cour de Versailles

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Les liens traditionnels de l'institution monarchique et de la musique, renforcés par le goût personnel des souverains, ont durant cent ans fait de Versailles, modeste pavillon de chasse à l'origine, l'un des principaux centres musicaux de l'Europe. La musique n'y a sans doute guère eu de place sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII ­ même si ce dernier, aussi mélomane que grand chasseur, a su parfois mêler ses deux divertissements favoris, comme dans le Ballet de la merlaison (chasse au merle), dont il composa, dit-on, la musique. C'est Louis XIV qui, avec les Plaisirs de l'île enchantée (1664), inaugure la série des grandes fêtes royales qui vont donner au château son premier statut musical : centre périodique des principaux divertissements de la Cour (fête de 1668, fête de 1674…). À ce premier Versailles (1664-1682) sont ainsi liées quantité d'œuvres, la plupart de Lully (la Princesse d'Élide, 1664 ; Georges Dandin, le Grand Divertissement, 1668 ; Alceste et les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, 1674).

En 1682, Louis XIV prend la décision de fixer la Cour à Versailles de manière permanente. Dès lors, les structures musicales de la monarchie se fixent à Versailles et, sous l'impulsion de ce roi passionné de musique et de danse, se développent.

Les institutions

Ce sont essentiellement :

La Chapelle

Dirigée par 4 sous-maîtres se succédant trimestriellement (le titre de maître est réservé, honorifiquement, à un prélat), la musique de la chapelle compte plus de 80 chanteurs et musiciens vers 1700 ; recrutés par concours, les 4 sous-maîtres sont, à partir de 1683, Minoret, Coupillet, Collasse et Delalande ; ce dernier accaparera peu à peu tous les postes. Les 4 organistes se succèdent également « par quartier » ; parmi eux, à partir de 1693, François Couperin. La musique composée pour la Chapelle consiste essentiellement en motets : grands motets pour double chœur et symphonie, petits motets à une, deux ou trois voix.

La Chambre

La musique de la Chambre, dirigée par 2 surintendants trimestriels (dont Lully, 1662-1687 ; Delalande, 1689-1726), se compose d'un petit nombre de musiciens d'élite (8 chanteurs, 1 claveciniste, 3 luths et 1 théorbe, 4 flûtistes et 4 violons), des « 24 violons » chargés principalement de la musique des ballets, et des « petits violons », dont le statut n'est pas clair. La musique de la chambre accompagne les ballets, les divertissements périodiques, la musique de table ou du coucher, les petits concerts du soir, du dimanche après-midi, etc.

L'Écurie

Elle se compose des instruments de plein air : 12 trompettes, 6 hautbois, 6 hautbois de Poitou, fifres et tambours, ainsi que de la bande des 12 « grands hautbois ». Ces instruments prêtent leur concours à la Chambre et à la Chapelle.

Ces institutions évolueront peu jusqu'à la Révolution, à l'exception de la refonte qui, en 1761, regroupera la Chapelle et la Chambre.

Les œuvres

Versailles a exercé un effet d'attraction sur un grand nombre de compositeurs, et les moyens financiers dont disposaient les institutions musicales, autant que la qualité des œuvres composées pour la Cour, lui ont assuré un rayonnement très grand sur le reste du royaume. Cela est vrai en particulier de la musique de la Chapelle. Le grand motet versaillais (créé, avant Versailles, par Robert, Du Mont et Lully, et développé en particulier par Delalande, puis par Campra) a servi de modèle à l'essentiel de la musique sacrée française jusqu'à la fin du xviiie siècle. Leopold Mozart, en 1763, témoigne encore de la perfection de cette musique et de son exécution. La musique de ballet, si importante au xviie siècle, s'efface un peu lors de l'installation de la Cour à Versailles : il faut attendre la Régence et le règne de Louis XV pour voir quelques œuvres importantes, telles que le Ballet de la jeunesse de Delalande. Il en est de même à l'opéra. Après la création à Versailles de Phaéton (1683) et de Roland (1685) de Lully, Louis XIV se désintéressant de l'opéra, les grandes œuvres lyriques seront créées à Paris, sauf exception correspondant à un divertissement particulier ou à une célébration (la Princesse de Navarre de Rameau, 1745, mariage du Dauphin). En revanche, la musique de chambre a eu, tout au long du séjour de la monarchie à Versailles, une importance très grande. Louis XIV faisait venir son guitariste Robert de Visée à peu près chaque soir ; chaque dimanche avait lieu un concert de chambre, pour lequel François Couperin, entre autres, composa les Concerts royaux et les Goûts réunis. Les jours de fête, maints concerts avaient lieu au souper, au coucher, etc.

Le goût versaillais, mélange de noblesse et d'élégance, ainsi que les formes particulières de la musique française (ouverture, suite de danses) ont marqué l'Europe de la fin du xviie et du premier tiers du xviiie siècle, en particulier l'Allemagne et l'Angleterre. Centre moteur de la vie musicale française jusqu'en 1715, l'influence de Versailles est (sauf pour la musique sacrée) concurrencée par celle de « la ville » à partir de la Régence. Elle reste néanmoins forte jusque vers les années 1760-1770, lorsqu'un mouvement parti d'Allemagne et d'Autriche, accentué par l'avènement de Marie-Antoinette, marquera fortement la musique française dans son ensemble.