Karl Vogt

Naturaliste allemand (Giessen 1817-Genève 1895).

Fils d'un professeur de médecine de l'université de Giessen, Karl Vogt commence des études supérieures scientifiques dans cette ville de la Hesse. Il est l'élève du célèbre chimiste Justus von Liebig. Mais, en 1835, il accompagne en Suisse son père, qui a obtenu une chaire à l'université de Berne, et abandonne la chimie pour faire sa médecine, qu'il termine en 1839. Il n'exercera pas, car il s'est déjà orienté vers les sciences naturelles, comme en témoigne sa Contribution à la neurologie des reptiles, ouvrage publié en 1840. Il se trouve alors à Neuchâtel où enseigne Louis Agassiz, qui anime une équipe de chercheurs. Vogt devient l'un des collaborateurs les plus assidus du naturaliste suisse et participe notamment à la rédaction de l'Histoire naturelle des poissons d'eau douce de l'Europe centrale. Il est même le cosignataire du volume sur les salmonidés, paru en 1842, dans lequel il fait une large place au développement, depuis l'œuf jusqu'à l'état adulte, de ces poissons dont les représentants les plus connus sont les saumons, les truites, les corégones, les ombles et les ombres. On lui doit aussi les chapitres traitant du squelette et des écailles dans le grand ouvrage d'Agassiz sur les poissons fossiles.

En 1844, Vogt quitte la Suisse pour Paris, ou il déploie d'emblée une grande activité. Il présente un mémoire sur l'Anatomie comparée des organes de la génération chez les animaux vertébrés, qui reçoit le grand prix de l'Académie des sciences. Il écrit un Traité de géologie et des pétrifications, qui connaîtra plusieurs rééditions. Ses Lettres philosophiques et physiologiques, publiées entre 1845 et 1847, rencontreront aussi un grand succès. L'intérêt qu'il porte aux animaux marins le conduit à aller les observer dans leur milieu naturel. Il effectue d'abord un séjour en Bretagne, à Saint-Malo, puis se rend sur la côte méditerranéenne où il entreprend des études sur divers poissons et sur des invertébrés marins encore mal connus, tels les céphalopodes et les siphonophores. Le résultat de ses travaux fera l'objet d'un mémoire intitulé Recherches sur les animaux inférieurs de la Méditerranée, publié en 1868.

De retour en Allemagne, où il a accepté la chaire de zoologie de l'université de Giessen, il prend une part active à la révolution de 1848. Il devient député au parlement de Francfort où il siège à l'extrême gauche. Après le reflux de la vague révolutionnaire, il est contraint de s'exiler et vient s'installer à Genève. À l'université de cette ville, il occupe d'abord la chaire de géologie, qui se trouve alors vacante, puis, à partir de 1872, celle de zoologie. Mais il n'a pas pour autant renoncé à la politique. Son ouvrage de 1859 attaque violemment Karl Marx, alors en exil à Londres, et le présente comme le chef d'une bande d'escrocs cherchant à s'enrichir par l'exploitation des travailleurs. Marx répond l'année suivante par un pamphlet d'une égale virulence, Herr Vogt, où il insinue que Vogt n'est qu'un agent provocateur à la solde de Napoléon III.

Vogt se fait aussi remarquer par ses opuscules philosophiques dans lesquels il se réclame du « matérialisme biologique ». Lorsque paraît De l'origine des espèces (1859), il prend aussitôt parti en faveur de Charles Darwin, affirmant qu'« il vaut mieux être un singe perfectionné qu'un Adam dégénéré ». Son Mémoire sur les microcéphales ou hommes-singes fait de lui l'un des premiers anthropologues.

L'enthousiasme du chercheur

L'enthousiasme du chercheur



Devenu professeur à Genève, Karl Vogt continuait à fréquenter les côtes françaises pour y étudier la faune marine. Dans une lettre datée du 3 juin 1875 et adressée à son ami Lacaze-Duthiers, directeur du laboratoire de biologie de Roscoff, il raconte comment il s'y est pris pour obtenir la permission d'interrompre momentanément ses cours à l'université afin de pouvoir se rendre en Bretagne : « J'ai mis en émoi tout le monde – université, département de l'Instruction publique, Conseil d'État et pouvoir législatif – à cause de la nouvelle lune du 3 juillet, laquelle, disais-je, était sans faute accompagnée d'une immense marée découvrant le fond de la mer à une profondeur de 100 brasses au moins et livrant ainsi à la Science des monstres nombreux, qui n'attendaient que ce moment pour se faire mettre soit à l'esprit de vin, soit à la liqueur conservatrice. »

Vogt est l'auteur d'un rapport, daté de 1376, sur la nécessité de créer en Méditerranée des laboratoires de biologie marine, à l'instar de ce qui a été fait en Bretagne. Son vœu sera exaucé de son vivant, puisque le laboratoire de Banyuls verra le jour en 1881.