Guillaume Dufay

Guillaume Dufay, Se madame je puis veir
Guillaume Dufay, Se madame je puis veir

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Compositeur français (Hainaut v. 1400 – Cambrai 1474).

Son lieu de naissance reste imprécis : peut-être Chimay ou Cambrai. Il reçoit sa formation musicale au diocèse de Cambrai comme puer altaris. Cambrai est à l'époque un important centre de musique religieuse, connu jusqu'au Vatican qui en fait venir des musiciens. Les maîtres de Dufay sont V. Bréion, N. Malin, R. de Locqueville, compositeurs intermédiaires entre l'Ars nova de G. de Machaut et l'école franco-flamande dont Dufay va être le premier grand représentant.

Sa vie peut se partager en quatre périodes : apprentissage à Cambrai (jusqu'en 1419), période italienne (jusqu'en 1437), période itinérante entre plusieurs cours (jusqu'en 1450) et retour définitif à Cambrai. Ayant fait partie, à l'âge de dix-sept ans, de la suite de l'évêque Pierre Dailly au concile de Constance, Dufay y rencontre Carlo Malatesta qui le prend en 1419 à sa cour de Rimini. Il y reste jusqu'en 1428. De cette époque datent ses premiers motets, dont Apostolo glorioso. En 1427, il est ordonné prêtre. Pendant cinq ans (1428-1433), il séjourne à Rome où il retrouve un autre Cambraisien, Nicolas Grenon. À la suite d'une insurrection, le pape est obligé de se réfugier à Florence où Dufay le suit. En 1433-1435, on le voit à Chambéry, à la cour de Savoie, qui est un centre d'échanges entre la France et l'Italie. Il revient à Florence et, en 1436, compose pour l'inauguration du Dôme le motet Nuper rosarum flores. La même année, il reçoit un canonicat pour Cambrai, mais avant de s'y fixer, il va passer douze années partagé entre plusieurs cours : celle de Ferrare, celle de Savoie, celle de Bourgogne, où est établi son illustre contemporain et ami Gilles Binchois. Il acquiert au cours de ces années une notoriété considérable et jouit de l'estime et des faveurs de plusieurs monarques (Charles VII, Louis XI). De retour à Cambrai, il s'occupe d'une maîtrise d'enfants. Cette dernière période de sa vie est musicalement la plus productive.

La musique de Dufay est la résultante de plusieurs influences complémentaires : l'art français de Machaut, dont il a certainement connu les œuvres, la « contenance angloise » de Dunstable, importante par les innovations harmoniques qu'elle a introduites (prédominance de la tierce), enfin l'influence italienne due à ses voyages. Compositeur très éclectique, Dufay a joué un rôle également important dans la musique profane et la musique religieuse. La première plaît par son naturel, sa spontanéité mélodique, sa sensibilité. La seconde vaut par l'élaboration de son écriture, par sa solidité et par son sens de la grandeur religieuse. Les chansons de Dufay (virelais, ballades et surtout rondeaux) sont au nombre de 83, dont 8 sur des textes italiens. Le virelai, qui est une chanson à danser, est à deux voix, une voix mélodique et une teneur. Les ballades et les rondeaux sont pour la plupart à trois voix, la voix supérieure étant chantée et les deux autres souvent confiées à des instruments. Les ballades de Dufay (Resveillez-vous et faites chière lie, C'est bien raison, J'ay mis mon cœur et ma pensée) sont numériquement moins importantes que les rondeaux, car ce genre était en déclin à cette époque, de même que le virelai. Le rondeau, au contraire, atteint son apogée au milieu du xve siècle chez Dufay (La plus mignonne de mon cœur, Donnez l'assaut à la forteresse, Adieu m'amours), de même que chez Binchois.

Dans ses 76 motets, ses fragments de messes et ses messes entières, Dufay montre le désir de s'émanciper des excès d'artifices de l'Ars nova, en simplifiant l'écriture mais aussi en privilégiant l'expression. Toutefois, dans les motets écrits avant 1446, il conserve encore le principe de la teneur isorythmique. De plus en plus, la voix dominante ne va plus être le ténor mais le supérius, qui conduit la mélodie, et on remarque très nettement une tendance à l'écriture en imitation. Le madrigalisme commence à faire son apparition. Dans certains cas, Dufay indique des parties instrumentales obligées (par exemple, les trombones dans le Gloria ad modum tubae). La superposition de plusieurs textes, courante dans les motets de l'Ars nova, se retrouve parfois : ainsi dans le motet Ecclesiae militantis écrit pour l'intronisation du pape Eugène IV (1431), les cinq voix possèdent des textes différents ; ou la célèbre Lamentation de Constantinople (1454), dans laquelle un fragment latin des Lamentations de Jérémie est superposé à un texte français. Les neuf messes intégrales de Dufay sont écrites sur diverses teneurs, profanes, inventées ou liturgiques. Les teneurs profanes sont fournies par des thèmes de chansons populaires comme Se la face aye pale ou l'Homme armé : cette dernière doit, par la suite, être reprise par de nombreux compositeurs, dont Ockeghem et Josquin, et, même, au xviie siècle par Carissimi. En 1463 et 1464, Dufay écrit ses deux dernières messes, Ecce Ancilla Domini et Ave Regina caelorum, sur des teneurs liturgiques empruntées à des antiennes à la Vierge.

Avec Dufay commence l'une des grandes époques de la musique française : l'école franco-flamande, issue de la guerre de Cent Ans et dont le rayonnement reste constant jusqu'à la fin du xvie siècle, dominant toute la musique occidentale.

Guillaume Dufay, messe Ave Regina Caelorum : Gloria
Guillaume Dufay, messe Ave Regina Caelorum : Gloria
Guillaume Dufay, Se madame je puis veir
Guillaume Dufay, Se madame je puis veir