Portrait de l'artiste par lui-même

Autoportrait de Rembrandt (1657). Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Après 1650, et surtout pendant les dix dernières années de son activité, Rembrandt épure son langage et dans le même temps n'hésite pas à user d'une épaisse matière pigmentaire qui exalte les ors et les rouges parmi des bruns dominants. Depuis l'autoportrait conservé au Mauritshuis, à La Haye, où il est âgé de vingt-trois ans et se représente dans toute la fierté d'une célébrité naissante, Rembrandt n'a cessé de se peindre pour fixer à la fois l'avancée du temps et la conscience qu'il a de lui-même, de sa dignité d'artiste et de ses incertitudes d'homme. Il est donc significatif que ces œuvres répondent parfois explicitement à celles des maîtres italiens qu'il admire, ou renvoient, dans les ultimes années de sa carrière, aux images christiques. À cet égard, cet autoportrait de 1657, au cadrage si serré qu'il en accroît la frontalité pathétique, accuse l'expressivité inquiète du regard au milieu des chairs affaissées du visage, qu'une forte lumière détache sur le fond sombre. Tel un nimbe profane, le chapeau aux larges bords s'arrondit au-dessus de cette figure dramatiquement isolée.