Matteo Maria Boiardo

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain italien (Scandiano v. 1441 – Reggio nell'Emilia 1494).

Il fut gouverneur de Modène de 1480 à 1483, puis de Reggio à partir de 1487, au service d'Hercule ier d'Este. On lui doit des églogues (Pastorale, 1464) et un recueil de poèmes, inspirés par son amour pour Antonia Caprara (le Chansonnier ou les trois livres de l'amour, 1469-1476), dont le décor annonce l'atmosphère onirique des paysages du Roland amoureux (1495), son chef-d'œuvre. Ce poème épique, commencé en 1476 et interrompu au chant IX du IIIe livre par la mort de son auteur (1494), qui coïncide avec la descente de Charles VIII en Italie, sera poursuivi par l'Arioste dans le Roland furieux. Ses deux premiers livres comptent respectivement 29 et 31 chants. Thématiquement, la principale originalité de Boiardo réside dans l'introduction de la passion amoureuse comme ressort central de l'action au cœur du monde chevaleresque des cycles mérovingiens et bretons. Le sort des combats, que se livrent sur le sol de France les armées païennes d'Agramant et les preux de Charlemagne, est ainsi suspendu au hasard qui régit, autour de la belle Angélique, le ballet des désirs. Hasard proprement magique, mais non dépourvu de logique puisqu'il exclut toute réciprocité et structure symétriquement l'action par l'artifice des fontaines de l'Amour et de la Haine, où, par deux fois, s'abreuvent simultanément Renaud et Angélique dans la forêt des Ardennes en inversant leurs passions : aux vains transports d'Angélique pour Renaud, qui la fuit tout au long de la première partie du poème, répond la vaine poursuite de Renaud, que méprise Angélique, tandis que Roland persévère dans son malheur de tiers exclu. Héros malheureux d'une guerre paradoxale, où Vénus est l'enjeu des combats de Mars, Roland incarne à la fois les nostalgies chevaleresques et courtoises de l'aristocrate Boiardo et ses déceptions historiques à la veille de la crise qui devait livrer l'Italie à plusieurs siècles de domination étrangère. Déconcertés par l'idéologie courtoise du poème, qui allait à l'encontre de l'évolution des esprits de son temps, et découragés par la rudesse de son expression, les contemporains de Boiardo préférèrent la version toscanisante, élaborée par Francesco Berni (probablement achevée en 1531). Le Roland amoureux a été traduit en français dès 1544 et par Lesage en 1717.