la Farce de Maître Pathelin

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Composée vers 1460-1465, cette farce, qui est l'une des premières manifestations de cette forme théâtrale et qui en est justement considérée comme le chef-d'œuvre, a joui d'emblée d'un succès jamais démenti. Elle fait aussi figure de remarquable exception : elle est trois fois plus longue que les autres farces, l'action en est très complexe ; elle donne une place prépondérante et inhabituelle aux motivations psychologiques des personnages ; elle ne tombe jamais dans la vulgarité tout en jouant d'une déconstruction systématique du langage organisé. Le ressort principal en est le principe, depuis longtemps banalisé par les fabliaux par exemple, du trompeur trompé. Sur trois thèmes de farce mettant en scène des personnages aussi fripons les uns que les autres – le drapier volé, la maladie feinte de Pathelin qui se met à divaguer en toutes sortes de langues, l'habile avocat berné par un berger –, l'auteur, resté inconnu, a construit une solide structure en deux parties : l'avocat Pathelin, activement aidé par sa femme, la très habile Guillemette, mystifie le drapier en emportant son drap, puis en feignant d'être malade quand l'autre vient réclamer son argent, mais l'avocat, prenant la défense d'un berger coupable de fraude au détriment du drapier, est à son tour berné quand son client use du subterfuge qu'il lui a suggéré – répondre « bée » à toutes les questions – pour ne point le payer. La force comique est liée à la toute-puissance de la ruse qui remet en cause la hiérarchie sociale et brouille les repères moraux, qui réduit aussi à néant le prestige du discours, le dernier mot de la pièce étant l'onomatopée : « bée ! »