Jean Henri Casimir Fabre

Jean Henri Fabre
Jean Henri Fabre

Entomologiste français (Saint-Léon, Aveyron, 1823-Sérignan-du-Comtat 1915).

« Sans maître, sans guides, souvent sans livres, en dépit de la misère, le terrible étouffoir, je vais de l'avant, je persiste, je tiens tête aux épreuves… »

Fabre évoque ainsi sa vie et ses combats. D'origine modeste, il dut beaucoup travailler pour acquérir une relative aisance. Ce n'est que sur ses vieux jours qu'il put mener vraiment la vie qui lui convenait et se consacrer exclusivement à l'observation des insectes. Sa première enfance se passe dans une cour de ferme, auprès de sa grand-mère. Parmi les oies, les veaux et les moutons, il s'éveille à la conscience en suivant la ronde des insectes. À sept ans, il fréquente l'école de son village, et, distrait par les animaux qui viennent s'ébattre jusque dans la salle de classe, y apprend péniblement à lire. Il va ensuite au collège de Rodez et sert la messe le dimanche pour payer ses frais d'études. Adolescent, il se voit contraint de quitter le collège et d'exercer, pour vivre, toutes sortes de petits métiers.

Il continue pourtant à s'instruire, seul, et, à Avignon, où le hasard l'a fait échouer, il se présente à un concours ouvrant l'accès à l'École normale primaire de la ville. Il est reçu premier. À l'École, il brûle les étapes, si bien qu'il se retrouve en 1842 instituteur à Carpentras. Il entend bien poursuivre ses études. Comme, à l'époque, les sciences naturelles n'offrent guère de débouchés dans l'enseignement, il s'oriente vers les mathématiques, la physique et la chimie. Sans professeur, il prépare le baccalauréat, qu'il passe sans difficultés. Il s'attaque ensuite aux licences de physique et de mathématiques. Reçu brillamment en 1849, il enseigne d'abord au lycée d'Ajaccio, et, en 1853, à celui d'Avignon. Là, il commence l'étude des sciences naturelles, obtient sa licence dès 1854 et, l'année suivante, son doctorat.

Il n'a jusqu'alors publié que des poèmes. Il va, à cette époque, faire paraître son premier mémoire, qui porte sur les cercéris, ou guêpes fouisseuses ; il montre comment ces insectes paralysent leurs proies pour que leurs larves puissent se nourrir de viande fraîche. Cette publication et celles qui suivront attirent sur lui l'attention des milieux scientifiques. Darwin parlera de lui dans l'Origine des espèces comme d'un « observateur inimitable ». Cependant, Fabre, qui a maintenant une nombreuse famille à nourrir, rencontre toujours des difficultés d'argent. Sans délaisser l'étude des insectes, il cherche et finit par trouver un nouveau procédé permettant d'extraire de la garance le principe tinctorial sous une forme purifiée. Il croit la fortune enfin à portée de la main mais, juste à ce moment, on réalise la synthèse artificielle de l'alizarine, ce qui enlève tout intérêt à son procédé.

Une autre de ses tentatives pour augmenter ses ressources se révélera tout aussi malheureuse. On cherche alors à développer l'enseignement féminin et il entreprend, en 1868, de donner des cours de sciences naturelles aux jeunes Avignonnaises. Il ose parler sans ambages de la fécondation des plantes. De bons esprits s'émeuvent de l'« impudeur » de ses leçons. Mis à la porte par ses propriétaires, Fabre, ulcéré, démissionne du lycée et quitte Avignon pour Orange. Le professeur devient auteur de manuels scolaires et d'ouvrages de vulgarisation. L'argent ainsi gagné lui permettra de s'acheter, en 1879, à Sérignan, village provençal proche d'Orange, un petit domaine envahi par les chardons, qu'il appelle « l'Harmas ». Il va y vivre désormais dans la seule compagnie de sa famille, de quelques intimes et de ses chers insectes. On l'aperçoit fréquemment, aux alentours de Sérignan, couché sur le sol et couvert de poussière, l'œil rivé à sa large loupe. Il écrit ses Souvenirs entomologiques (10 vol., 1879–1907), qui lui vaudront une grande notoriété. En 1910, on célèbre avec éclat le jubilé scientifique de Fabre, âgé alors de quatre-vingt-sept ans. On élève des statues à « l'Homère des insectes », dont la photographie a popularisé la silhouette tassée par les ans, le large chapeau, la lavallière et le costume sombre. Il s'éteint le 11 octobre 1915.

Une population de travailleurs

Une population de travailleurs



L'Harmas de Sérignan, « un coin de terre abandonné, stérile, brûlé par le soleil », se révéla être un paradis pour les hyménoptères, ce qui ravissait son propriétaire, Fabre : « Jamais, en mes chasses entomologiques, je n'avais vu réunie en un seul point pareille population : tous les corps de métier s'y donnent rendez-vous. Il y a là des chasseurs en tout genre de gibier, des bâtisseurs en pisé, des ourdisseurs en cotonnades, des assembleurs de pièces taillées dans une feuille ou les pétales d'une fleur, des constructeurs en cartonnage, des plâtriers gâchant l'argile, des charpentiers forant le bois, des mineurs creusant des galeries sous terre, des ouvriers travaillant la baudruche... » Souvenirs entomologiques, l'Harmas.