Tadeusz Mazowiecki

Homme politique polonais (Płock 1927-Varsovie 2013).

1. L'intellectuel aux côtés des ouvriers

Juriste de formation et catholique modéré, il participe, en 1956, à la création du Club de l'intelligentsia catholique (KIK) de Varsovie et fonde en 1958 la revue Wiȩź (« Le Lien »). Élu député du groupe des catholiques indépendants ZNAK (1961), il est un des rares parlementaires à s'insurger contre la répression des manifestations étudiantes et les purges antisémites en 1968. À l'étroit dans son habit de parlementaire, il quitte la Diète en 1971 et rejoint les contestataires Adam Michnik et Jacek Kuroń qui fondent, en 1976, le Comité de défense des ouvriers (KOR) ; en participant aux activités du KOR et en soutenant les ouvriers grévistes, Mazowiecki glisse progressivement vers l'opposition ouverte, jusqu'à y basculer complètement en août 1980.

Lorsque la vague de grèves, commencée en février à Gdańsk, se répand à travers le pays tout entier en juillet, Mazowiecki accourt aux chantiers navals de Gdańsk pour conseiller les ouvriers emmenés par Lech Wałęsa et devient chef du groupe d'experts du syndicat Solidarność. Victime, avec des milliers d'autres militants, de la loi martiale décrétée le 13 décembre 1981 par le général Jaruzelski, il est interné pendant une année (1981-1982). Libéré, il ne renonce pas à son combat pour la démocratie et, passé à la clandestinité, continue à alimenter la presse illégale.

2. L'homme de la transition du communisme vers la démocratie

Un nouveau mouvement de grèves se développe à partir du printemps 1988 pour réclamer la relégalisation de Solidarność et la démocratisation du régime. De février à avril 1989, Wałęsa et Mazowiecki contraignent le gouvernement communiste à de longues négociations qui débouchent sur l'acceptation par le POUP de l'organisation d'élections législatives les 4 et 8 juin. À la suite de l'éclatante victoire de Solidarność, Wałęsa fait appel à Mazowiecki, qui, le 24 août, est nommé Premier ministre, devenant ainsi le premier chef de gouvernement non communiste de l'Europe de l'Est depuis quarante ans. Son investiture revêt une importance qui dépasse de loin les frontières de la seule Pologne.

En quelques mois seulement, Mazowiecki réussit à faire passer la Pologne – moyennant une « thérapie de choc » menée par le ministre des Finances Leszek Balcerowicz – de l'économie planifiée vers l'économie de marché. La Constitution est modifiée afin d'éliminer les références au « rôle dirigeant » du parti communiste, la Pologne est renommée « République de la Pologne ». En politique étrangère, Mazowiecki signe avec le chancelier Helmut Kohl, lors de la réconciliation entre l'Allemagne réunifiée et la Pologne, un traité (ratifié en juin 1991) reconnaissant la ligne Oder-Neisse comme frontière entre les deux pays.

3. Un homme intègre

Alors qu'un président démocratiquement élu doit succéder au général Jaruzelski, Mazowiecki se déclare candidat à l'élection présidentielle de 1990 face à Lech Wałęsa, désormais devenu son principal concurrent. Battu dès le premier tour, il quitte le pouvoir (novembre), mais retouve un siège de député à la Diète entre 1991 et 2001 comme membre de l'Union pour la liberté (UW). Nommé en août 1992 rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie, il démissionne en juillet 1995, après le massacre de musulmans bosniaques par les milices serbes à Srebrenica, en dénonçant la passivité des grandes puissances. Hostile à toute chasse aux sorcières, il refuse en avril 2007 de se soumettre à la nouvelle loi sur la « décommunisation » des frères Jarosław et Lech Kaczyński et de remplir une déclaration certifiant ne pas avoir collaboré avec les services secrets communistes.

Pour en savoir plus, voir les articles Pologne : histoire, Pologne : vie politique depuis 1990.