 heures d'intervalle. D'abord rosés et translucides, puis blancs, ils brunissent rapidement au contact de la terre. La couvaison commence dès la ponte du premier œuf. Pendant les 20 jours d'incubation, elle est pratiquée alternativement par les deux parents pendant la journée, sur des périodes de 10 minutes à 2 heures. Mais la nuit, seule la femelle reste au nid, le mâle rejoignant le dortoir collectif de la colonie.

La construction du nid

La construction du nid



Pour creuser son terrier en s'assurant le meilleur équilibre possible, le guêpier prend appui contre la falaise sur les plumes rectrices de sa queue et se cramponne au bord du trou avec ses griffes. Deux ou trois jours après le début du forage, le tunnel n'a que quelques centimètres de long. Quand la galerie mesure de 10 à 15 cm de profondeur, l'oiseau peut changer de position et se tenir à l'horizontale dans le tunnel, piochant toujours avec son bec et évacuant la terre avec ses pattes.

1.4. Trente jours pour sortir du nid

Le temps des éclosions des œufs varie en fonction de la région et du climat. Dans le sud de la France, elles s'échelonnent entre fin juin et début juillet. À sa naissance, l'oisillon pèse environ 4 g ; il est aveugle ; sa peau nue et rose est plissée ; les ailes sont pendantes et le ventre gonflé. À cinq jours, les yeux s'ouvrent et la peau devient brillante. À dix jours, les étuis cornés de ses plumes le font ressembler à un hérisson couvert d'épines grises, qui se fendent progressivement. À dix-sept jours, le plumage est complet ; à trois semaines, toute la couvée mue en un ou deux jours.

Des centaines de repas par jour

Pendant environ 28 jours, tandis que les petits restent au nid, les parents s'affairent à nourrir leur progéniture, parfois secondés par un aide. Un couple apporte environ 12 repas par heure à une couvée de 4 ou 5 nouveau-nés ; puis près de 50 par heure, lors de la deuxième semaine, si la famille a un aide. À mesure que les petits croissent, les adultes n'avancent plus jusqu'à la chambre, mais restent dans le tunnel.

La chambre d'élevage est très vite envahie par les pelotes de régurgitation des oisillons et par les insectes en décomposition, au point que, parfois, les petits en ont jusqu'au cou. Il faut y ajouter les cadavres de poussins, rarement évacués à l'extérieur. Une forte odeur d'ammoniac se dégage ; la couvée est infestée de parasites. Durant la dernière semaine d'élevage, chaque jeune reçoit de 30 à 80 repas par jour, soit de 7 à 12 g de nourriture.

Les poussins lissent leurs plumes avec soin ou se promènent le long du tunnel, marchant en avant ou à reculons, leurs cris résonnant dans la galerie. Les plus intrépides se déplacent jusqu'à l'entrée du terrier pour répondre aux appels des parents, qui, perchés au bord du trou, leur apportent sans cesse de la nourriture. Si un petit obstrue trop longtemps l'entrée, les autres le tirent par la queue pour qu'il libère la place. Mais les derniers-nés ne peuvent s'imposer devant leurs aînés, plus agressifs, et ils meurent souvent de faim.

Vers la fin juillet arrive le jour de l'envol. Les jeunes, âgés d'un mois, quittent le nid un à un, les plus développés d'abord, pour rejoindre le perchoir des parents et apprendre à chasser en observant. Ils sont encore nourris par intermittence jusqu'au départ de la migration, en août.

1.5. Milieu naturel et écologie

Les guêpiers d'Europe fréquentent les terrains ouverts, les pâturages et les champs cultivés, les larges vallées fluviales. En Arménie, les guêpiers vivent jusqu'à 2 500 m d'altitude. Dans le sud de la France, ils apprécient le maquis, les forêts de chênes-lièges et les oliveraies. Les couples creusent leurs galeries au bord des rivières et des canaux, dans les falaises de sable (souvent dans des carrières).

En Europe pour nicher

Les guêpiers se reproduisent en Asie, en Afrique du Nord, en Espagne, en Italie et sur toutes les grandes îles méditerranéennes, des Baléares à Chypre. En France, ils nichent depuis longtemps dans l'Hérault, le Gard, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse. Mais, depuis 1940, le nombre de colonies augmente et les aires de reproduction se sont étendues vers le nord de l'Europe : Bretagne, côtes atlantiques françaises et côtes de la Manche, mais aussi Île-de-France et Russie (environs de Moscou) ; ils ont été observés au Danemark et en Suède.

Enfin, une petite population de guêpiers d'Europe encore mal connue niche dans le sud de l'Afrique, remontant sans doute passer l'hiver sous les tropiques.

Migration vers les savanes africaines

D'origine tropicale, le guêpier d'Europe supporte mal le froid et il migre vers le sud pour hiverner. Dès la mi-août, et jusqu'à fin septembre, les oiseaux se sont regroupés. Ils quittent l'Europe et leurs sites de nidification pour gagner l'Afrique. Les dates de départ varient de deux ou trois semaines d'une année sur l'autre, influencées par les conditions climatiques.

Les envols s'effectuent par vagues successives, comptant de 20 à 40 individus. Évoluant haut dans le ciel, les guêpiers parcourent jusqu'à près de 500 km par jour, se posant pour dormir la nuit. Le voyage est aussi ponctué de haltes d'une heure ou deux, pendant lesquelles les guêpiers s'alimentent. Selon les observations du biologiste anglais H.P.W. Hutson, les guêpiers retrouvent les mêmes perchoirs d'année en année. Toutefois, lorsqu'ils passent au-dessus des forêts équatoriales, ils ne s'arrêtent pas. Ainsi, sur une distance pouvant atteindre 8 000 km, les migrateurs passent par monts et par vaux, franchissant des cols, survolant forêts, mers et déserts. Les itinéraires qu'ils empruntent en venant d'Europe ou d'Asie évitent le plus possible les mers. Ainsi, la plupart des guêpiers traversent la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, mais certains d'entre eux la parcourent dans sa plus grande largeur. Au fur et à mesure de leur progression vers le sud, les groupes fusionnent, se retrouvant aux haltes ou le soir. Ils finissent par rassembler des centaines d'individus. Souvent, le guêpier d'Europe retrouve le guêpier à gorge bleue, avec lequel il migre, sans toutefois que les populations se mélangent.

Au cours de cette migration, il arrive que la mortalité soit importante, à la suite de grands froids ou de tempêtes, mais aussi à cause des prédateurs rencontrés sur le trajet. Exténués par la route, les guêpiers sont une proie facile pour le faucon pèlerin, le faucon lanier ou encore pour le faucon concolore, rapace sédentaire d'Afrique du Nord. La traversée nord-sud du Sahara, pendant laquelle les oiseaux continuent parfois à voler de nuit, est la dernière partie du voyage. Toutes les espèces de guêpiers hivernent au sud du Sahara, dans les steppes semi-arides ou dans les savanes arbustives, le plus souvent au bord de lacs ou de rivières. Durant l'hivernage, ils se gavent de criquets, de termites et d'autres insectes.

Vers la mi-février, peut-être lorsqu'ils perçoivent de hautes pressions atmosphériques dans les ciels tropicaux, les guêpiers repartent vers l'Europe, l'instinct les conduisant généralement à retrouver leur site de nidification natal.

Des terriers aux multiples occupants

Les sites de reproduction fréquentés par les colonies de guêpiers au printemps sont visités, à la même époque, par de nombreuses autres espèces animales qui s'approprient les cavités délaissées par ces terrassiers. Certains hôtes utilisent un terrier sans en modifier les dimensions. Il s'agit d'oiseaux tels que la mésange charbonnière, le moineau ou l'étourneau sansonnet, mais aussi de reptiles, comme les couleuvres ou les lézards.

D'autres espèces agrandissent les galeries des guêpiers, comme le lapin de garenne ou le rollier. Celui-ci a d'ailleurs un rôle important, car son passage permet à d'autres animaux cavernicoles mais non fouisseurs, d'occuper les nids à leur tour : ce sont notamment la chouette chevêche, la huppe fasciée, le choucas, et parfois aussi le faucon crécerelle.

Des voisins

Le martin-pêcheur et l'hirondelle des rivages se reproduisent dans leurs propres terriers souvent au voisinage des colonies de guêpiers d'Europe. Ainsi, diverses espèces animales cohabitent au bénéfice de chacun. Toutes, par exemple, profitent de l'avantage du nombre face aux prédateurs.

Pour le guêpier, ces prédateurs sont peu nombreux. Le faucon hobereau et l'épervier attaquent par surprise ou à l'affût et capturent surtout les jeunes prêts à l'envol. À l'occasion, belettes, couleuvres ou chats harets se glissent dans les terriers de guêpiers.

2. Zoom sur... le guêpier d'Europe

2.1. Guêpier d'Europe (Merops apiaster)

Le guêpier d'Europe, ainsi appelé parce qu'il niche en Europe, migre à l'automne pour hiverner dans la savane africaine. Avec ses 25 cm de long et ses 45 cm d'envergure, c'est l'un des guêpiers les plus grands et les plus aériens. C'est aussi un des oiseaux d'Europe au plumage le plus coloré : vert sur le dos, jaune chamois ou bleu-gris sur le ventre, jaune vif sur la gorge. Les parties noires, bec, masque et collier, ainsi que le bord des ailes, avivent l'éclat de ces couleurs. Les longs doigts des pattes munis de griffes permettent à l'oiseau de s'agripper aux parois rocheuses.

Doté d'une excellente vue parfaitement adaptée à sa technique de chasse, le guêpier pratique l'affût et la capture des insectes en vol. Les ailes longues et pointues, en forme de triangle, et le corps fusiforme, très aérodynamique, autorisent à la fois le vol plané et de brusques accélérations en piqué, la queue évasée, aux longues plumes rectrices médianes, permettant de changer rapidement de direction.

Le guêpier possède un bec particulièrement long, avec lequel il capture des insectes venimeux. Il est partiellement immunisé contre le venin de ses proies, puisqu'un individu de 33 g peut survivre à 3 ou 4 piqûres successives (un mammifère d'une centaine de grammes meurt avec une dose équivalente de venin).

Le dimorphisme sexuel très peu marqué chez cette espèce rend malaisé le comptage précis du pourcentage de mâles et de femelles dans une colonie, mais il semble que les mâles soient plus nombreux. Comme la plupart des bons voiliers migrateurs qui se nourrissent d'insectes, le guêpier est plutôt grégaire, vivant en colonies et privilégiant la sécurité du nid. Le soir, lorsque les oiseaux se réunissent par dizaines en dortoirs dans les buissons le long d'une rivière ou dans le feuillage le plus élevé des arbres, ils dorment collés les uns aux autres, la tête cachée sous le manteau ou reposant sur l'épaule.

En de rares occasions, les guêpiers peuvent plonger dans les rivières pour se baigner ou pour boire. Avant de pénétrer dans l'eau, l'oiseau vire brusquement de 180° pour se retrouver dans la direction opposée à sa ligne d'approche. Le plongeon ne dure que quelques secondes.

Le guêpier d'Europe prend des bains de soleil pour réguler la température de son corps : perché sur une branche, il incline la tête en ouvrant le bec. Il apprécie aussi les bains de pluie : il hérisse alors ses plumes, étend ses ailes pour les mouiller, puis s'ébroue. Les bains de poussière l'aident à se débarrasser des parasites. Accroupi sur ses pattes, comme pour les autres bains, il donne l'impression d'être écrasé au sol. Puis, la tête rejetée en arrière, il étale ses ailes et les agite, faisant voler la poussière en petits nuages.

          

GUÊPIER D'EUROPE

Nom (genre, espèce) :

Merops apiaster

Famille :

Méropidés

Ordre :

Coraciiformes

Classe :

Oiseaux

Identification :

Très coloré ; ailes effilées, triangulaires ; longue queue ; dimorphisme sexuel peu marqué ; migrateur

Longueur :

De 23 à 25 cm, plus 2 cm pour les plumes rectrices centrales de la queue

Envergure :

De 43 à 48 cm

Poids :

De 45 à 55 g

Répartition :

Afrique et Europe méridionale, Asie

Habitat :

Savane (hiver), terrains découverts et secs, champs cultivés (nidification)

Régime alimentaire :

Insectivore

Structure sociale :

Monogame, grégaire

Maturité sexuelle :

1 an

Saison de reproduction :

De début mai à fin juillet, en Europe

Durée de l'incubation :

De 19 à 24 jours

Nombre de jeunes :

5 ou 6 ; jusqu'à 10

Poids à la naissance :

4 g

Longévité :

7 ans ; en moyenne 3 ou 4 ans ; 50 % des petits meurent avant l'envol

Effectifs, tendances :

Entre 950 000 et 2 millions d'individus (estimations BirdLife International)

Statut, protection :

Protégé en Europe (Convention de Berne sur la vie sauvage)

 

2.2. Signes particuliers

Œil

Les yeux, assez petits et latéraux, permettent un large angle de vision. Doté d'une excellente vue, l'oiseau repère à partir de son perchoir un insecte long de 1 cm volant à 100 m de là. Cette acuité visuelle semble sélective et stimulée par le seul mouvement de la proie. Ainsi, le guêpier ignorera l'abeille immobile ou qui se déplace lentement près de lui.

Bec

Fin et long de 40 à 45 mm, le bec du guêpier est un outil remarquable, robuste et précis, qui lui sert à la fois de pince pour chasser et de pioche pour creuser son terrier. Recouvert par le plumage de la tête, il est incurvé vers le bas, ce qui permet à l'oiseau de conserver une bonne visibilité lorsqu'il a saisi un insecte de grande taille, comme une libellule ou un papillon. La précision avec laquelle il attrape ses proies, juste entre le thorax et l'abdomen, justifie la finesse de l'extrémité des mandibules. La partie supérieure, incurvée et plus large, se referme sur la partie inférieure comme une tenaille.

Plumes

Légères et imperméables, comme chez beaucoup de grands voiliers, elles se composent d'un tuyau, ou calamus, prolongé d'une hampe, ou rachis, portant des barbes de chaque côté. Ces barbes sont munies de barbules dont la face pourvue de crochets, ou barbicelles, s'accroche sur les barbules de la plume la plus proche. L'autre face des barbules est lisse.

3. Les autres espèces de guêpiers

La famille des guêpiers, ou méropidés, compte environ 26 espèces (recensement BirdLife International) regroupées en 3 genres : Nyctyornis (2 espèces), Meropogon (1 espèce) et Merops (23 espèces). Pour la plupart oiseaux des régions tropicales de l'Ancien Monde, ce sont d'excellents voiliers. Leur régime alimentaire est composé essentiellement d'insectes et leurs comportements de nidification sont très similaires ; ainsi, en particulier, ils nichent tous dans des terriers, la plupart à flanc de falaise. Quelques espèces seulement migrent, mais la grande majorité vit en colonies lors de la reproduction, qui se déroule généralement au printemps.

3.1. Guêpier à fraise (Nyctyornis amictus)

De 27 à 31 cm ; bec noir fortement incurvé vers le bas ; face et poitrine rouges, dos vert.

Couples isolés et territoriaux ; terriers creusés dans le sol, souvent près de l'eau.

Répartition : lisières des forêts, jusqu'à 1 500 m ; Bornéo, Sumatra.

3.2. Guêpier à barbe bleue (Nyctyornis athertoni)

Le plus gros de la famille.

De 31 à 35 cm ; bec incurvé vers le bas, front et gorge bleus, ventre jaune, dos vert.

Couples isolés toute l'année ; terriers creusés dans le sol.

Chasse à l'affût, en se cachant dans le feuillage.

Répartition : clairières des forêts primaires, jusqu'à 2 000 m ; Inde, Indochine.

3.3. Guêpier des Célèbes (Meropogon forsteni)

Probablement la moins connue des espèces de guêpiers.

26 cm ; bec recourbé vers le bas ; tête et poitrine pourpres, dos vert olive. Longues rectrices médianes.

Creuse souvent ses galeries dans les berges escarpées des rivières.

Répartition : clairières des forêts ; Sulawesi (Célèbes).

3.4. Guêpier à tête noire (Merops breweri)

De 25 à 28 cm ; tête noire, poitrine et ventre orange, dos vert olive.

Couples isolés. Chasse fréquemment en sous-bois.

Répartition : abords des forêts primaires ; du Congo au Gabon.

3.5. Guêpier à tête bleue (Merops muelleri)

19 cm ; tête, poitrine et ventre pourpres, gorge rouge, dos brun. Couples isolés, très discrets et silencieux.

Répartition : clairières des forêts primaires ; Afrique de l'Ouest.

3.6. Guêpier noir (Merops gularis)

20 cm ; presque entièrement sombre, gorge rouge, croupion bleu turquoise.

Vit en couples isolés ou en colonies lâches qui chassent dans la canopée.

Répartition : clairières des forêts et savanes ; Afrique de l'Ouest.

3.7. Guêpier nain (Merops pusillus)

Le plus petit de la famille.

15 cm ; tête et dos verts, gorge jaune, bande pectorale noire, ventre orangé, bandes oculaires noires.

Les couples isolés nichent souvent dans les termitières abandonnées.

Répartition : savanes africaines, à proximité de l'eau.

3.8. Guêpier à collier bleu (Merops variegatus)

De 15 à 19 cm ; très semblable au guêpier nain.

Couples solitaires.

Répartition : savanes, clairières forestières jusqu'à 2 100 m, près de l'eau ; du Cameroun au Zaïre.

3.9. Guêpier montagnard (Merops oreobates)

21 cm ; ressemble au guêpier nain.

Niche isolément ou en petites colonies. Chasse fréquemment dans la canopée.

Répartition : clairières forestières des hauts plateaux, jusqu'à 2 500 m ; Afrique de l'Est.

3.10. Guêpier à queue d'aronde (Merops hirundineus)

De 20 à 22 cm ; queue fortement échancrée.

Niche isolément, mais se rassemble souvent en dortoirs.

Répartition : savane arbustive ; dispersé dans toute l'Afrique, au sud du Sahara.

3.11. Guêpier à gorge rouge (Merops bullocki)

De 20 à 22 cm ; tête et dos verts, gorge rouge, poitrine brune, ventre pourpre, bandes oculaires noires.

Espèce très sociale et très grégaire qui niche en colonies.

Répartition : savanes arbustives, à proximité de l'eau ; du Sénégal à l'Éthiopie.

3.12. Guêpier à front blanc (Merops bullockoides)

22 cm ; tête beige, front blanc, bande blanche séparant le bandeau oculaire noir et la gorge rouge, dos vert, poitrine brune, ventre pourpre.

Vit en colonies et niche en saison sèche.

Répartition : abords des cours d'eau, Afrique centrale.

3.13. Guêpier de Revoil (Merops revoilii)

16 cm ; tête, poitrine et ventre beiges, gorge blanche, dos bleu turquoise.

Espèce très confiante ; couples isolés.

Répartition : steppes arides ; Somalie et Éthiopie.

3.14. Guêpier à gorge blanche (Merops albicollis)

20 cm ; plumes rectrices médianes dépassant de 15 à 20 cm.

Colonies lâches pouvant compter jusqu'à 250 couples. Migrateur.

Répartition : steppes désertiques le long de l'équateur, jusqu'à 3 000 m ; du Sénégal au Soudan ; hiverne de la Côte d'Ivoire au Kenya.

3.15. Guêpier d'Orient (Merops orientalis)

17 cm ; vert olive, bandeaux oculaires et bande pectorale noirs ; plumes rectrices médianes de la queue très longues.

Espèce sédentaire qui niche isolément ou en petites colonies.

Répartition : steppes arbustives désertiques ; Afrique tropicale, Moyen-Orient, Inde, Indochine.

3.16. Guêpier de Böhm (Merops boehmi)

16 cm ; tête et gorge brunes, dos, poitrine et ventre vert olive, longues plumes rectrices médianes.

Espèce sédentaire et solitaire ; les couples nichent au sol.

Répartition : massifs et parcs boisés ; Tanzanie, Malawi, Zambie, Zimbabwe.

3.17. Guêpier à gorge bleue (Merops viridis)

De 20 à 23 cm ; entièrement bleu-vert, sauf calotte et nuque brunes ; longues plumes rectrices médianes.

Colonies comprenant jusqu'à un millier de couples. Migrateur partiel.

Répartition : milieux ouverts et zones urbanisées ; Asie du Sud-Est ; hiverne en Malaisie.

3.18. Guêpier de Perse (Merops persicus)

De 24 à 26 cm ; front blanc, sourcils et joues turquoise, poitrine, ventre et dos verts, gorge orange et brun.

Petites colonies. Migrateur.

Répartition : steppes arides, souvent à proximité des voies de communication ; Afrique du Nord, Asie jusqu'en Inde ; hiverne en Afrique tropicale.

3.19. Guêpier de Madagascar (Merops superciliosus)

De 24 à 26 cm ; calotte et gorge brunes, front et joues blancs, le reste vert. Longues plumes rectrices médianes.

Vit en colonies. Chasse en vol haut dans le ciel. Migrateur partiel.

Répartition : rivières, mangroves, marais, savanes arbustives ; Afrique de l'Est, Inde, Indochine.

3.20. Guêpier arc-en-ciel (Merops ornatus)

De 19 à 21 cm ; front, poitrine et dos verts, nuque rousse, gorge orangée, croupion turquoise, bandeau oculaire et bande pectorale noirs.

Niche en colonies. Migrateur (peut effectuer près de 1 000 km sans escale).

Répartition : milieux ouverts parsemés d'arbres ; Australie (principalement côte est) ; hivernage en Nouvelle-Guinée.

3.21. Guêpier de Leschenault

De 18 à 20 cm ; ensemble du plumage vert ; calotte et nuque rousses, gorge jaune ; queue courte.

Niche en colonies. Migrateur.

Répartition : clairières forestières à proximité de rivières ; sud de l'Inde, Java, Bali, Indochine ; hiverne au sud de son aire de répartition.

3.22. Guêpier gris-rose (Merops malimbicus)

De 22 à 25 cm ; tête et dos bruns, gorge blanche, poitrine et ventre rouges.

Gigantesques colonies (parfois près de 2 000 couples).

Répartition : toujours près de l'eau ; Guinée, Ghana, Nigeria.

3.23. Guêpier écarlate (Merops nubicus)

De 36 à 38 cm ; tête et gorge bleu foncé, le reste carmin.

Énormes colonies (jusqu'à 1 000 couples). Se perche fréquemment sur le dos des mammifères pour repérer ses proies.

Répartition : Afrique tropicale, au nord de l'Équateur.

3.24. Guêpier carmin (Merops nubicoides)

Ressemble au guêpier écarlate (les deux oiseaux ont longtemps été considérés comme deux sous-espèces de la même espèce).

Répartition : Afrique tropicale, au sud de l'Équateur.

3.25. Guêpier à queue d'azur (Merops philippinus)

Tête vert clair, gorge fauve, ailes vertes et bleu ciel, dos et queue turquoise ; sur les côtés de la tête, bande noire longitudinale prolongeant le bec et entourant l'œil.

Répartition : Asie du Sud, de l'Est et du Sud-Est.

4. Origine et évolution du guêpier

Les guêpiers, qui constituent la famille des méropidés, sont d'origine tropicale et très ancienne. Sans doute, comme beaucoup d'autres oiseaux, descendent-ils de formes ancestrales ayant évolué à partir du crétacé, il y a plusieurs dizaines de millions d'années. Mais les premiers restes fossiles attribués à des espèces ressemblant à des guêpiers n'ont été retrouvés que dans des terrains du pliocène datant de 2 à 3 millions d'années. En fonction des variations climatiques, les guêpiers ont colonisé, d'une part, les forêts tropicales humides de l'Asie du Sud-Est, d'autre part, les forêts et savanes africaines, et s'y sont diversifiés. Par exemple, en Afrique, le guêpier à gorge rouge (Merops bulocki), qui occupe essentiellement les régions tropicales au nord de l'Équateur, et le guêpier à front blanc (Merops bullockoides), que l'on trouve au sud de l'Équateur, se sont-ils probablement séparés l'un de l'autre il y a environ 75 000 ans.

Aujourd'hui, les méropidés comptent environ 26 espèces qui se répartissent sur tous les continents à l'exception de l'Amérique. Certains vivent en milieu forestier, en couples souvent isolés, et sont plutôt sédentaires. Ils se reconnaissent à leurs ailes effilées, bien appropriées à la capture en vol des insectes. Ces ailes sont plus longues chez le guêpier d'Europe et les autres guêpiers de savane migrateurs. Les méropidés sont classés dans l'ordre des coraciiformes, qui réunit des oiseaux nidifiant dans des cavités et capables de grimper le long de parois verticales, comme les martins-pêcheurs, la huppe fasciée et le rollier d'Europe.

Merops apiaster, le guêpier d'Europe (entre 950 000 et 2 millions d'oiseaux aujourd'hui) vit en colonies nombreuses, tant dans les savanes d'Afrique tropicale, où il séjourne en hiver, que dans certaines régions d'Europe, où il migre au printemps pour nicher. De tous les guêpiers, c'est celui qui niche le plus au nord. C'est également le seul guêpier qui puisse être observé en France.

5. Le guêpier et l'homme

Depuis la domestication des abeilles à miel, le guêpier est considéré comme un ravageur par les apiculteurs. Il lui devient de plus en plus difficile de trouver des lieux calmes et stables, propices à sa reproduction.

Dérangements en tout genre

Le guêpier est tributaire des modifications que l'homme impose à ses sites de reproduction : transformation des talus en terrains constructibles, aménagement des berges d'un cours d'eau, remblaiement de carrières faisant disparaître les fronts de taille dans lesquels sont percées les galeries. Certaines transformations, comme le creusement de nouvelles carrières, fournissent parfois un nouveau site à ces terrassiers. Au contraire, si, de mai à août, le site est détruit, les guêpiers ne peuvent plus creuser leurs nids. La colonie ne se reproduira pas cette année-là, et les oiseaux, contraints de vivre en nomades ou en solitaires, ne bénéficieront pas de la protection qu'offre le groupe face aux prédateurs.

Les carrières et les talus, où sont installées les colonies de guêpiers, sont souvent les lieux de rendez-vous des passionnés de véhicules et de motos tout terrain. Et le bruit des engins fait fuir les oiseaux vers des zones plus calmes. Si les couples de guêpiers ont déjà pu se reproduire, cette désertion est catastrophique pour les jeunes, car, ne pouvant jeûner longtemps, ils meurent de faim ou deviennent la proie des couleuvres et des belettes.

En Europe, le guêpier est désormais protégé par la Convention de Berne, qui interdit de le capturer, de le tuer, ou d'imposer volontairement quelques perturbations ou destructions que ce soient aux représentants de l'espèce et à leurs aires de reproduction ou de repos. Après avoir décliné dans les années 1970-1990, les populations nicheuses d'Europe augmentent à nouveau. Il est toutefois probable qu'elles n'aient pas atteint le niveau d'avant leur déclin.