les Morone

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Famille de peintres italiens.

Domenico (Vérone v. 1440  – ? apr. 1518). D'origine lombarde, il passa presque toute sa vie à Vérone. Son activité semble avoir commencé v. 1471, date de la fresque, aujourd'hui perdue, de la via Mazza à Vérone (Vierge à l'Enfant entre saint Christophe et la Madeleine), sa première œuvre citée. Élève de Francesco Benaglio, il adopta d'abord, dans les volets d'orgue de S. Bernardino (Vérone, 1481), le mantégnisme superficiel de celui-ci, avec son répertoire d'éléments architectoniques, de guirlandes, et avec sa sécheresse de formes. Mais, dès 1484, comme le montre la Vierge à l'Enfant de Berlin, cette leçon ne lui suffit plus et il se tourne vers les Vénitiens, Gentile Bellini et Carpaccio. Cette collusion avec des écoles voisines se révèle encore dans l'Expulsion des Bonacolsi, tableau de bataille peint au palais ducal de Mantoue, en 1494, lors d'une des rares absences de Morone de sa ville natale : on trouve davantage l'atmosphère ferraraise que celle de Venise dans ce paysage urbain animé de figurines au rythme haché.

Après cette première phase, qui correspond à Vérone à une période de transition marquée par l'influence de Mantegna, Morone trouva, au début du xvie s., son style personnel. Il peignit alors surtout de grandes décorations à fresque, le plus souvent en collaboration avec son fils Francesco (à partir de 1496) : 2 fresques de l'église de Paladon, près de Valpolicella (auj. à Vérone, Castel Vecchio), représentant Huit Saints (1502) ; décoration de la bibl. Sagramoso à S. Bernardino de Vérone (1503) ; fresque de la chapelle de S. Antonio à S. Bernardino (1502). Dans sa recherche de puissance expressive empreinte d'une poésie rustique, comme dans son austérité mystique, il révèle une personnalité originale qui retrouve le langage propre de la vieille école véronaise. Domenico Morone, avec son contemporain Liberale da Verona, a fixé les caractères de l'art véronais du début du xvie s. Sa manière mène insensiblement à celle de son élève Girolamo dei Libri, qui montre le même aspect solide des volumes, le même côté plaisant, plus qu'elle n'annonce celle de son fils.

Francesco (Vérone v. 1471-1529). Celui-ci fut jusqu'à la fin du xixe s. plus connu que son père. Collaborant dès 1496 avec lui, il admira d'abord les mêmes artistes (Mantegna, Carpaccio et Antonello), qu'il interpréta, à la manière de Michele da Verona, mais avec plus de raideur (Christ en croix, 1498, Vérone, S. Bernardino).

Jusque v. 1498, l'art de Francesco n'est pas dénué de réminiscences lombardes. Mais, de 1498 à 1515, il appliqua un " antonellisme " plus strict, jouant sur les formes géométriques dans des espaces nus : Vierge avec saint Zenon et saint Nicolas de Bari (1502, Brera), tableau d'autel (Madone et saints) de S. Maria in Organo (1503) et fresques de la sacristie de la même église représentant les supérieurs et les papes de l'ordre olivétain.

À partir de 1515, Francesco Morone s'adapte aux milieux culturels qu'il côtoie successivement : son art reflète le piétisme des créations tardives de Montagna, avant de découvrir le renouveau classique (Sainte Catherine et donateur, Vérone, Castel Vecchio) et de subir l'influence de Carpaccio, manifeste dans une de ses plus belles œuvres : Samson et Dalila (Milan, musée Poldi-Pezzoli).

Dans les Stigmates de saint François (Vérone, Castel Vecchio) et la Vierge à l'Enfant de l'Acad. Carrara de Bergame (entre 1515 et 1519), on perçoit le reflet des Scènes de la Passion de Cavazzola et, à travers lui, l'influence de la peinture ferraraise (Ortolano, Dosso Dossi, Garofalo), surtout dans le chromatisme et l'effet des tissus soyeux ; c'est à cette époque que Francesco travaille en étroite collaboration avec Girolamo dei Libri qui travailla avec Liberale da Verona et fut influencé par Mantegna. En 1519 arrive à Vérone le tableau d'autel de S. Biagio de Francesco Bonsignori, dont on retrouve l'aspect sombre et triste dans les œuvres de cette année (Madone du Museo Civico de Padoue, 1519 ; Lavement des pieds, Vérone, Castel Vecchio), de même que chez Cavazzola. Mais, à la mort de ce dernier, le Classicisme de Palma influença Morone (Trinité, id.), avant que celui-ci ne s'inspire enfin du Romantisme de G. F. Caroto (Saints Paul, Denis et Madeleine, Vérone, S. Anastasia).