Arthur Spiegelman, dit Art Spiegelman

Dessinateur et scénariste américain de bandes dessinées (Stockholm 1948).

Un enfant de l’« underground »

Fils de Juifs polonais qui ont décidé d’émigrer aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, Art Spiegelman naît à Stockholm sur la route de l’exil. Il grandit à New York, où sa famille connaît la vie âpre des immigrés. L’enfant trouve refuge dans la lecture des comics, notamment celle du magazine satirique Mad, dans lequel il découvre les premières images troublantes d’un monde violent.

Dès 1963, tout en suivant une formation à l’académie des arts de San Francisco, le jeune homme publie ses premières illustrations dans divers magazines. En 1968, abusant du L.S.D., il connaît une grave crise névrotique qui le conduit à séjourner dans un hôpital psychiatrique. À sa sortie, il est confronté à un drame : sujette à des dépressions chroniques, sa mère Anja se suicide. Pour faire face au sentiment de culpabilité qui l’envahit, il se plonge avec acharnement dans le travail, dessinant de nombreuses histoires, le plus souvent introspectives et à vertu thérapeutique, qu’il publie dans la presse alternative (Young Lust, Real Pulp comics, Bizarre Sex).

L’un des chefs de file de la bande dessinée américaine

En 1972, c’est dans un de ces périodiques, Funny Animals, qu’Art Spiegelman publie trois planches autour desquelles il allait édifier son œuvre maîtresse : Maus, un survivant raconte. Publié ultérieurement en deux volumes dans sa version longue (tome 1 : 1986 ; tome 2 : 1991), Maus est le récit d’une vie dans les camps de concentration, celle du père de l’artiste, Vladek, rescapé de la Shoah. Cette histoire extraordinaire et bouleversante au graphisme minimaliste, où les nazis sont portraiturés en chats et les Juifs en souris, obtient le Prix Pulitzer en 1992, fait sans précédent pour une bande dessinée. En 2011, il reçoit le Grand Prix du Festival d’Angoulême.

Également éditeur – il est le cofondateur, avec Bill Griffith, du magazine Arcane (1975-1976), puis, avec son épouse Françoise Mouly, de la revue new-yorkaise d’avant-garde Raw (1980-1991) –, Art Spiegelman publie ensuite divers albums, aussi bien pour les adultes (Ace Hole, midget detective, 1974 ; Breakdowns, 1977 [publié en France en 2008] ; The Wilde Party, textes de Joseph Moncure March, 1994 [publié en France en 1996 sous le titre la Nuit d’enfer) que pour les plus jeunes (Open Me… I’m a Dog, 1997 [publié en France en 1999 sous le titre Ouvre… Je suis un chien !] ; Little Lit : Folklore & Fairy Tales, 2000 [publié en France en 2002 sous le titre Little Lit : Contes de fées, Contes défaits] ; Little Lit : Strange Stories for Strange Kids, id. [publié en France en 2005 sous le titre Little Lit : Drôles d’histoires pour drôles d’enfants]). À chaque fois, son sens de la narration et de l’expérimentation graphique (il se montre aussi à l’aise dans le dessin hyperréaliste que psychédélique) font merveille, et l’auteur s’impose comme l’un des chefs de file de la bande dessinée américaine.

Un témoin du 11 septembre

À partir de 1993, Art Spiegelman se consacre essentiellement à l’illustration, notamment pour The New Yorker. Dessinateur engagé, il se montre prompt à commenter la politique américaine et l’actualité sociale avec mordant. Cependant, après les attentats du 11 septembre 2001 – qu’il vit de manière traumatisante en direct (In the Shadow of No Towers, 2001-2004 [publié en France en 2004 sous le titre À l’ombre des tours mortes]) –, il démissionne de l’hebdomadaire (2002), protestant ainsi contre la direction qui censurait certaines de ses couvertures, jugées trop subversives. Art Spiegelman regroupera ces travaux dans un album essentiel, Bons Baisers de New York, en 2003.