Oulipo

sigle de l'« Ouvroir de Littérature Potentielle »

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Cet atelier de littérature expérimentale est né des réflexions de François Le Lionnais et de Raymond Queneau sur la possibilité de créer de nouvelles contraintes formelles à l'expression littéraire. Le groupe, qui tint sa première réunion le 24 novembre 1960, se proposait également d'affiner des procédures connues (ainsi revigorer le centon à l'aide de la théorie des chaînes de Markov), de manière à mettre des structures nouvelles à la disposition des écrivains dont l'inspiration se nourrit des règles et s'affermit sur l'obstacle. Rattaché au « Collège de pataphysique », l'Oulipo a rassemblé entre autres, aux côtés de ses initiateurs, Jacques Bens, Jean Lescure, Ross Chambers, Stanley Chapman, Georges Perec, Jacques Roubaud, et intéressa Marcel Duchamp. L'Oulipo se reconnaît des ancêtres, ou « plagiaires par anticipation », dans les troubadours, Villon, Rabelais, les Grands Rhétoriqueurs, la commedia dell'arte, Raymond Roussel, les formalistes russes. Ses méthodes supposent une pratique assidue du dictionnaire encyclopédique (la méthode S + 7 de J. Lescure remplace tous les substantifs d'un texte par le 7e qui suit dans un lexique donné ; la littérature définitionnelle de Queneau substitue à chaque mot sa définition dans le dictionnaire et génère ainsi un vaste « cancer » littéraire) ou des mathématiques (poèmes booléens de F. Le Lionnais, poèmes pour rubans de Moebius de Luc Étienne). Elles bénéficient aujourd'hui de l'assistance de l'ordinateur et avec J. Roubaud rejoignent les objectifs de l'« ALAMO » (Atelier de littérature assistée par la mathématique et l'ordinateur). En 1982, l'Oulipo s'est donné une « filiale », l'Oulipopo (Ouvroir de littérature policière potentielle), qui s'est fixé plus particulièrement l'étude du rôle des lieux du crime et du problème du « local clos ». La création oulipienne pratique l'écriture à contrainte, engendre du texte à partir de structures formelles dont les pouvoirs sont systématiquement exploités non sans succomber, parfois, aux pièges d'une démarche laborieusement mécaniste. Certaines réalisations, réglées en sous-main, constituent toutefois des réussites remarquables. C'est le cas notamment de la Vie mode d'emploi de Georges Perec (1978), qui prouve à l'évidence que contraintes formelles, imaginaire et talent ne sont pas inconciliables. L'Oulipo anime depuis des années des ateliers qui proposent à un large public de pratiquer ce type d'écriture.