Gustave II Adolphe

Gustave II Adolphe
Gustave II Adolphe

(Stockholm 1594-Lützen 1632), roi de Suède (1611-1632).

La formation du prince

À la mort de Gustave Ier Vasa en 1560, son fils Erik XIV lui succéda ; en 1568, il fut détrôné par son frère Jean III. À la mort de Jean (1592), le trône revint à Sigismond Ier, son fils, roi de Pologne sous le nom de Sigismond III depuis 1587. Ce dernier, élevé par sa mère, Catherine Jagellon, dans la foi catholique, rêvait de ramener la Suède dans l'obéissance de Rome. Il ne put jamais établir son pouvoir en Suède. Son oncle le duc Charles de Sudermanie, le dernier fils de Gustave Vasa, souleva le pays contre lui et s'empara du pouvoir ; il devint roi en 1607 (Charles IX).

Désirant assurer à son fils Gustave le pouvoir suprême, qui revenait héréditairement à son neveu qu'il avait détrôné et à ses descendants, Charles IX prit le plus grand soin de son éducation. Un précepteur, Johan Skytte (1577-1645), lui enseigna l'histoire, les lettres, la philosophie et les mathématiques. Mais le jeune Gustave bénéficia aussi du savoir militaire d'officiers protestants anglais, allemands et français qui avaient combattu pour les Provinces-Unies contre l'Espagne. À l'occasion de la trêve de 1609, ceux-ci étaient venus en Suède, et Gustave avait interrogé ces disciples du plus grand capitaine de l'époque, Maurice de Nassau, le fils de Guillaume le Taciturne.

En 1611, le prince avait été présenté aux états (le Riksdag) par son père, qui mourut peu après : compte tenu de la maturité du jeune roi, le Riksdag lui confia le pouvoir, bien qu'il n'eût que dix-sept ans. Gustave sut s'entourer de remarquables personnalités pour l'aider dans le gouvernement du pays : il nomma chancelier Axel Oxenstierna (1583-1654).

Premières années du règne : les réformes de l'administration et de l'armée

Ce qui importe au nouveau roi et ce qui restera la passion de sa vie, c'est la lutte pour sa foi protestante contre un catholicisme redevenu conquérant. Aussi s'empresse-t-il de liquider le conflit avec le Danemark et la Russie pour continuer le combat sur le front catholique polonais.

Il signe avec le Danemark, sous la médiation de l'Angleterre et des Provinces-Unies, la paix de Knäred en 1613. La Suède abandonne la province de Finnmark. Le roi renonce aussi au projet assez utopique d'installer son frère Charles Philippe sur le trône de Russie, mais il s'arrange pour signer en 1617, à Stolbova, une paix avantageuse, qui donne à la Suède la Carélie orientale et l'Ingrie : grâce à ces possessions, la Suède est à même de contrôler la route commerciale la plus importante entre la Moscovie et l'Occident.

Pour se prémunir contre les menées des nobles, partisans de son cousin de Pologne, Gustave associe plus étroitement la noblesse au gouvernement. Il réforme l'administration des Finances (1618), la justice (1624), la chancellerie (1626). Une ordonnance réglemente le corps politique que constitue la noblesse. Le roi a le souci de développer la culture dans cette aristocratie : il réforme et réorganise l'université d'Uppsala et met à sa tête Johan Skytte.

En même temps, il forge l'instrument de ses futures victoires : l'armée suédoise. Contrairement à celle des princes allemands, composée de mercenaires, cette armée est une armée nationale, composée de paysans suédois et animée d'un idéal commun qui s'est fortifié au cours de luttes pour l'indépendance et pour la religion luthérienne. Le pays consacre les deux tiers de son budget à son armée. Le soldat est recruté sur les listes paroissiales, où un homme sur dix peut être enrôlé. Cependant, l'armée (au plus 20 000 hommes) représente à peine 1 % de la population. Les différents corps qui la composent sont constitués de recrues d'une même province, ce qui accentue l'esprit d'unité et de solidarité de ses composantes. La noblesse fournit les officiers, promus à l'ancienneté.

Le moral de cette armée est entretenu par des pasteurs, et c'est en chantant des psaumes qu'elle va au combat. Les jeux, les blasphèmes, l'ivrognerie, la paillardise sont interdits. Une forte discipline qui supprime (théoriquement) les pillages et les violences est rendue possible grâce à une intendance perfectionnée : approvisionnement et solde régulièrement versés, habillement solide et pratique (draps et cuirs).

Si l'armement défensif est réduit, le mousquet allégé et perfectionné, les pièces d'artillerie sont allégées elles aussi : traînées par deux chevaux ou par trois hommes, elles sont réparties entre les régiments, méthode qu'adopteront bientôt toutes les armées d'Europe. La valeur combative de cette armée, le perfectionnement de son matériel permettent à Gustave-Adolphe de pratiquer une nouvelle tactique en s'inspirant des enseignements d'un Gascon au service de la Suède, Jacques (ou Jacob) de La Gardie (1583-1652). La cavalerie devient plus efficace ; l'infanterie peut entretenir un feu continu avec six rangs de tireurs, ce qui permet des feux roulants très puissants. L'unité de manœuvre, c'est la brigade, plus petite et surtout plus maniable que les carrés de l'époque.

Ce qui est révolutionnaire dans cette armée, c'est son caractère national. Napoléon ne cachera pas son admiration : « Gustave-Adolphe, déclarera-t-il, était animé des principes d'Alexandre, d'Hannibal et de César. »

La lutte contre l'empereur pour la foi protestante

Le roi Sigismond de Pologne, prétendant au trône de Suède, compte sur l'appui de l'empereur Ferdinand II, son beau-frère. Gustave-Adolphe, lui, acquiert un précieux allié : l'Électeur de Brandebourg, dont il épouse en 1620 la fille, Marie-Éléonore. Puis, en 1621, il marche contre son ennemi avec une armée de 24 000 hommes. Aux paysans suédois se sont joints des contingents écossais, anglais et hollandais. En Livonie, Gustave-Adolphe s'empare de la ville de Riga après un mois de siège. Le roi de Pologne, occupé contre les Turcs, demande une trêve. Celle-ci expirant en 1625, Gustave-Adolphe entreprend une grande expédition. Successivement, toutes les places de la Livonie tombent entre les mains des Suédois, puis c'est le tour de la Courlande et de la Lituanie. Après la victoire de Wallhof (janvier 1626), la Prusse-Occidentale est occupée à son tour. Blessé au siège de Dantzig en 1627, le roi apparaît comme le champion du protestantisme en Allemagne.

La guerre de Trente Ans, qui a éclaté en 1618, a favorisé d'abord les catholiques ; les armées de l'Empereur commandées par Wallenstein ravagent le nord de l'Empire (Holstein et Mecklembourg) et battent le roi de Danemark Christian IV. Wallenstein songe à lancer une flotte sur la Baltique pour anéantir la Suède et souhaite que celle-ci reste le plus longtemps possible aux prises avec la Pologne.

Pour empêcher la jonction des troupes impériales et polonaises, Gustave-Adolphe débloque le port de Stralsund et, en 1629, signe une trêve avec la Pologne : la Suède y gagne la Livonie, importante source de richesses à cause du produit des douanes des ports baltiques.

L'année suivante, le roi de Suède débarque en Poméranie : c'est l'affrontement direct avec l'empereur. C'est à ce moment aussi que se joue le sort du protestantisme dans l'Europe du Nord.

Gustave-Adolphe obtient des succès éclatants : toute la Poméranie est conquise ; Richelieu s'allie à la Suède (traité de Bärwalde, janvier 1631) et lui octroie d'importants subsides ; surtout, l'empereur Ferdinand commet l'erreur de se débarrasser du brillant Wallenstein ; son successeur Tilly assiège Magdebourg, qui s'est déclarée pour le roi de Suède. Cette place située sur l'Elbe a une importance stratégique considérable, puisqu'elle est la clé de toutes les provinces occidentales de l'Empire, les plus riches. Gustave-Adolphe ne peut la secourir à temps, car l'Électeur de Saxe, Jean Georges Ier, dont il faut traverser les États, lui a refusé le passage.

Mais Tilly, qui a pris la ville (mai 1631), envahit ensuite les États de l'Électeur, qui fait appel au roi de Suède et s'allie avec lui. À la bataille de Breitenfeld (17 septembre 1631), les Suédois mettent en déroute les troupes impériales de Tilly ; les forces de la Contre-Réforme sont brisées, et le protestantisme est sauvé en Allemagne.

Le retentissement de cette victoire est énorme dans toute l'Europe, où l'on s'interroge sur les desseins du roi de Suède. Tout, en effet, lui est maintenant possible. Quels sont ses véritables projets ? A-t-il l'intention de s'emparer de la couronne impériale comme l'Électeur de Saxe et le duc de Weimar l'y poussent ? On ne sait, mais il se met en marche pour le sud par la Franconie. Il prend nombre de places fortes (Erfurt, Würzburg, Mayence), atteint le Rhin, puis gagne la Bavière.

Au printemps 1632, il entre à Nuremberg, puis, malgré l'opposition de Tilly, qui y laisse la vie, passe brillamment le Lech et pénètre dans l'Électorat. Un an après le terrible sac de Magdebourg par les impériaux, Gustave-Adolphe fait son entrée à Munich, la capitale de la très catholique Bavière. L'empereur, aux abois, fait de nouveau appel à Wallenstein et lui donne le commandement de ses troupes : Wallenstein s'adjoint celles de l'Électeur de Bavière et s'établit à Nuremberg pour couper au roi de Suède la route du nord.

Gustave-Adolphe l'y rejoint, et, durant deux mois, les deux armées s'observent. Les Suédois, ne pouvant enlever le camp retranché des impériaux, reprennent leur progression vers le sud, escomptant que Wallenstein les y poursuivra. Mais celui-ci déjoue leur manœuvre et se dirige au contraire vers le nord, où il envahit la Saxe. Le roi, ne pouvant permettre qu'une armée ennemie se place entre lui et la Baltique, revient à marches forcées. Le 6 novembre 1632 a lieu à Lützen une sanglante bataille. D'abord victorieuse, l'armée suédoise plie à l'arrivée inopinée de la cavalerie lourde de Pappenheim. C'est en exhortant ses troupes que Gustave-Adolphe est tué. Sa mort galvanise les siens : Bernard de Saxe-Weimar prend le commandement et remporte la victoire sur les impériaux, qui perdent 12 000 hommes.

Si la mort du roi de Suède fait disparaître les grands projets royaux (sa fille unique, Christine, n'a que six ans), ses généraux, Johan Gustafsson Banér, Lennart Torstensson, Bernard de Saxe-Weimar, Carl Gustaf Wrangel, Gustaf Horn, resteront en Allemagne, et, grâce à eux, la paix de Westphalie pourra être signée en 1648, au plus grand avantage de la Suède. Ces traités consacreront sa toute-puissance sur la Baltique et la désigneront comme la protectrice des protestants d'Allemagne : ceux-ci, grâce à elle, conserveront dans l'Empire leurs positions politiques et territoriales.