Eva Joly

Femme politique française d'origine norvégienne (Oslo 1943).

La magistrate de fer

Née dans une famille modeste, installée depuis peu dans la capitale norvégienne, Gro Eva Farseth grandit dans un quartier populaire d'Oslo qu’elle quitte dès l'âge de dix-huit ans pour exercer toutes sortes de petits métiers et devenir fille au pair à Paris. Après son mariage en 1967 et à l’issue de ses études de droit, Eva Joly entame une carrière de juriste dans un hôpital à Étampes.

Les années 1980 marquent un tournant et un tremplin ; en 1981 à l'École nationale de la magistrature et est nommée successivement substitut du procureur de la République à Orléans et à Évry, avant d’officier dans différents organismes dépendant du gouvernement.

En 1990, E. Joly devient juge d’instruction au pôle financier du Palais de justice de Paris et s’illustre dans le suivi de dossiers sensibles. L’affaire Elf (qu’elle informe avec sa collègue Laurence Vichnievsky), et notamment l’inculpation et l’incarcération de l'ancien dirigeant Loïk Le Floch-Prigent font connaître dès le milieu des années 1990 sa détermination au grand public – et inspirent au cinéaste Claude Chabrol L’ivresse du pouvoir (2006).

Inflexible, E. Joly poursuit sa traque des malversations politiques et économiques en enquêtant sur le scandale des frégates de Taïwan puis sur le train de vie de Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel, qu’elle n’hésite pas à mettre en examen (1998). Son intransigeance envers la corruption susceptible d’affecter les plus hauts sommets de l’État et des grands groupes industriels et financiers lui vaut de se voir décerner en 2001 le prix de l’intégrité de l'ONG Transparency International et d’être élue « Européenne de l’année » en 2002, à l’aboutissement de l'affaire Elf.

Elle s’engage ensuite au service du gouvernement norvégien dans son action contre la corruption et la délinquance financière internationale. Elle y met en particulier sur pied en 2005 un réseau mondial d’enquêteurs privés – le Network – et produit en 2010, à la demande des responsables politiques islandais, un important rapport sur de possibles trafics d’influence lors du krach bancaire de 2008. Mais d'autres perspectives rappellent alors l’ancienne magistrate dans l’Hexagone, son pays d’adoption.

La candidate des Verts

Plutôt proche de la sensibilité centriste incarnée par François Bayrou, E. Joly est dès 2008 sollicitée par Les Verts pour animer leur campagne européenne. Elle rejoint la plateforme Europe Écologie montée par Daniel Cohn-Bendit et accepte de figurer derrière lui, en deuxième place de la liste du mouvement pour l’Île-de-France. L'excellent score d'Europe Écologie lors du scrutin de juin 2009 (20,9 % des voix, loin devant celle du parti socialiste emmenée par Harlem Désir) n'envoie pas seulement Eva Joly au Parlement européen mais éveille chez elle de nouvelles ambitions : en 2010, elle fait connaître son intention de concourir à l’élection présidentielle de 2012.

Contre toute attente, Eva Joly remporte la primaire interne à la formation Europe Écologie – Les Verts (EE-LV) qui l’oppose à Nicolas Hulot. Manquant de peu de gagner dès le premier tour (49,75 % des voix), elle obtient au second (juillet 2011) plus de 58 % des suffrages et se voit dès lors confier la responsabilité de porter les couleurs du mouvement dans la campagne présidentielle qui débute.

Attaquée sur son origine étrangère, soupçonnée sur l’authenticité de sa conversion à l’écologie, discréditée par des propositions malheureuses de réforme du 14 Juillet, du calendrier des jours fériés ou du rôle de la France à l'ONU, E. Joly est lâchée par certains ténors d'EE-LV qui, à l’instar de D. Cohn-Bendit, ne manquent pas de s’interroger sur la pertinence politique de sa candidature. Puis, placée en porte-à-faux avec l’appareil dirigeant de la formation (à propos des accords électoraux passés avec le PS en vue des législatives de 2012 et des concessions acceptées, notamment sur l’avenir de la filière nucléaire), elle ne parvient pas à concrétiser les espoirs que son positionnement atypique, placé sous le signe de la rigueur et de l’exemplarité, semblait initialement devoir incarner.

Sa campagne, qui fait aussi les frais du réflexe du vote utile, ne décolle pas et s'apparente, en définitive, à un chemin de croix. Au soir du premier tour le 22  avril 2012, n'ayant recueilli que 2,3 % des voix, elle appelle aussitôt les quelque 800 000 électeurs qui se sont prononcés pour elle à voter en faveur de François Hollande le 6 mai.

Loin d'elle cependant l'idée de disparaître de la vie publique : en juin, E. Joly se voit confier par l'ONU une mission anti-corruption de deux ans en Afghanistan. Par là-même, elle renoue avec les grands combats de sa carrière, poursuivant de la sorte sur un terrain en définitive familier une action politique d’envergure.

Pour en savoir plus, voir l'article France : vie politique depuis 1958.